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Pédophilie

Lourdes condamnations au procès d'Angers

60 accusés, 45 mineurs victimes, 60 avocats... ce procès d'une ampleur sans précédent dans l'histoire des assises en France a un coût également record : 5 millions d'euros. Photo : AFP
60 accusés, 45 mineurs victimes, 60 avocats... ce procès d'une ampleur sans précédent dans l'histoire des assises en France a un coût également record : 5 millions d'euros.
Photo : AFP
Le verdict est tombé dans le gigantesque procès pour pédophilie d'Angers. Les 9 jurés et les 3 magistrats de la cour d'Assises du Maine-et-Loire se sont prononcés sur la culpabilité de 65 personnes pour des faits de prostitution, viols et agressions sexuelles, commis sur 45 enfants, âgés de quelques mois à 12 ans au moment des faits. Sur les 65 accusés trois sont acquittés, les 62 autres écopent de peine s'étalant de 28 ans de réclusion criminelle à quelques mois avec sursis. Les principaux organisateurs du réseau, trois récidivistes, ont été condamnés, à des peines allant de 16 à 28 ans de réclusion criminelle.

Après neuf jours de délibérations à huit clos dans une caserne d'école militaire, sans contact avec le monde extérieur, les juges et les jurés de la Cour d'assises du Maine-et-Loire ont finalement réussi à se mettre d’accord sur la sentence à prononcer contre les 65 accusés du plus grand procès pour pédophilie jamais organisé en France. La lecture de l’acte d’accusation avait duré trois jours au total. L’énoncé du verdict a, lui, pris plusieurs heures, la cour ayant dû répondre à 1 974 questions concernant la culpabilité des 65 personnes accusées «d’avoir participé ou de n’avoir pas dénoncé un réseau de prostitution enfantine entre parents, voisins et amis».

Sur les 65 accusés trois sont acquittés; les 62 autres écopent de peine s'étalant de 28 ans de réclusion criminelle à 4 mois avec sursis. Au total, 625 ans de peines de prison ont été infligées. Les deux principaux instigateurs du réseau, Patricia et son époux Franck V. au domicile duquel la majorité des faits se sont déroulés, reconnus coupables d’agressions sexuelles et de proxénétisme sur mineurs dont leurs propres enfants, ont été condamnés respectivement à 16 ans et 18 ans de réclusion criminelle, dont une période de sûreté de 12 ans. Le grand-père Philippe V. -violeur récidiviste déjà condamné pour le viol de son fils Franck V.- a été condamné à 28 ans de réclusion, assortis d’un peine de sûreté de 18 ans. Il a notamment été reconnu coupable du viol d’une de ses petites-filles.

Une affaire révélatrice de la misère sociale

Les deux autres protagonistes importants de l’affaire, Jean-Marc J. et son frère Eric J. écopent respectivement de 26 et 28 ans de réclusion criminelle, pour les mêmes motifs. Egalement condamnée à une peine d’un an d’emprisonnement, l’un des très rares accusés ayant effectué des études supérieures Karine R. Cette assistante sociale a été reconnue coupable de non dénonciation d'agressions sexuelles sur plusieurs mineurs.

Les faits datent entre juin 1999 et février 2002. Dans ce dossier qualifié de «sordide» et d’«effroyable» par avocats et magistrats, pas moins de 45 mineurs allant du nourrisson jusqu'à l'adolescent de 12 ans ont été victimes de la part de leurs propres parents, grands-parents et des amis de leurs parents «de violences sexuelles, de maltraitance et proxénétisme aggravé», dans une cité du quartier Saint-Léonard d’Angers. Au total, une centaine de scène d'agressions sexuelles et de viols ont été recensés. En raison du caractère particulièrement difficile de ce procès, les audiences ont eu lieu à huis clos, pour préserver l’anonymat des enfants victimes et les neufs jurés titulaires, quatre femmes et cinq hommes, tout comme les magistrats, ont pu, fait extrêmement rare dans un procès d’assises, bénéficier d’un soutien psychologique.

Dans leurs plaidoiries, les avocats de la défense ont largement évoqué en toile de fond de cette affaire de mœurs révélatrice de la misère sociale. «l’alcoolisme, le chômage, l’échec du suivi social et judiciaire, la pornographie et le phénomène de groupe dont chacun des accusés a été un rouage». Sur les 23 familles concernées, 21 étaient pourtant suivies par les services sociaux. Le procès a également dévoilé le contexte de misère sexuelle, sur fonds d'inceste de génération en génération, dans lequel les enfants ont été avilis, souvent par leurs propres parents. «Je plaide la culpabilité mais il n’y a pas de responsabilité à 100%», a expliqué Me Pascal Rouiller, l’avocat de Franck V rappelant que son client avait vécu son adolescence dans la rue où il «mangeait dans les poubelles» et qu’il avait été violé à 17 ans par son «père massacreur», le grand-père Philippe V.


par Myriam  Berber

Article publié le 27/07/2005 Dernière mise à jour le 28/07/2005 à 10:11 TU