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Ouragan

Wilma détruit le Yucatan et s’en va vers la Floride

La police et l’armée patrouillent pour éviter vols et pillages dans la zone hôtelière de Cancun.(Photo: AFP)
La police et l’armée patrouillent pour éviter vols et pillages dans la zone hôtelière de Cancun.
(Photo: AFP)
Huit morts, 2 disparus, un million de sinistrés à Cancun, Cozumel, Playa del Carmen et Isla Mujeres après le passage de l’ouragan Wilma sur la péninsule du Yucatan. Si des pertes humaines importantes ont pu être évitées, les dommages matériels sont considérables.

De notre correspondant à Mexico

Wilma a frappé les côtes mexicaines plus que tout autre ouragan depuis 100 ans, avec une force incomparable. Installé sur la péninsule du Yucatan, au-dessus de la station balnéaire de Playa del Carmen, il n’en a pratiquement pas bougé pendant 48 heures. Sur un diamètre de 800 km, il a plu sans interruption ; dans un rayon de 140 km, les vents ont atteint la vitesse de 150 à 280 km/h avec des rafales à 290. Ce n’est que dans la nuit de samedi à dimanche que Wilma s’est transformé progressivement en tourmente tropicale. Puis il s’est déplacé vers le Nord-Ouest en direction des côtes cubaines et de la Floride.

Après son passage, Cancun n’est plus le paradis touristique d’avant. C’est un chaos, un amoncellement d’arbres déracinés, de panneaux publicitaires cassés, d’abribus tordus, de poteaux électriques pliés en deux, avec des chaises, des tables, des matelas que les vents violents ont arraché aux maisons ou aux hôtels. Toute l’infrastructure urbaine est détruite. Il n’y a plus d’électricité, de téléphone, pas d’essence, pas de nourriture. La police qui tente d’éviter le pillage, a déjà arrêté 50 personnes.

«Zéro victime»

Pour les autorités, la prévention et la protection civile sont un succès : il n’y a eu que 8 morts et 2 disparus mais au prix d’une évacuation massive, et souvent autoritaire, pour la mise en place de l’opération «Zéro Victime». «Pour le gouvernement de Vicente Fox, il ne fallait à aucun prix que l’image de Cancun soit associée à un drame humain pour que la réputation de la station balnéaire ne soit pas associée à la mort comme cela s’est passé avec l’ouragan Katrina en Louisiane», déclare Vincent, un guide français installé sur la Riviera Maya, qui rappelle aussi que le tourisme est la 3e source de devises du Mexique.

Mais le passage de Wilma a touché Cancun à son point névralgique : la zone hôtelière entre la mer et la lagune, où s’égrenaient, sur une mince bande de sable de 28 km, les hôtels 5 étoiles. Les vagues de 10 m de hauteur l’ont engloutie. Certains hôtels comme le select Hayatt auraient été touchés dans leurs structures, d’autres se retrouvent dans l’eau jusqu’au 3e étage. Et, la plage blanche de corail qui donnait à Cancun sa renommée de petit paradis, a entièrement disparu.

Sur la Riviera maya, en face de l’Ile de Cozumel où l’ouragan Wilma a frappé en premier, le spectacle est tout aussi désolant. Dans une déclaration, le gouverneur de l’état qui a suivi la côte en hélicoptère sur 150 km, a déclaré, consterné, que pratiquement toutes les maisons particulières, les petits hôtels de charme ont été dévastés par les vagues ou emportés par les vents, que par endroit la mer est entrée dans les terres jusqu’à plus de 4 km. A Playa del Carmen, elle a envahi les quartiers les plus agréables de cette petite ville touristique tant appréciée par les Européens qui la préféraient à «Cancun, l’Américaine». Les autorités estiment qu’un million de personnes ont tout perdu avec le passage de Wilma.

Apprentis sorciers

L’ouragan Wilma a provoqué de gros dégâts matériels mais une partie des responsabilités revient aussi à l’homme qui, dans la frénésie des profits immédiats, n’a pas toujours respecté l’écologie, l’environnement et la nature. Les mangroves, ces marais plantés de palétuviers où vivent les crocodiles, qui permettent d’absorber la puissance des ouragans, ont été les uns après les autres asséchés tout au long de la Riviera maya. La forêt dans l’arrière-pays a été massacrée. Il reste encore la barrière de corail qui a considérablement amorti la force des vagues, mais pour combien temps encore ? Les coraux se meurent avec la pollution des hôtels et des bateaux qui promènent les touristes. A Cancun, qui veut dire en maya, serpent doré, les promoteurs ont construit sur cette bande de terre très fragile les hôtels les plus luxueux, autour de la lagune Nichupté transformée en plan d’eau pour ski nautique. Faute de respecter les courants marins l’alimentant, la lagune est morte et de l’autre coté, les plages de rêve sont parties. Peut-être que l’homme a trop joué ici aux apprentis-sorciers. Wilma, le 21e ouragan de la saison, a vengé quelque part la nature outragée.


par Patrice  Gouy

Article publié le 23/10/2005 Dernière mise à jour le 23/10/2005 à 20:18 TU