Revue de presse des hebdomadaires du 20/3/2005

«Chaque jour -écrit Le Journal du Dimanche- l'eau sale fait vingt-deux mille morts dans le monde. Les Nations unies se donnent dix ans pour relever le défi de l'accès à l'eau potable». Alors que «les alter mondialistes» achèvent ce dimanche 20 mars à Genève leur forum alternatif mondial de l'eau, Politis pose en couverture cette question : «A qui appartient l'eau ?». L'économiste italien Riccardo Petrella, professeur en Belgique répond : «l'eau, comme l'air, est essentielle à la vie. Le défaut d'accès à l'eau potable est une menace de mort qui touche aujourd'hui plus d'un milliard de personnes. Voilà pourquoi (cet expert) considère toute marchandisation de l'eau comme un premier pas vers la privatisation de la vie. L'eau doit devenir un droit universel» -tonne-t-il encore. En cette avant-veille de la journée mondiale de l'eau, le magazine La Vie renchérit, intitulant son dossier central : «la planète a soif». Selon l'éditorial, «le libre accès à l'eau potable dessine une nouvelle fracture entre riches et pauvres. La survie de notre espèce passe par l'émergence d'une nouvelle solidarité permettant de dépasser nos égoïsmes». Et puis, «une véritable bataille se joue entre privé et public autour de la distribution». En témoigne un reportage au Ghana, du côté du lac Volta. Un pays où «les pauvres paient quatre fois plus cher que les gens aisés ayant accès au réseau» !

Le Monde2 pousse un autre cri d'alerte, au «terrorisme nucléaire». Une «technologie à la portée du premier ingénieur venu». Selon un expert mondial de cette question, «bientôt, quelqu'un fera exploser une bombe atomique dans une grande ville, américaine, russe ou européenne» ! L'homme ajoute : «une bombe de dix kilotonnes, soit un peu moins puissante que celle d'Hiroshima, tient dans une grosse valise». Quant au «concept de ce type de bombe, il est public depuis plus de trente ans. N'importe qui peut se le procurer». Dès lors, Le Monde2 scénarise ce qui se passerait «si une petite bombe nucléaire explosait à Paris, devant l'Assemblée nationale. Le Palais Bourbon et tout ce qui se trouve dans un rayon de deux cents mètres serait instantanément vaporisé dans une grosse boule de feu. Tout être humain serait tué dans un rayon de cinq cents mètres. Le souffle de l'explosion détruirait l'Elysée, la place de la Concorde et la Madeleine. De multiples incendies ravagent les Champs Elysées et le Louvre. La panique est totale, les hôpitaux, les pompiers, la police comme les services d'urgence sont très vite débordés» !

Plus léger, et chatoyant aussi, dans ce même Monde2, les «trucs en Plume» et en couleurs des «Indiens du Brésil». «Depuis des siècles, les Amérindiens prélèvent les plumes des oiseaux les plus colorés pour les assembler en spectaculaires parures. Un art surtout pratiqué par les hommes, pour les hommes», et qui s'appelle «la plumasserie». Grâce au Brésil encore, le magazine Zurban promet «une année culturelle ensoleillée». La France célèbre en effet ce pays cette année, avec «une profusion de programmes, concerts, expos, colloques, théâtres et ballets». Afin de «dévoiler une culture née du métissage, des héritages indiens, européens et africains, constitutifs de l'identité nationale» brésilienne. Le même périodique annonce la participation au 25ème Salon du Livre de la capitale française d' «une délégation de 40 et un auteurs russes à découvrir».

Cosaques des lettres

L'Humanité Hebdo choisit parmi ces écrivains Vassili Axionov, qui raconte, dans «Une saga moscovite» l'histoire d'une «famille humiliée, anéantie par l'autorité politique» pendant «les trente années les plus sombres de l'Union soviétique, du moment où Staline installe son pouvoir absolu, jusqu'à sa mort». Ou encore, «l'auteur géorgien Boris Akounine, qui redonne ses lettres de noblesse au roman historique en mélangeant érudition et romanesque». L'Express présente «Andreï Kourkov, le brillant président de l'Union des écrivains ukrainiens. qui s'impose comme un des meilleurs satiristes de son pays. Pour comprendre pourquoi l'homo-soviéticus a longtemps été coincé entre la faucille et le marteau, il faut lire «les pingouins n'ont jamais froid», une fable très vache». D'après ce magazine, «après un siècle de glaciation éditoriale, la Russie a comblé son retard en moins de quinze ans. Les enfants de Pouchkine découvrent ou redécouvrent leurs écrivains. Tout en réglant parfois leur compte avec les Tolstoï, Gogol et autres géants, dont l'ombre plane toujours».

