Proche-Orient
Un sommet Abbas-Sharon pour rien ?
(Photo : AFP)
La rencontre qui s’est tenue à Jérusalem était sans précédent. Pour la première fois, un chef de l’Autorité palestinienne se rendait en effet dans la ville sainte pour des entretiens avec un Premier ministre israélien destinés à avancer sur le chemin de la paix. Mais les mines sombres des principaux intéressés avant le début du sommet et à son issue en ont dit long sur leur déception concernant un événement qui avait pourtant été qualifié d’historique et dont la communauté internationale attendait beaucoup. «Le goût aigre de l’échec était dans l’air. Une atmosphère d’échec flottait. Où est le battement d’ailes de l’Histoire qui était perceptible lors des précédentes rencontres des deux dirigeants ?», s’interrogeait jeudi le quotidien israélien à grand tirage Maariv. Plus direct, le journal palestinien al-Qods constatait que «les résultats du sommet ont été bien en deçà des attentes», tranchant avec les déclarations positives de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, venue quelques jours auparavant faire pression sur les deux dirigeants pour que le retrait de la bande de Gaza soit un succès.
Les discussions ont duré un peu moins d’une heure et demie et se sont achevées sans qu’aucune des deux parties n’accepte visiblement de céder aux exigences de l’autre. «C’est assez mauvais», a lâché à l’issue du sommet un haut responsable palestinien qui a requis l’anonymat. Un constat relayé quelques heures plus tard par le Premier ministre palestinien lors d’une conférence de presse tenue à Ramallah. «Ce qui nous a été proposé n’est pas suffisamment satisfaisant pour que l’on puisse parler d’un accord», a déclaré Ahmed Qoreï. «C’était une rencontre difficile qui n’a pas été à la hauteur de nos attentes ni de celles des Arabes et de la communauté internationale», a-t-il également ajouté. Selon un responsable palestinien, présent au sommet, Ariel Sharon aurait donné le ton au début de la rencontre en se livrant «pendant vingt minutes» à une violente critique contre «la prétendue insuffisance des efforts palestiniens dans la lutte antiterroriste». «Arrêtez le terrorisme d’abord et on parlera après du transfert des villes et la libération des prisonniers», aurait affirmé le Premier ministre israélien. Réponse du chef de l’Autorité palestinienne, toujours selon la même source : «je fais tout pour préserver la trêve mais je n’ai pas de mandat du peuple pour désarmer les mouvements palestiniens» comme le réclame Israël.
La trêve en danger ?
Mahmoud Abbas, qui espérait des concessions de la part d’Ariel Sharon pour conforter sa position face aux activistes du Hamas et du Jihad islamique, est donc reparti plus que déçu. Selon la presse israélienne, le chef de l’Autorité palestinienne aurait insisté auprès de ses interlocuteurs sur la fragilité de la trêve. «Notre situation est mauvaise. Chaque balle et chaque obus de mortier tirés contre vous me visent également», aurait-il affirmé sans pour autant infléchir l’intransigeance du Premier ministre israélien pour qui tout progrès doit être lié à une lutte accrue contre les mouvements radicaux palestiniens. Ariel Sharon aurait même affirmé qu’Israël était prêt à lancer des représailles contre le Jihad islamique, ce dernier ayant affirmé n’être plus tenu par la trêve décrétée en janvier dernier par les groupes palestiniens. L’armée avait d’ailleurs procédé quelques heures avant le début du sommet à une vague d’arrestation dans les rangs de ce mouvement qui s’est poursuivie dans la nuit de mardi à mercredi. Et alors que les deux délégations entamaient leurs discussions à Jérusalem, Tsahal a tenté sans succès de liquider un responsable de Jihad islamique dans la bande de Gaza, justifiant son opération par le refus de l’Autorité palestinienne de lutter contre le terrorisme et laissant entendre qu’il allait, après plusieurs mois d’interruption, reprendre sa politique d’assassinats ciblés.
Mais malgré les positions tranchées affichées lors du sommet de Jérusalem, quelques petites avancées auraient tout de même été enregistrées. Israël aurait ainsi accepté la demande palestinienne de déployer 5 000 policiers dans la bande de Gaza lors du retrait de ce Territoire prévu pour commencer à la mi-août. Un accord de principe aurait également été conclu pour le transfert, dans les deux semaines, aux Palestiniens du contrôle de deux agglomérations de Cisjordanie, Bethléem et Qalqiliya. Et dans le cas où des progrès substantiels seraient réalisés dans le domaine sécuritaire, l’Etat hébreu serait prêt à autoriser 26 000 ouvriers palestiniens supplémentaires à travailler sur son territoires et accorder des permis à 13 000 commerçants pour qu’ils puissent se rendre en Israël. Le gouvernement Sharon serait également disposé à libérer pour raisons humanitaires, un groupe restreint de prisonniers, incarcérés avant les accords d’Oslo de 1993 pour des crimes de sang. Il ne serait, enfin, pas opposé au retour en Cisjordanie de plusieurs activistes palestiniens expulsés par Israël en 2002 après le siège de l’église de la Nativité à Bethléem.
Rien n’indique cependant que ces engagements seront bien respectés et dans un délai rapide. L’intransigeance du Premier ministre israélien lors du sommet de Jérusalem pourrait en effet coûter cher à Mahmoud Abbas. Un haut responsable palestinien n’a d’ailleurs pas caché son pessimisme. «Il aurait mieux fallu qu’il n’y ait pas de sommet du tout ! Cette rencontre a déjà porté préjudice à la trêve et ne restera pas sans conséquence dans l’opinion publique palestinienne. Sharon veut nous pousser dans une guerre civile, mais cela n’arrivera pas», a-t-il confié.
par Mounia Daoudi
Article publié le 22/06/2005 Dernière mise à jour le 22/06/2005 à 14:51 TU