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Chronique Médias

La crise de l’audiovisuel public en Espagne

Amaury de Rochegonde
Amaury de Rochegonde

En partenariat avec l’hebdomadaire Stratégies

Avec une perte estimée à 800 millions d’euros, la radio-télévision espagnole, la RTVE, est le service public audiovisuel le plus déficitaire d’Europe. L’Etat espagnol a donc décidé de réagir. Par la voix de la holding qui porte ses participations, il a annoncé en fin de semaine dernière qu’il allait supprimer quatre emplois sur dix au sein des chaînes et des radios publiques d’Espagne. Au total, c’est plus de 3 100 postes qui vont être supprimés, soit 39% de l’effectif total. Certes, les suppressions d’emplois se feront sans licenciements secs sous forme de retraites anticipées ou de départs volontaires indemnisés. Mais au final, il ne devrait plus y avoir que 3 200 emplois dans la télévision publique espagnole contre, par exemple, 11 000 à France Télévisions sur un périmètre il est vrai plus large. Bien entendu, les syndicats n’ont pas tardé à réagir. Le comité d’entreprise de la RTVE a appelé à une grève de 24 heures le 5 avril. Alors pourquoi, me direz-vous, une telle saignée orchestrée par le gouvernement de gauche de Jose Luis Zapatero ? Eh bien, la réponse est double. La première explication, c’est que la RTVE ne bénéficie pas d’un régime de redevance audiovisuelle et qu’elle affiche un endettement cumulé record de 7,5 milliards d’euros. Or, la Commission européenne surveille de près les financements directs de l’audiovisuel public par les Etats car il y a, selon elle, un risque de distorsion de concurrence. Selon le ministre de l’économie espagnol, Pedro Solbes, le système actuel de la RTVE avec ses déficits chroniques n’est donc plus licite aux yeux de Bruxelles. Mais il y a aussi une autre explication possible : en épongeant systématiquement les pertes de ses entreprises audiovisuelles, l’Etat espagnol a créé un lien de dépendance malsain. Pour les socialistes espagnols, c’est ainsi parce que la RTVE est sous la tutelle financière du gouvernement qu’elle a manqué d’indépendance il y a deux ans lors des attentats du 11 mars. A l’époque, souvenez-vous, le gouvernement Aznar avait accusé l’ETA plutôt que les islamistes, et la télé publique lui avait aussitôt emboîté le pas.

Et la France, pourrait-elle également être confrontée prochainement à une crise du fait d’un sureffectif pointé par l’inspection générale des finances ?

Si le groupe France Télévisions n’a pas les problèmes de la RTVE ou même de la BBC, qui a été obligée de supprimer des milliers de postes l’an dernier, il est également confronté à un sureffectif de 1 000 salariés si l’on en croit un rapport de l’inspection générale des finances. Ce rapport, qui a été présenté mercredi au conseil d’administration du groupe public, préconise la suppression de 200 emplois par an pendant cinq ans. Cela a immédiatement fait réagir les syndicats qui craignent, disent-ils,  «un plan social en guise de plan stratégique». France Télévisions a cherché à apaiser les esprits en disant que les ratios calculés dans ce rapport et calqués sur les chaînes privées, relevaient parfois de l’abstraction. Son président, Patrick de Carolis, a indiqué qu’il n’était pas question de fusionner les rédactions de France 2 et France 3 ou d’externaliser la filière de production, comme il en est question. Reste que des inquiétudes existent notamment du fait d’un projet de réduction d‘effectifs dans les structures régionales de France 3. Des inquiétudes qui touchent aussi, plus globalement, à l’avenir de France Télévisions. Alors que l’audience de ses chaînes semble décliner inexorablement, le groupe a des ambitions dans la création mais ne dispose pas de vrais relais de croissance. Or, la redevance n’augmente pas et les recettes publicitaires très faiblement.



par Amaury  de Rochegonde

[18/03/2006]

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