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Le Conseil constitutionnel valide le CPE

Le Conseil constitutionnel a rendu un avis favorable sur la loi sur l’égalité des chances dans laquelle est intégrée le Contrat première embauche.(Photo : AFP)
Le Conseil constitutionnel a rendu un avis favorable sur la loi sur l’égalité des chances dans laquelle est intégrée le Contrat première embauche.
(Photo : AFP)
Le Conseil constitutionnel a validé sans réserve le contrat première embauche (CPE). Il revient maintenant au président de la République, qui doit s’exprimer vendredi 31 mars à 20 heures, de dire de quelle manière il entend gérer la crise. D’ores et déjà, les opposants au CPE ont fait savoir qu’ils ne voulaient pas céder. Jacques Chirac est prévenu : s’il choisit de promulguer la loi sur l’égalité des chances qui contient la mesure contestée, il prend le risque d’aggraver le conflit. Pourtant un certain nombre d’éléments incitent à penser que le chef de l’Etat pourrait choisir cette solution. Quitte, comme l’avance la rumeur, à proposer dans la foulée une vaste négociation aux syndicats, sous la forme d’un «Grenelle social», en référence aux accords qui avaient permis de sortir de la crise de mai 68.

Le Conseil constitutionnel a tranché. Il a donné son feu vert pour la promulgation de la loi sur l’égalité des chances qui instaure le contrat première embauche. Après une journée de délibération, la décision des «Sages» a finalement été presque sans surprise. Ils ont estimé qu’il n’y avait «pas en droit, matière à réserve» que ce soit sur la durée de la période d’essai (deux ans) ou les modalités de la rupture du contrat (l’employeur n’est pas tenu de justifier le licenciement durant la période d’essai). Le recours déposé par le Parti socialiste n’a donc pas permis d’invalider le texte si controversé et élimine de fait l’une des options envisagées pour sortir de la crise qui oppose depuis deux mois le gouvernement aux syndicats de salariés et aux organisations étudiantes et lycéennes.

Reste maintenant à connaître le choix de Jacques Chirac. Il semble de plus en plus probable que le chef de l’Etat suive Dominique de Villepin et promulgue la loi très rapidement. Un certain nombre de signes ont été donnés durant la journée. Notamment par Jean-Louis Borloo, le ministre de la Cohésion sociale, reçu avec d’autres membres du gouvernement à déjeuner à Matignon par le Premier ministre. A la suite de cette rencontre, Jean-Louis Borloo, dont on a pourtant souvent mis en valeur l’attitude réservée sur le CPE, a déclaré aux journalistes : «Devrais-je vous rappeler que nous sommes dans une démocratie, en l’état actuel de notre Constitution, le mot retrait n’existe pas, le mot suspension n’est dans le pouvoir de personne, ni du Premier ministre, ni du président de la République», ajoutant : «Il reste une promulgation ou une autre hypothèse constitutionnelle». Le Premier ministre s’est aussi entretenu en fin de matinée avec son ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, auquel il aurait exposé les scénarios de sortie de crise.

Les syndicats mettent en garde

Les opposants au CPE paraissent eux-mêmes de plus en plus convaincus que le chef de l’Etat s’achemine vers le maintien de cette mesure. Bernard Thibault a été le premier à mettre en garde Jacques Chirac. A la veille de l’annonce de la décision du Conseil constitutionnel, le secrétaire général de la CGT a déclaré : «Il semble que la majorité parlementaire et le président de la République choisissent d’ignorer le discrédit qui frappe l’action gouvernementale pour imposer, par un passage en force, la mise en œuvre du CPE. Ce serait un décision lourde de conséquences». Un avertissement relayé le lendemain par Gérard Aschiéri, le président de la FSU, la principale fédération de l’éducation, qui a affirmé : «Si le président passe en force, il y aura une réaction à la hauteur».

L’intersyndicale anti-CPE a d’ailleurs d’ores et déjà commencé à organiser la suite du mouvement de protestation. Une nouvelle grande journée de mobilisation est prévue le 4 avril. De nombreux appels à la grève ont d’ailleurs déjà été lancés par les syndicats (fonction publique, éducation nationale, transports urbains, Air France…). Et en attendant, les étudiants et les lycéens ont fait en sorte de maintenir la pression à la suite de la très grande manifestation d’il y a deux jours. De nombreux établissements scolaires et d’enseignement supérieur ne peuvent toujours pas fonctionner normalement. Selon le ministère de l’Education nationale, on dénombrait encore jeudi 30 mars, 17 universités et 145 lycées bloqués mais aussi 41 universités et 368 lycées perturbés.

Dans ce contexte extrêmement tendu, la consigne transmise aux proviseurs par le ministre Gilles de Robien pour leur demander de rouvrir les lycées, en recourant si nécessaire aux forces de l’ordre, a été particulièrement mal ressentie. Le SNPDEN, principal syndicat des chefs d’établissement, a estimé qu’il s’agissait d’une «maladresse importante» car «la solution n’est pas d’ordre public, elle est politique». L’Unsa Education et Police a critiqué la décision du ministre dont il a estimé qu’elle était «de nature répressive». Le SGEN-CFDT, un syndicat d’enseignants, a qualifié Gilles de Robien de «ministre de la provocation». L’intersyndicale anti-CPE a mis en garde le gouvernement contre «une tentative de coup de force». Pour le moment, les chefs d’établissement n’ont pas suivi la directive ministérielle. La police n’a été appelée que dans quatre lycées, un à Paris et trois en province.

Après les universités et les lycées, les jeunes bloquent les routes

Malgré ces attaques, Gilles de Robien a poursuivi son offensive de fermeté jeudi après-midi en lançant un appel aux présidents d’université. Il leur a demandé «d’assumer leurs responsabilités» et de prendre des mesures «pour assurer les cours et les programmes» car «les examens approchent». Il est vrai que de nombreux étudiants commencent à s’inquiéter des conséquences du mouvement anti-CPE qui a interrompu, parfois depuis plusieurs semaines, les enseignements, faisant courir le risque de reporter ou même d’annuler les sessions d’examen.

Ces inquiétudes et les clivages qui en découlent entre les étudiants et les lycéens favorables à la poursuite des blocages et ceux qui s’y opposent expliquent peut-être que les jeunes tentent dorénavant de diversifier leurs actions. Ils ont commencé jeudi à organiser dans de nombreuses villes de France des opérations de blocage des voix de circulation, routes ou gares. A Paris, Marseille, Lyon, Nantes, Rennes, Lille, Calais, Aix-en-Provence notamment, ils ont provoqué de très sérieuses perturbations. Dans la capitale, les forces de l’ordre sont intervenues pour débloquer le boulevard périphérique sur lequel des embouteillages s’étendaient sur plusieurs kilomètres. Elles ont interpellé un groupe de lycéens parmi lesquels se trouvait l’un des leader du mouvement anti-CPE, le président de l’UNL (Union nationale lycéenne), Karl Stoeckel.


par Valérie  Gas

Article publié le 30/03/2006 Dernière mise à jour le 30/03/2006 à 20:00 TU