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Chronique Médias

Décès de Philippe Amaury, patron de presse

C’était l’un des hommes les plus discrets de la presse française. Philippe Amaury, PDG du groupe de presse qui portait son nom, ne donnait quasiment jamais d’interviews, et ses 3 000 salariés le croisaient rarement, sauf peut-être à l’occasion des vœux de nouvelle année. Le patron du Parisien et de L’Equipe est décédé à 66 ans, mardi dernier, à la suite de ce que l’on nomme pudiquement une longue maladie.

On sait très peu de choses sur cette figure des médias, qui préférait vivre cachée. Ce qui est sûr, c’est que son entrée dans le groupe de presse s’est faite dans la douleur. C’est le père de Philippe Amaury, Emilien, un ancien résistant, qui fonde le fleuron du groupe, le fameux Parisien libéré, en 1944. A priori, Philippe Amaury ne se destine pas à reprendre les rênes de l’empire paternel. C’est dans la publicité qu’il fait ses premiers pas, au sein du groupe Havas. En 1977, coup de théâtre : Emilien Amaury décède accidentellement, après une chute de cheval. Les héritiers, Philippe et sa sœur Francine, commencent alors à se déchirer : leur père aurait préféré placer sa fille à la tête du groupe. Philippe Amaury ne l’entend pas de cette oreille, et se lance dans une bataille juridique qui durera six ans. En 1983, Philippe Amaury prend enfin la tête de la presse quotidienne du groupe, avec l’aide de Jean-Luc Lagardère. Le patron du groupe Hachette prend alors 25 % du groupe, afin d’aider Philippe Amaury à payer ses droits de succession.

Un nouveau défi attend le nouveau patron : il s’agit de redresser le Parisien, quasiment moribond. Il faut dire le quotidien a été victime d’un conflit violent dans les années 70. Il oppose alors Emilien Amaury et un puissant syndicat français, le syndicat du livre CGT : pour protester contre la mainmise de la CGT dans les imprimeries, Emilen Amaury fait construire son propre centre d’impression. La riposte de la CGT est violente, et une crise sociale secoue le journal : au terme d’un bras de fer qui durera presque deux ans, les ventes du Parisien chutent de moitié. En plus, le quotidien s’est perdu en chemin dans des dérives populistes voire xénophobes. Philippe Amaury engage de grosses sommes d’argent pour transformer le journal en un quotidien populaire de qualité. Il finira par gagner son pari : Le Parisien est aujourd’hui un des titres qui souffrent le moins de la crise de la presse, avec près d’un demi million d’exemplaires vendus, si on ajoute son édition nationale Aujourd’hui en France.

Le groupe s’est beaucoup diversifié, et pas seulement dans la presse

Aujourd’hui, le groupe Amaury est extrêmement prospère, avec un chiffre d’affaires d’1 milliard d’euros. C’est que le mystérieux mais tenace Philippe Amaury a su diversifier ses activités. Le journal L’Equipe, un des plus gros tirages en France, a été décliné sous la forme d’un magazine, avec l’Equipe Mag, et sur le petit écran avec L’Equipe TV. Mais le groupe Amaury n’est pas seulement présent dans les médias. Il est également organisateur d’événements sportifs majeurs. Le Tour de France, c’est Amaury, le Paris Dakar, c’est Amaury, l’Enduro du Touquet, c’est encore Amaury.

Maintenant se pose la délicate question de la succession. Philippe Amaury, traumatisé par ses premiers pas dans le groupe, a soigneusement préparé sa relève. Son fils, Jean-Etienne a déjà fait un passage à la direction financière du groupe. Quant à sa fille, Aurore, 32 ans, elle a rejoint la direction générale en janvier dernier.

La famille Lagardère est toujours à la tête d’Hachette, les Desgrées du Loû et les Hutin contrôlent Ouest-France depuis des années, et le groupe Amaury restera sans aucun doute dans les mains d’un héritier. En France, la presse reste une affaire de famille.



par Delphine   Le Goff

[27/05/2006]

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