Espagne-Maroc
Zapatero en visite à Ceuta et Melilla
(Photo : AFP)
C’est une visite qui fait du bruit des deux côtés du détroit de Gibraltar. José Luis Rodriguez Zapatero, le chef du gouvernement socialiste espagnol, se trouve depuis mardi matin à Melilla et sera mercredi à Ceuta. Zapatero avait lui-même annoncé ce déplacement le 8 novembre dernier, soit un mois après les assauts d’immigrants sub-sahariens sur les frontières de Ceuta et Melilla, qui avaient fait 14 morts et des dizaines de blessés. Les deux enclaves constituent en effet la seule frontière terrestre séparant l'Afrique de l'Europe et sont dans la ligne de mire des candidats africains à l’immigration. En novembre, le Premier ministre espagnol avait déclaré vouloir s’y rendre pour « voir de près le phénomène de l’immigration », appeler au calme et apporter un message « d’appui » aux deux villes autonomes.
Pour ce voyage, il s’est entouré de Jordi Sevilla, son ministre de l’Administration publique, et d’Elena Salgado, la ministre de la Santé. Au programme : rencontre avec les présidents (conservateurs) des deux villes et avec des membres de la société civile, visites de certaines infrastructures et des centres de séjour temporaire d'immigrants (Centro de estancial temporal de Inmigrantes, Ceti). Celui de Melilla avait été saturé à l'automne par l'arrivée massive d'Africains parvenus à sauter le grillage séparant le Maroc de l'Espagne à l'aide d'échelles artisanales. Zapatero devrait concrétiser au cours de sa visite deux projets de centres d'accueil pour les mineurs marocains, l'un de 2,3 millions d'euros pour Melilla et l'autre de 1,7 million pour Ceuta, ont indiqué lundi des sources gouvernementales.
Zapatero veut renforcer la sécurité
A Melilla, le chef du gouvernement a annoncé, mardi, à l’issue d’une entrevue avec le président Juan José Imbroda, la construction d’un nouvel hôpital et plaidé pour la « coopération » avec les pays voisins et l’Union européenne pour « garantir la sécurité et affronter les problèmes de l’immigration ». Il a annoncé des aides supplémentaires pour le secteur des transports et des routes, affirmant que Melilla était un « objectif prioritaire » pour les investissements de l'État. Il a assuré que, « pour le gouvernement, la sécurité et l’organisation de l’immigration » sont « fondamentales », ainsi que « le respect et la garantie des droits humains ».
Il a promis de « maintenir » et « renforcer les mesures de sécurité et les initiatives sociales ». Côté sécurité, rappelons que les grillages pris d’assaut en automne ont été surélevés de 3 à 6 mètres à Ceuta et devraient l'être totalement à Melilla avant le printemps. A Ceuta, qu’il visitera officiellement mercredi, il doit rencontrer le président de la commune autonome, Juan José Vivas, qui devrait lui demander plus de subventions pour les services publics. Selon le quotidien espagnol El Pais, Zapatero devrait aussi évoquer le futur statut des enclaves. En effet, Ceuta et Melilla ont seulement le statut de villes autonomes et souhaiteraient obtenir celui de régions autonomes.
La presse marocaine mécontente
Cette visite, critiquée par l’opposition espagnole, l’a aussi été par l’Istiqlal, parti nationaliste membre de la coalition gouvernementale marocaine. Son organe de presse francophone, L’Opinion, la qualifie de « regrettable », « arrogante », « provocatrice et attentatoire aux sentiments des Marocains ». « C’est la première fois qu’un dirigeant espagnol, de surcroît membre du parti socialiste, sensible aux conséquences qu’une telle tournée peut provoquer, se rend dans les deux villes occupées. C’est aussi la première fois qu’une visite d’un officiel est annoncée de manière unilatérale, plaçant le Maroc devant un fait accompli », indique quant à lui Le Matin. Qui rappelle que « le Maroc, qui n’a jamais cessé de revendiquer sa souveraineté sur Sebta (nom arabe de Ceuta, ndlr) et Melilia, voit d’un mauvais œil les visites de hauts responsables espagnols dans ces présides occupés ».
Le quotidien marocain Libération, qui juge cette visite « inopportune », précise qu’elle risque de « jeter un coup de froid aux relations entre Rabat et Madrid ». Dès vendredi dernier, la porte-parole du gouvernement espagnol, Maria teresa Fernandez, avait pris soin de déclarer que la visite de Zapatero n’affectera « absolument pas » les « bonnes » et « positives » relations qu’entretiennent l’Espagne et le Maroc actuellement. « Ce voyage ne pose aucun problème », a-t-elle dit. De fait, le gouvernement marocain n’a fait aucune déclaration officielle quant à ce déplacement. La dernière visite d’un chef de l’Exécutif espagnol aux enclaves de Ceuta et Melilla remonte à celle du leader de centre-droit Adolfo Suarez en 1980. L’ex-chef du gouvernement conservateur José Maria Aznar s’y était rendu à deux reprises, en 2000 et 2004, mais en tant que président du Parti Popular (PP). A l’époque, la diplomatie marocaine avait parlé de provocation.
par Olivia Marsaud
Article publié le 31/01/2006 Dernière mise à jour le 01/02/2006 à 09:26 TU