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Proche-Orient

Sharon désavoue son chef d’état-major

Moshe Yaalon, le chef de l'état-major de Tsahal devra quitter ses fonctions en juillet 2005.(Photo : AFP)
Moshe Yaalon, le chef de l'état-major de Tsahal devra quitter ses fonctions en juillet 2005.
(Photo : AFP)
Le chef du gouvernement, Ariel Sharon, a refusé de proroger le mandat du chef d’état-major de l’armée israélienne, une première dans l’histoire du pays qui a provoqué un choc au sein de l’armée. Le général Moshe Yaalon devra quitter ses fonctions le 9 juillet, à la veille de l’évacuation, prévue quelques jours plus tard, des colonies de la bande de Gaza et de quatre petites implantations du nord de la Cisjordanie. Même si au gouvernement on se refuse à parler de renvoi, la décision qui frappe cet officier supérieur de 54 ans est clairement interprétée comme une sanction.

Depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948, tous les chefs d’état-major de l’armée ont vu leur mandat de trois ans renouvelé d’un an. Le 17ème titulaire de ce poste prestigieux aura donc fait exception à la règle. Non pas que Moshe Yaalon ait voulu se retirer une fois le temps de sa mission écoulée, mais ses inimitiés avec son supérieur direct et prédécesseur, le ministre de la défense Shaoul Mofaz, et surtout avec le chef du gouvernement Ariel Sharon auront eu raison de son maintien à la tête de l’état-major. Selon le quotidien Haaretz, ces derniers étaient prêts à un compromis lui accordant une prolongation de six mois. Mais l’intransigeance affichée par Moshe Yaalon –un an sinon rien– a conduit à une décision qui a provoqué un choc tant au sein de l’armée qu’au sein de la classe politique israélienne.

 A droite comme à gauche de l’échiquier politique, les responsables n’ont en effet pas ménagé leurs critiques. Ainsi pour le député  Zvi Hendel du parti d’extrême droite l’Union nationale, si le chef d’état-major a été remercié, c’est uniquement parce qu’il a osé exprimé son opposition au plan de retrait de la bande de Gaza. Usant de termes particulièrement durs envers le Premier ministre, ce parlementaire a affirmé qu’«Ariel Sharon dirigeait un régime dictatorial où quiconque ose critiquer son projet de désengagement est écarté». A gauche, les critiques sont tout aussi virulentes. Le travailliste, Ephraïm Sneh a ainsi accusé  le chef du gouvernement de mette en péril le plan de retrait de la bande de Gaza en renvoyant celui qui était le plus expérimenté pour en assurer l’application. Regrettant presque le départ de Moshe Yaalon, le député d’extrême gauche Yossi Sarid a pour sa part estimé que l’actuel chef d’état-major avait beaucoup plus de qualités que son prédécesseur à ce poste, le général Shaoul Mofaz. Et d’ajouter que la décision d’Ariel Sharon de s’en débarrasser était non seulement «suspecte» mais également «inquiétante».

Quoiqu’il en soit, pour l’ensemble des commentateurs de la vie politique israélienne, la mise à l’écart du chef d’état-major ne s’explique pas autrement que par les désaccords qui n’ont cessé de se multiplier entre ce dernier et Ariel Sharon. Moshe Yaalon a ainsi publiquement accusé l’été 2003 le Premier ministre israélien de n’avoir pas cherché à renforcer Mahmoud Abbas, alors chef du cabinet palestinien, face à Yasser Arafat en refusant notamment de faire des gestes de bonne volonté à son égard qui auraient pu permettre de prolonger le cessez-le-feu qu’il avait réussi à arracher aux groupes radicaux palestiniens. Et plus récemment, concernant le plan de désengagement de la bande de Gaza, Ariel Sharon a cru déceler dans les réserves de Moshe Yaalon sur le calendrier du retrait –prévu dans un premier temps pour le mois de février– une forme d’hostilité qu’il a choisie d’interpréter comme une opposition à son plan de retrait.

Sharon toujours aussi fermement décidé à appliquer son plan

Cette éviction du chef d’état-major a fait les choux gras de la presse israélienne. Ainsi pour l’éditorialiste du Maariv, la décision du Premier ministre est «la preuve flagrante du manque de confiance entre le politique et le militaire». Et pourtant, estime un commentateur de Yediot Aharonot, «ce n’est pas un chef d’état-major que l’ont peut accuser d’avoir échouer dans sa mission puisque c’est lui qui s’est trouvé à la tête de l’une des batailles les plus difficiles de l’armée israélienne» avec la gestion de la deuxième Intifada palestinienne. La nouvelle du départ de Moshe Yaalon a d’autant plus surpris qu’elle intervient quelques jours après l’annonce d’un autre départ, celui du chef des services de la sécurité intérieure, Avi Dichter. La plupart des observateurs de la scène politique israélienne prévoyait en effet que ce dernier resterait à son poste durant le retrait de la bande de Gaza mais le chef du Shin Beth, qui a récemment multiplié les mises en garde contre l’augmentation des menaces contre le Premier ministre au fur et à mesure que l'application du plan de retrait approchait, a été tout simplement remercié.

A croire qu’Ariel Sharon, qui n’a jamais été aussi déterminé à appliquer son plan de désengagement, ne supporte plus aucune forme de critiques. Devançant les obstacles qui ne manqueront pas de se dresser devant lui, le Premier ministre a annoncé mardi avoir commencé à coordonner avec l’Autorité palestinienne le retrait de la bande de Gaza, initialement conçu pour être un plan unilatéral. «Il est très important pour nous que ce territoire ne tombe pas aux mains du Hamas ou du Jihad islamique mais qu’au contraire l’Autorité palestinienne en prenne le contrôle», a expliqué Ariel Sharon avant d’ajouter qu’il espérait que ce retrait «pourra s’appliquer sans qu’aucun acte de terrorisme ne soit perpétré».

Signe de la détermination du Premier ministre à mener à bien son projet, les autorités israéliennes ont précisé les dispositions qui seront mises en place pour reloger les quelque 8 000 colons de la bande de Gaza et des quatre petites implantations du nord de la Cisjordanie devant être évacués. Le ministre travailliste de l’Intérieur, Ophir Pines, a ainsi annoncé la création d’un nouveau village dans le désert du Neguev, dans le sud d’Israël. Quelque 90 hectares ont déjà été alloués à cette localité baptisée Haloutzit 4 qui doit accueillir environ 500 familles. Beaucoup plus problématique est la décision qui a été prise de construire une nouvelle implantation en Cisjordanie pour loger une partie des colons évacués. Le ministère du Logement a en effet annoncé qu’il projetait de construire cette nouvelle colonie, du nom de Gvaot, dans la principale enclave israélienne de Cisjordanie du Gush Etzion. Cette décision a, comme il fallait s’y attendre, provoqué la colère des Palestiniens pour qui le plan d’Ariel Sharon de retrait de la bande de Gaza n’est qu’une ruse, ce que le principal conseiller du chef du gouvernement avait ouvertement soutenu dans une interview à la presse israélienne. Réagissant à cette nouvelle, le Premier ministre Ahmed Qoreï a d’ailleurs parfaitement résumé le sentiment palestinien en affirmant : «Israël se moque de nous en poursuivant le processus de colonisation».  


par Mounia  Daoudi

Article publié le 16/02/2005 Dernière mise à jour le 16/02/2005 à 17:50 TU