Politique française
Et si Chirac remettait ça ?
Un petit troisième ? Pourquoi pas. A en croire Bernadette Chirac, il ne faut pas mettre son époux prématurément à la retraite. Son deuxième mandat de président n’est pas fini. Et un autre est envisageable. Certes le chef de l’Etat a aujourd’hui 74 ans. Bien sûr, il a été victime d’un accident vasculaire cérébral en septembre 2005. Mais qu’on se le dise, il est «en forme». L’épouse du président de la République prévient ceux qui présentent Jacques Chirac comme un homme usé par douze ans de pouvoir, qu’ils se trompent : «Mon mari n’est pas gâteux». Et pour ce qui est de siéger au Conseil constitutionnel -comme peuvent le faire les anciens présidents de la République-, pas de problème, estime Madame Chirac, mais «dans cinq ans» car «la messe n’est pas dite». Décidément si le président n’a pas annoncé sa décision «importantissime», Bernadette Chirac est, elle, prête à rempiler comme première dame à l’Elysée. Mais aussi à faire campagne aux côtés de son époux.
Ces déclarations n’interviennent pas à n’importe quel moment. Depuis plusieurs semaines, de petites phrases en allusions, la chiraquie reprend du poil de la bête. Et titille celui qui revendique être le champion incontestable de la majorité lors de la présidentielle : Nicolas Sarkozy, rarement nommé, toujours visé. A Colombey-Les-Deux-Eglises, où le ministre de l’Intérieur n’était pas présent lors de l’inauguration d’un mémorial dédié au Général de Gaulle, le chef de l’Etat a délivré une petite leçon de gaullisme en mettant en garde ceux qui voudraient «brader» les institutions. A Amiens, dans un quartier sensible, où il effectuait une visite mi-novembre, Jacques Chirac s’est offert un bain de foule. Une manière de montrer sa capacité à aller dans les cités, où le ministre de l’Intérieur a du mal à se rendre sans risquer de provoquer des réactions d’hostilité d’une partie de la population.
Villepin et Alliot-Marie : candidats ou porte-voix ?
Les proches du chef de l’Etat ont aussi pris l’initiative pour critiquer indirectement le président de l’UMP et attaquer ses thèmes de campagne. Dominique de Villepin a dénigré la «rupture» sarkozyste en lui opposant la continuité chiraquienne : «Les Français n’ont pas besoin d’une thérapie de choc pour réussir la mondialisation. Ils ont besoin de persévérance… de savoir où ils vont». Michèle Alliot-Marie a dénoncé les prises de position du ministre de l’Intérieur sur la responsabilité des juges dans la lutte contre l’insécurité en déclarant : «Il n’y a pas en matière de sécurité d’un côté les forces de l’ordre et de l’autre la justice». La ministre de la Défense a poursuivi en dressant le portrait du futur chef de l’Etat qui «ne saurait opposer les uns aux autres».
S’agit-il pour les numéros un et trois du gouvernement de préparer leur propre candidature ? Ou plutôt de déblayer le terrain pour celle de Jacques Chirac ? Pas facile de le savoir. Il pourrait aussi être question de rendre la vie la plus difficile possible au président de l’UMP au moment où il prépare l’annonce de sa candidature. Cette incertitude sur son adversaire éventuel ne peut, en effet, que lui compliquer la tâche. D’autant qu’il doit prendre certaines décisions stratégiques délicates : quitter ou rester au gouvernement, quitter ou rester à la tête de l’UMP, une fois qu’il se sera déclaré.
Aux aguets
L’hypothèse d’avoir à affronter Jacques Chirac est très certainement la plus difficile à gérer et à anticiper pour Nicolas Sarkozy. Car le chef de l'Etat est un homme qui a toujours aimé relever les défis électoraux et qui, en plus, sait que la fin de son mandat peut marquer le début de ses ennuis avec la justice. Le président de la République, par définition au-dessus des partis, peut aussi se permettre de ne pas tenir compte du calendrier de désignation du candidat UMP, qui prévoit un vote des militants le 14 janvier 2007. Le ministre de l’Intérieur lui-même affirme être sûr que Jacques Chirac se déterminera après cette date. Parmi les proches de Nicolas Sarkozy, on se dit convaincu du fait que le chef de l’Etat est aux aguets et n’attend qu’une opportunité pour s’engager dans la campagne. Selon Patrick Devedjian, «s’il y a un espace politique, Chirac n’hésitera pas, il sera candidat». Et d’ajouter tout de même dans la foulée qu’il paraît peu probable qu’il en ait l’occasion, puisqu’il culmine à 3 ou 4% dans les sondages sur les candidats de droite préférés des Français. Là où Nicolas Sarkozy est à 45%. Mais chacun sait, et surtout Jacques Chirac, que sondage d’un jour n’est pas sondage de toujours.
par Valérie Gas
Article publié le 16/11/2006 Dernière mise à jour le 16/11/2006 à 16:14 TU