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Mineurs délinquants : faut-il changer la loi ?

Pour Nicolas Sarkozy, il n’y a aucune raison de ne pas sanctionner de la même manière un mineur de 16 ans et un majeur, lorsqu’ils commettent des actes de gravité équivalente. 

		(Photo : AFP)
Pour Nicolas Sarkozy, il n’y a aucune raison de ne pas sanctionner de la même manière un mineur de 16 ans et un majeur, lorsqu’ils commettent des actes de gravité équivalente.
(Photo : AFP)
Les cinq jeunes soupçonnés d’avoir participé, à Marseille, à l’incendie d’un bus au cours duquel une jeune femme a été grièvement brûlée, sont mineurs. Ils ont été déférés, jeudi 2 novembre, devant le parquet qui a requis pour quatre d’entre eux une mise en examen. Ils devraient être poursuivis notamment pour des faits d’«incendie volontaire avec préméditation ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente», passibles de 30 ans de réclusion.

La même loi pour tous : c’est ce que réclame Nicolas Sarkozy. Le ministre de l’Intérieur en a assez du régime particulier dont bénéficient les mineurs, lorsqu’il s’agit de jeunes délinquants récidivistes âgés de 16 à 18 ans. Il n’a pas attendu l’événement dramatique qui s’est déroulé à Marseille, il y a une semaine -l’incendie volontaire, par une bande, d’un bus où Mama Galledou a été brûlée sur 60% du corps- pour le clamer. Nicolas Sarkozy est favorable à une modification de l’ordonnance de 1945 -qui définit les modalités de la justice pour les moins de 18 ans en France- et à la mise en place d’un cadre juridique plus sévère.

A en croire le ministre de l’Intérieur, il n’y a aucune raison de ne pas sanctionner de la même manière un mineur de 16 ans et un majeur, lorsqu’ils commettent des actes de gravité équivalente. Surtout lorsque le jeune en question n’en est pas à son premier délit. C’est pour cette raison qu’il préconise de modifier le texte qui prévoit notamment une diminution par deux des peines encourues pour les moins de 18 ans, en vertu de «l’excuse de minorité». Nicolas Sarkozy estime que l’augmentation du nombre de violences commises par des mineurs rend cette évolution de la loi indispensable pour que ces jeunes n’aient pas un sentiment «d’impunité». Selon l’Observatoire de la délinquance, il y a eu au cours du premier semestre de 2006, 19,3% d’agressions physiques commises par des mineurs de plus que durant la même période en 2005.

«Payer quel que soit leur âge»

Dans le cas des incendiaires du bus de Marseille, Nicolas Sarkozy, fidèle à cette ligne, a donc réclamé la plus «extrême sévérité». Il a estimé que ceux qui avaient commis un acte aussi «barbare, lâche, gratuit, stupide, criminel» devaient «payer quel que soit leur âge». Cinq jeunes ont été interpellés à Marseille, mardi 31 octobre, dans le cadre de cette affaire. Ils sont âgés de 15 à 17 ans et ont tous déjà eu maille à partir avec la justice. Une situation qui a donné l’occasion au ministre de l’Intérieur de rappeler une nouvelle fois que «les mineurs multirécidivistes entre 16 et 18 ans doivent être punis comme s’ils étaient majeurs».

Pour les adversaires de Nicolas Sarkozy, cette plaidoirie incessante en faveur de la modification de la loi en vigueur est une manoeuvre politique visant à masquer sa responsabilité et l’échec de sa politique sécuritaire pour endiguer la violence chez les jeunes.  Le socialiste Laurent Fabius a dénoncé cette méthode en déclarant : «C’est un peu toujours la même chose avec Nicolas Sarkozy, chaque fois qu’il y a une attaque très dure ou un crime extrêmement lourd, il propose de changer la loi». Ségolène Royal a, quant à elle, affirmé : «C’est le symptôme de l’impuissance (..) de continuer à proposer des modifications de la loi». Dominique Strauss-Kahn fait la même analyse et rappelle en plus qu’«aujourd’hui, le dispositif légal permet de condamner les jeunes de moins de 18 ans (…) Je ne crois pas qu’il faille fuir systématiquement dans la modification de la loi pour essayer d’excuser le fait que notre société devient plus violente».

Durcir la justice pour les mineurs

Il est vrai que l’ordonnance de 1945 prévoit la possibilité de ne pas appliquer le principe de «l’excuse de minorité» aux jeunes délinquants de 16 à 18 ans, «à titre exceptionnel, compte tenu des circonstances et de la personnalité du mineur». Dans ce cas, la peine encourue est alignée sur le régime général et n’est donc pas divisée par deux. Un mineur peut donc être, par exemple, condamné dans ce cadre à la réclusion criminelle à perpétuité.

Malgré l’insistance de Nicolas Sarkozy, la réforme de l’ordonnance de 1945 n’a pas été inscrite dans le projet de loi sur la prévention de la délinquance en cours d’examen par le Parlement. A l’exception d’une mesure rendant possible une comparution immédiate devant les tribunaux pour enfants. Reste que depuis 2002 et la loi Perben, la justice pour les mineurs est tout de même devenue plus répressive. Des sanctions pénales sont, par exemple, prévues pour tous les actes allant des incivilités aux violences graves et des sanctions éducatives peuvent être appliquées dès l’âge de 10 ans. Et à la suite des événements de Marseille, le chef de l’Etat, Jacques Chirac, sans évoquer la réforme de l’ordonnance de 1945, a tout de même estimé que l’on ne pouvait pas «laisser, sous prétexte qu’ils sont mineurs, des jeunes s’adonner à la violence».



par Valérie  Gas

Article publié le 02/11/2006 Dernière mise à jour le 02/11/2006 à 17:09 TU