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Chronique Médias

Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal sous le feu des projecteurs

Amaury de Rochegonde
Amaury de Rochegonde

Est-t-on devant une nouvelle affaire «papy Voise»? Les Français se souviennent de Paul Voise ce vieil homme qui était apparu avec le visage tuméfié quelques semaines avant l’élection présidentielle de 2002. L’image de ce vieillard a marqué les esprits à force d’être reprise en boucle par les journaux télévisés. Elle était le symbole d’une France qui a peur, de la campagne effrénée sur le thème de l’insécurité qui avait conduit à l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour. Or, voilà que le 20 septembre dernier, c’est un autre visage tuméfié qui est apparu sur les écrans, celui d’un CRS sauvagement agressé dans la cité des Tarterêts et surtout totalement impuissant à se défendre. De quoi soulever la colère de l’opinion publique. On a appris ensuite que le cabinet du ministre de l’Intérieur avait organisé une conférence de presse dans la chambre d’hôpital du fonctionnaire de police et donc invité les caméras à le filmer. On voudrait ranimer un sentiment d’insécurité qui serve ce candidat sécuritaire qu’est Nicolas Sarkozy, on ne s’y prendrait pas autrement. Quelque jours plus tard, c’est l’arrestation des présumés coupables qui était fortement médiatisée au risque d’ailleurs de faire capoter les opérations de police, les journalistes arrivant parfois sur les lieux avant les forces de l’ordre. Mercredi dernier, c’est un encore nouveau raid de la police qui était médiatisé aux Mureaux, à la suite de l’agression de sept policiers par une centaine de jeunes. Sauf que cette fois, comme le note Libération, le média échaudé craint l’opération de «com» . Beaucoup de caméras se mettent à filmer les autres caméras en train de filmer, on s’interroge sur le caractère volontairement spectaculaire de l’opération, sur les enfants tirés de leur sommeil. Bref, le «Kärcher show», dixit Libé, tourne en partie au fiasco médiatique. Et même si ce sont les syndicats de policiers qui sont à l’origine des fuites, ils sont soupçonnés de rouler pour Sarkozy. C’est aussi le cas de nombreux médias, dont les patrons, Bouygues ou Lagardère, sont parfois des amis proches du président de l’UMP. De quoi susciter, à rebrousse-poil, des marques d’indépendance des autres médias. Mais toujours sans manquer l’événement orchestré, mis en scène par… le ministre de l’intérieur.

Ségolène Royal contestée post mortem sur Internet…

On a pu voir cette semaine l’extrait d’une interview du sociologue Pierre Bourdieu qui a circulé à la vitesse de l’éclair sur Internet. A l’origine, il s’agit d’une interview donnée au réalisateur Pierre Carles en 1999 et diffusée il y a huit jours sur la chaîne alternative Zalea TV. Une captation de cette interview, visionnée près de 20 000 fois sur le site Daily Motion, montre le sociologue mort il y a quatre ans douter de l’inscription «à gauche» de Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l’Enseignement scolaire. «Pour moi, elle n’est pas à gauche, disait Pierre Bourdieu, elle a un habitus, une manière d’être qui vous dit: "Elle est de droite"». Vision sociologique certes et qui aurait pu tout aussi bien s’appliquer à Mitterrand mais qui risque de couper Ségolène Royal d’un électorat de gauche. En tout cas, une telle vision rompt avec l’exploitation médiatique de la belle Ségolène qui a fait la une des magazines en papier glacé et qui se retrouve être la candidate naturelle de la gauche selon des sondages eux-mêmes influencés par l’exposition médiatique. Peut-être verra-t-on demain, comme aux Etats-Unis, des collectifs de citoyens s’offrir les services d’un reporter d’investigation sur Internet pour contrebalancer l’unanimisme des médias.

Chronique réalisée en partenariat avec l'hebdomadaire Stratégies


par Amaury  de Rochegonde

[07/10/2006]