Eglise catholique
Vers une avancée du Vatican sur le préservatif ?

(Photo : AFP)
La morale chrétienne d’un côté, des millions de morts de l’autre. Le débat sur la position de l’Eglise face au préservatif pourrait être ainsi résumé de manière caricaturale. Pour lutter contre le sida qui tue chaque année environ trois millions de personnes dans le monde, la meilleure arme préventive est le préservatif. Tous les spécialistes s’accordent à le dire depuis de nombreuses années. Malgré ce fait, l’Eglise catholique en proscrit l’utilisation parce qu’il s’agit d’un moyen de contraception, qu’il inciterait au libertinage et ne serait de toute manière pas fiable à 100%. Jean-Paul II a maintenu cette position tout au long de son pontificat malgré les critiques virulentes des associations de lutte anti-sida.
La morale chrétienne ne conçoit les relations sexuelles que dans le mariage et pour la procréation. L’abstinence et la fidélité au sein du couple sont donc censées protéger de la contamination par le virus HIV. De ce point de vue, le préservatif représente, au pire, une incitation à la débauche, au mieux une protection pour les faibles âmes incapables de résister à la tentation de la chair. Mais voilà bien là le cœur du débat car l’homme est avant tout faiblesse. Et un certain nombre de prélats sont désormais favorables à une prise en compte de cette évidence dans la doctrine chrétienne.
«Un moindre mal»
Ainsi le cardinal Carlo Maria Martini qui vient de déclarer dans un entretien publié par l’hebdomadaire italien L’Espresso, que le préservatif est «dans certaines situations un moindre mal». Il avance notamment l’exemple des couples mariés où l’un des conjoints est contaminé par le virus du sida et «a l’obligation de protéger son partenaire». Ces propos ne sont pas anodins car le cardinal Martini n’est pas n’importe qui, même s’il n’occupe aucun poste dans la hiérarchie vaticane. L’ancien archevêque de Milan, âgé de 79 ans et aujourd’hui retiré à Jérusalem, est le chef de file des «libéraux» de l’Eglise catholique. Il faisait d’ailleurs partie des principaux candidats à la succession de Jean-Paul II contre le cardinal Ratzinger, qui pour sa part représentait les conservateurs. Certes, sa prise de position n’engage que lui mais elle est significative de l’existence d’un véritable débat sur cette question au plus haut niveau de l’Eglise.
Mais ce dilemme entre le respect des valeurs de la morale chrétienne et la terrible réalité d’une pandémie qui ne cesse de se propager depuis plus de 20 ans, existe aussi chez les prélats de la base. Notamment en Afrique subsaharienne où l’on dénombre la majorité des victimes et des contaminations par le VIH. Directement confrontés aux ravages de la maladie, car de nombreuses associations catholiques participent à la lutte contre le sida sur le terrain, ils ne sont pas toujours d’accord avec une stricte application de la doctrine et souhaiteraient que le Vatican assouplisse sa position.
Avancer sans renoncer
Dans ce contexte, le pape Benoît XVI a demandé à ses services «une étude sur le problème spécifique de l’utilisation du préservatif par les personnes contaminées par le sida et par celles atteintes d’une maladie infectieuse». Cette annonce a été faite par le président du Conseil pontifical pour la santé (ministère de la Santé), le cardinal Javier Lozano Barragan, à la suite de la publication des propos du Cardinal Martini. En l’absence de réaction officielle du Vatican sur les déclarations de l’ancien archevêque de Milan, il s’agit tout de même d’une forme de prise en compte de cette question épineuse qui pourrait être le signe d’une volonté d’ouverture.
Reste à savoir jusqu’à quel point Benoît XVI peut consentir à aller dans ce sens. L’homme à qui Jean-Paul II avait confié la direction de la Congrégation pour la doctrine de la foi peut-il devenir le pape qui lèvera l’interdit sur le préservatif ou peut-être celui qui, le premier, prononcera ce mot -jusqu’ici aucun pape ne l'a fait ? Difficile à dire pour le moment. Reste que la résurgence régulière de cette question amène à penser qu’il faudra bien, qu’à un moment ou à un autre, le Vatican avance sur la question du préservatif en particulier, de «la sacralité du corps humain» en général. Toute la difficulté réside dans le fait qu’il faut trouver les mots pour tenir compte de l’évolution de la société, sans renoncer à ce qui fait le fondement de la foi chrétienne. Le salut pourrait peut-être venir alors, comme le suggère Monseigneur Martini, de la définition d’un certain nombre de cas particuliers qui pourraient faire exception à la règle, en vertu de la théorie du «moindre mal».
par Valérie Gas
Article publié le 25/04/2006 Dernière mise à jour le 25/04/2006 à 15:42 TU