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Proche-Orient

Sharon hors-jeu, Israël dans l’incertitude

L’hospitalisation d’Ariel Sharon représente un coup dur pour Israël mais aussi pour l’avenir des négociations de paix avec les Palestiniens.(Photo : AFP)
L’hospitalisation d’Ariel Sharon représente un coup dur pour Israël mais aussi pour l’avenir des négociations de paix avec les Palestiniens.
(Photo : AFP)
L’hospitalisation d’Ariel Sharon dans la nuit du mercredi 4 au jeudi 5 janvier à la suite d’une nouvelle hémorragie cérébrale représente un coup très dur pour Israël. Le Premier ministre, qui a subi deux interventions chirurgicales, se trouve dans un état particulièrement grave et ses chances de récupération semblent compromises. Si Ariel Sharon devait rester dans l’incapacité de reprendre sa place sur l’échiquier politique national, les conséquences pour Israël mais aussi l’avenir des négociations de paix avec les Palestiniens pourraient être importantes.

Longtemps faucon, il n’était pas devenu colombe. Mais en tout cas, l’ensemble des interlocuteurs régionaux et internationaux s’accordaient à penser, depuis quelques années, qu’Ariel Sharon était vraisemblablement le seul homme politique israélien capable de faire avancer les négociations avec les Palestiniens. C’est la principale raison pour laquelle l’annonce de son hospitalisation dans un état critique a provoqué un choc. Dans l’hypothèse, semble-t-il très vraisemblable, où le Premier ministre ne retrouverait pas toutes ses capacités, qu’adviendrait-il notamment du processus de retrait des territoires occupés, débuté dans la bande de Gaza, et que Sharon avait promis de poursuivre en Cisjordanie envers et contre toutes les oppositions ?

Si Ariel Sharon s’appuyait sur un certain nombre d’alliés politiques, comme le travailliste Shimon Peres, pour aller dans la voie de la restitution des territoires aux Palestiniens et s’il bénéficiait de l’approbation d’un grand nombre d’Israéliens, il se heurtait en revanche à une opposition intransigeante de l’aile ultra-conservatrice de son propre parti, le Likoud. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a décidé, en novembre, de quitter une formation dont il avait été l’un des fondateurs, pour en créer une nouvelle appelée Kadima (en avant), et qu’il a demandé au président Moshe Katsav de dissoudre le Parlement pour convoquer des élections législatives anticipées. Son objectif était de se donner les moyens de retrouver les coudées franches pour mener sa politique.

La fin d’un pari audacieux

La nouvelle attaque cérébrale dont Ariel Sharon a été victime, après celle du mois de décembre, semble avoir ôté toutes ses chances au Premier ministre de remporter l’audacieux pari politique qu’il avait décidé de tenter à 77 ans. Et dans le contexte du moment, aucun des membres de son entourage ne paraît capable de reprendre le flambeau avec la même autorité. Le tout neuf Kadima n’est, à l’heure actuelle, rien d’autre qu’un mouvement entièrement identifié à Ariel Sharon, sans véritable structure et sans leader de substitution. La liste des candidats qu’il compte présenter aux élections du 28 mars n’est même pas établie. La maladie d’Ariel Sharon crée donc un vide et ouvre une brèche pour un retour en arrière si son camp perd les élections.

Pour le moment, l’heure n’est évidemment pas aux calculs et aux manoeuvres en Israël. Quelle que soit leur position par rapport à Ariel Sharon, tous les représentants de la classe politique ont manifesté leur compassion et ont souhaité un prompt rétablissement au Premier ministre. Benyamin Netanyahou, adversaire redoutable d’Ariel Sharon qui vient de lui succéder à la tête du Likoud, a été l’un des premiers à s’exprimer pour manifester son émotion. Mais cette situation ne durera vraisemblablement pas longtemps. La perspective des élections, qui semblent devoir être maintenues à la date prévue, va forcément faire émerger les ambitions et les conflits. Le résultat du scrutin, pour lequel Sharon et son Kadima partaient favori, est donc beaucoup plus incertain désormais. L’orientation de la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens aussi. Si le Likoud l’emporte et forme le prochain gouvernement, le retrait des territoires connaîtra forcément un coup d’arrêt.

L’Autorité palestinienne préoccupée

L’Autorité palestinienne le sait. Elle a d’ailleurs exprimé très vite son inquiétude sur le sort d’Ariel Sharon. Le Premier ministre palestinien Ahmed Qoreï a même déclaré que cet «événement» [sa maladie] aurait «des répercussions en Israël et dans toute la région». Il est vrai que la dégradation de la situation politique palestinienne, ces derniers mois, représente déjà un lourd fardeau pour les représentants de l’Autorité, qui sont de plus en plus malmenés par les groupes extrémistes comme le Hamas. L’éventualité d’un durcissement encore plus important des relations avec Israël, en cas de changement d’interlocuteur, représente dans ce contexte une perspective très inquiétante de leur point de vue. D’autant que la mise hors jeu d’Ariel Sharon intervient à quelques semaines des élections législatives du 25 janvier qui s’annoncent difficiles et pour lesquelles le problème du vote des Palestiniens de Jérusalem-est est toujours dépendant d’un feu vert israélien.

Certes pour le moment, l’intérim est assuré par un allié d’Ariel Sharon qui l’a suivi dans son nouveau parti, le Kadima, et devrait conserver la même ligne politique. Ehud Olmert, le ministre du Trésor, a commencé dès hier soir à remplacer Ariel Sharon dans ses fonctions de chef du gouvernement, comme le prévoit Constitution. Mais quel que soit le rôle institutionnel qui lui est dévolu, il n’a pas la stature du Premier ministre en titre et ne sera pas en position, pendant la période transitoire qui devrait s’écouler jusqu’au rétablissement de Sharon ou plus vraisemblablement jusqu’aux élections, de gérer les affaires avec le même poids. En tout état de cause, les prochaines semaines s’annoncent délicates et perturbées pour Israël.


par Valérie  Gas

Article publié le 05/01/2006 Dernière mise à jour le 05/01/2006 à 17:19 TU