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France

CPE : sortie de crise, mode d’emploi

Une fois l’avis du Conseil constitutionnel rendu, le chef de l’Etat a 9 jours pour promulguer ou non la loi.(Photo : AFP)
Une fois l’avis du Conseil constitutionnel rendu, le chef de l’Etat a 9 jours pour promulguer ou non la loi.
(Photo : AFP)
Devant la volonté de Dominique de Villepin de maintenir coûte que coûte le contrat première embauche (CPE), les cinq confédérations syndicales (CGT, CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC) ont écrit au président de la République pour lui demander une nouvelle délibération sur la loi sur l’égalité des chances dans laquelle est intégrée cette mesure. Jacques Chirac n’a pas encore répondu à cette demande mais a fait savoir qu’il allait s’exprimer dans les prochains jours sur le CPE. Il a aussi annulé ses déplacements de la semaine en raison du climat social tendu. L’intervention du chef de l’Etat, dont on ne sait pas pour le moment quelle forme elle prendra, aura vraisemblablement lieu après la publication de l’avis du Conseil constitutionnel sur le texte, attendue jeudi. Les conclusions des «Sages» détermineront vraisemblablement la suite des événements.

La mobilisation du 28 mars a renforcé la position des opposants au contrat première embauche (CPE). Avec entre un million (selon la police) et trois millions (selon les organisateurs) de manifestants dans les rues de France, les protestataires ont fait la preuve de leur force. Moins que jamais, ils semblent donc décidés à céder sur la revendication de retrait du CPE. Face à eux Dominique de Villepin multiplie les appels au dialogue mais refuse de renoncer à cette mesure. Pour le moment, le blocage est donc total. Dans ce contexte, la décision du Conseil constitutionnel saisi par le Parti socialiste pour examiner la validité de l’article de la loi sur l’égalité des chances qui instaure le CPE, est très attendue.

L’avis du Conseil constitutionnel a été sollicité sur des questions de fond et de forme. Du premier point de vue, il s’agit pour les «Sages» de se prononcer sur le fait de savoir si ce texte instaure une «rupture d’égalité» entre les salariés et si la durée de la période d’essai (deux ans) est légale. Concernant la forme, les socialistes ont mis en avant l’absence de consultation préalable du Conseil, le fait que l’article sur le CPE a été rajouté in extremis dans la loi sur l’égalité des chances et que l’article 49.3 a été utilisé pour éviter le débat parlementaire. Si les «Sages» repèrent à l’un ou l’autre de ces niveaux une source d’inconstitutionnalité, le texte ne peut entrer en application. Dominique de Villepin n’a alors plus le choix et peut retirer le CPE sans paraître céder aux «ultimatums» de la rue. Jacques Chirac s’en tire du coup à bon compte et n’est plus obligé d’entrer directement dans la mêlée.

Chirac doit choisir

Si le Conseil estime, en revanche, que la constitutionnalité de l’article ne peut être remise en cause, deux options se dégagent. Tout d’abord, les «Sages» peuvent émettre malgré tout des observations, par exemple sur la nécessité de réglementer les conditions du licenciement. Le gouvernement devra alors faire en sorte que les décrets d’application de la loi tiennent compte de ces recommandations, en espérant que cela suffira à satisfaire les syndicats et les jeunes. La deuxième hypothèse est celle en vertu de laquelle le Conseil ne trouve rien à redire au texte. Et là, toute la question est de savoir si Jacques Chirac va décider de jouer à fond la carte Villepin ou de calmer le jeu en prenant une initiative allant dans le sens des demandes des opposants au CPE

Car une fois l’avis du Conseil constitutionnel rendu, le chef de l’Etat a un délai de quinze jours (9 dans ce cas) avant de promulguer la loi, donc de rendre possible sa mise en application. S’il choisit d’écouter la proposition du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkzoy, qui a obtenu mardi le soutien des députés du parti majoritaire (UMP), il peut utiliser ce laps de temps pour essayer d’engager, éventuellement lui-même, la négociation avec les opposants au CPE. Il peut aussi, comme le lui ont suggéré les confédérations syndicales opposées au CPE mais aussi certains leaders politiques de gauche, demander au Parlement une nouvelle délibération sur la loi (en vertu de l’article 10 de la Constitution). En agissant ainsi, Jacques Chirac désavouerait son Premier ministre (que certains imaginent démissionnant de ses fonctions) et hypothèquerait en même temps les chances de son dauphin d’être un candidat crédible dans la course à la présidentielle. Mais il désamorcerait sûrement le mouvement de protestation.

Promulguer ou pas la loi

La dernière option consiste pour le président de la République à continuer à soutenir le chef du gouvernement et à promulguer sans attendre le texte. C’est ce que semble souhaiter Dominique de Villepin pour lequel cela représenterait une opportunité de mettre les syndicats au pied du mur de la négociation. Donc de leur faire endosser la responsabilité d’une éventuelle prolongation du blocage en mettant en valeur leur refus systématique de répondre favorablement à sa volonté de dialoguer manifestée par des appels répétés à venir négocier avec lui. Le Premier ministre continuerait ainsi à passer en force dans l’espoir, selon certains, d’avoir la possibilité d’engranger des résultats en terme d’embauche qu’il pourrait faire valoir en 2007.

Si cette solution peut plaire à l’électorat de droite, dont les sondages semblent montrer qu’il approuve majoritairement la fermeté de Dominique de Villepin, elle fait courir le risque de radicaliser un peu plus le mouvement de protestation. Les douze organisations membres de l’intersyndicale anti-CPE ont d’ailleurs déjà appelé à une nouvelle journée d’action le 4 avril. Reste à savoir si du côté des opposants au contrat première embauche la mobilisation peut rester au niveau actuel. Notamment les chez les étudiants et les lycéens. Les vacances scolaires de printemps approchent et risquent de provoquer une coupure. Et dans les universités, le blocage ne fait pas l’unanimité. De nombreux étudiants se plaignent d’être privés de leur droit d’aller en cours par les manifestants et n’admettent pas que le mouvement anti-CPE leur fasse courir le risque de subir une année blanche.


par Valérie  Gas

Article publié le 29/03/2006 Dernière mise à jour le 29/03/2006 à 17:38 TU