Le Point aussi s'intéresse à ces «nouveaux cosaques des lettres». «Mafieux, drogués, affairistes : c'est une drôle de Russie qui inspire les jeunes romanciers moscovites. A preuve, Bykov, Guelassimov et Sorokine, trois auteurs pour qui la Russie de Poutine ne semble qu'un chaos, à la dérive sur un océan de vodka». Dans Témoignage Chrétien, un autre auteur venu de l'Est : Dimitri Bortnikov «colporte une vision décapante de son pays». Il déclare : «j'écris avec le corps». Mais aussi «les Russes n'ont plus d'appétit, ils se contentent d'entremets, de grignotages. Quant aux éditeurs russes, je les déteste et ils me détestent aussi. Ce sont des requins, des fripouilles -ce qui ne les empêche pas d'être parfois gentils».

De retour d'un reportage à Moscou et Saint Petersbourg, Télérama confirme que «après avoir été soufflée par l'explosion de l'empire soviétique et le vent sauvage du libéralisme, la littérature russe renaît doucement». Avec ce bémol toutefois : «l'économie de marché et surtout la mafia, qui fait main basse sur l'édition, une activité censée rapporter autant d'argent que les cigarettes et l'alcool». Un directeur de collection raconte ici : «Kalachnikov au poing, s'il le fallait, des commandos arrivaient dans les imprimeries avec des best-sellers, comme Angélique marquise des Anges. Ils arrêtaient la production en cours et ne repartaient qu'avec un nouveau tirage de cent mille exemplaires» ! Est vanté encore ici le talent de Guelassimov qui laisse tomber à Télérama : «honnêtement, j'en ai rien à foutre du communisme. L'écrivain est le gardien du futur, pas du passé. Il doit se désenchaîner pour écrire avec sa voix. On peut très bien avoir du respect pour Soljenitsyne et considérer qu'il a eu trop de poids sur les lettres russes pendant les années 90. D'ailleurs, aujourd'hui, très peu de gens le lisent». Le Nouvel Observateur n'échappe pas à cette grosse vague russophile. Ici la rédaction a choisi de présenter «les Russo-parisiens». Ceux qui vont et viennent entre Moscou et Paris. Entre le cinéaste Pavel Lounguine et la «top toundra Inna Zobova», à découvrir le portrait de Nicolas Bokov, «l'écrivain ermite» qui est resté pendant six ans dans une grotte dix mètres sous le sol. «Le silence total, jusqu'à entendre le sang couler dans mes veines» confie l'auteur de «Déjeuner au bord de la Baltique».

Les Inrockuptibles privilégient Viktor Pelevine, «grand absent de ce salon». et pourtant auteur majeur d'Homo Zapiens, «ou le héros, embauché dans une société de communication contrôlée par la mafia, découvre progressivement que les hommes dont il assure la publicité n'existent pas». Ce «nouveau dissident» s'exclame : «je me fous que les jeunesses poutiniennes brûlent mes livres. Au contraire, plus ils le font, mieux je me porte, parce qu'ils doivent les acheter avant pour çà» ! Enfin, Courrier International ouvre «un dossier spécial de seize pages» sur les écrivains tchétchènes. Exemple, le jeune Idiev, qui dit : «les militaires russes n'ont pas lu Pouchkine». Ou encore, le poète combattant Apti Bissoultanov, qui lâchait récemment pour une gazette suisse : «ce n'est pas parce qu'on a inventé l'ordinateur que les nuages ont cessé de parcourir les cieux» !

par Alain  Masson

[20/03/2005]