Disparition de l’émission Le Vrai Journal, animée par Karl Zéro sur Canal+

Amaury de Rochegonde

Oui, la nouvelle a été annoncée mercredi dans Libération par la direction de Canal+ : Karl Zéro va quitter Canal +. Pour ceux qui ne mesurent pas tout à fait l’ampleur de cette information, il faut s’imaginer que cet animateur-présentateur passe pour l’un des maîtres incontestés de l’infotainement, ce mélange de divertissement et d’information qui est très à la mode aux Etats-Unis. Dans son émission, programmée le dimanche à la mi-journée, on peut encore voir des hommes politiques se faire tutoyer, des reportages iconoclastes ou des vidéo-montages conçus à partir de vraies images de politiques. Il y a un an, la chaîne avait donné son préavis à la société de production de Karl Zéro qui, avec 34 salariés, est entièrement dépendante économiquement de l’émission.

 Désormais, les choses sont claires : à la place du Vrai Journal de Karl Zéro la chaîne prévoit de lancer, à la rentrée prochaine, une nouvelle émission animée par Laurence Ferrari qui vient de TF1et qui aura pour mission de créer un rendez-vous incontournable sur les coulisses de l’élection présidentielles de 2007. Pourquoi pas Karl Zéro me direz-vous ? Selon Canal +, parce que l’heure n’est plus au mélange des genres entre information et spectacle, et parce que ce genre de mélange, justement, est source de dérapages. Karl Zéro payerait ainsi, avec trois ans de retard, son traitement de l’affaire Alègre, affaire pour laquelle il avait lu à l’antenne une lettre calomniatrice du tueur en série Patrice Alègre tandis qu’il rémunérait le témoignage d’une ancienne prostituée, accusant des pires méfaits Dominique Baudis, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Faut-il penser, comme Karl Zéro, que l’émission a été supprimée parce qu’elle dérangeait, parce qu’il fallait éviter, comme il dit, les sujets qui peuvent gêner le business ? On peut le penser tant le choix de Laurence Ferrari, présentatrice de l'émission télévisée 7 à 8 mais aussi animatrice d’une émission de télé-réalité sur TF1, correspond à une volonté de Canal + de promouvoir une information moderne, normalisée voire aseptisée, à mille lieux du côté incontrôlable du Vrai Journal. Mais en même temps, peut-on dire que Karl Zéro dérangeait quand on sait le soutien que lui ont apporté des hommes politiques comme Nicolas Sarkozy ou Laurent Fabius ou des hommes d’argent comme François Pinault ou Jacques Séguéla ? Vraie ou fausse impertinence ? On reste sur l’expectative un peu comme devant le vrai ou faux journal de Karl Zéro. 

L’arrêt de l’émission de Karl Zéro montre que l’information redevient un enjeu pour les chaînes hertziennes

Les grandes chaînes hertziennes sont de plus en plus concurrencées par les chaînes numériques terrestres et l’une des meilleures façons de se différencier, c’est de se renforcer sur l’information, qui coûte plus cher et qui est donc difficile à égaler. En plus, c’est un bon moyen de disposer d’un outil d’influence auprès des politiques comme l’a compris TF1 avec LCI. Canal +, dont la chaîne d’info en continu I-Télé connaît un nouvel essor avec la TNT, aimerait bien être aussi entendue que TF1. Elle va d’ailleurs lancer un journal télévisé le midi, exactement comme M6 qui vient de confier à une journaliste, Anne-Sophie Lapix, un JT de la mi-journée, tandis que Laurent Delahousse présentera un magazine d’information à la rentrée. Finalement, les grands perdants de ce type de mercato, comme on dit dans l’audiovisuel, ce sont les employés précaires des sociétés de production de programmes. Celle de Karl Zéro n’échappe pas à la règle.

par Amaury  de Rochegonde

[06/05/2006]