Politique française
Ségolène Royal en piste pour la présidentielle
(Photo : AFP)
Elle n’a jamais cédé, elle a fini par gagner. Ségolène Royal a pourtant été l’objet de nombreuses critiques : sur sa méthode (démocratie participative) ou ses positions (abrogation de la carte scolaire, encadrement militaire des jeunes délinquants, jurys citoyens). Sa côte de popularité dans les sondages n’a cessé d’être présentée par ses adversaires comme l’indication d’un parcours surfait. Les mises en garde contre ces enquêtes réalisées auprès des sympathisants socialistes et non des adhérents se sont succédé sans discontinuer. Et pourtant, au bout du compte, les militants du Parti l’ont choisie. La victoire de Ségolène Royal lors des ces primaires socialistes inédites dans une telle forme (avec débats télévisés et meetings de campagne) invite donc tous ceux qui ont pointé ses lacunes et parfois ses incompétences, en politique étrangères notamment, à prendre acte de son incontestable sens politique et sa capacité à résister.
Les scores réalisés par Ségolène Royal dans certaines circonscriptions ont de quoi donner des cauchemars à ses deux adversaires. Dans les Deux-Sèvres, son fief, elle obtient 81,35% des voix. En Corrèze, où son compagnon François Hollande est député, elle atteint 81,35%. Dans le Pas-de-Calais, un département ouvrier du nord de la France, elle domine aussi largement (61%). Et c’est en Lozère qu’elle fait son meilleur score 83,77%. Il y a bien Paris pour rééquilibrer les choses. Ségolène Royal y obtient un résultat largement inférieur à son score national (47%). Et encore faut-il relativiser car cela la place tout de même bien devant Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius. Même s’ils s’y attendaient -chacun d’entre eux visait au mieux d’être le challenger de Ségolène Royal en cas de deuxième tour-, le coup est rude pour les deux hommes que nul n’a d’ailleurs aperçu de toute la soirée.
Gros dépit chez les vaincus
C’est donc une femme de 53 ans, mère de quatre enfants et compagne du Premier secrétaire du PS, François Hollande, qui va se lancer à la conquête de l’Elysée contre la droite. Maintenant que l’heure de la désignation est passée, il va lui falloir mener une autre bataille : celle du rassemblement de sa famille politique derrière elle. Même si Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius sont restés muets après l’annonce des résultats, leurs lieutenants ont tout de même déclaré que l’objectif de tous les socialistes devait être maintenant de battre la droite. Mais les mots employés par Jean-Christophe Cambadélis, un proche de Dominique Strauss-Kahn, dénotent tout de même un grand dépit : «Ségolène Royal est élue dès le premier tour. Nous lui souhaitons bonne chance, bon courage et bon vent». Ceux de Claude Bartolone, qui soutenait Laurent Fabius, marquent aussi une importante déception : «Quand il y a un score comme celui-là, la responsabilité des socialistes est de reconnaître ce résultat, de reconnaître la désignation de Ségolène Royal». On sent bien au travers de cette phrase qu’il y a des jours où ça fait mal d’être «responsable».
La désignation de Ségolène Royal comme candidate à la présidentielle tourne une page pour le Parti socialiste. La donne n’y est plus la même. Les militants ont incontestablement envoyé un message à leurs cadres en votant pour la députée des Deux-Sèvres. Ils veulent du changement. Et ce ne sont pas seulement les quelque 60 000 nouveaux adhérents qui ont fait pencher la balance en faveur de Ségolène Royal. Les résultats de la fédération parisienne le montrent, puisque c’est là qu’ils étaient les plus nombreux et que c’est là aussi qu’elle obtient l’un de ses moins bons scores. Le phénomène est plus large. Il touche l’ensemble des militants qui ont indiqué à leur manière que le temps des «éléphants» est révolu et qu’ils attendent un repositionnement du discours mais aussi de la méthode socialiste. En tout cas, c’est ainsi que Ségolène Royal a interprété l’élan qui lui a valu de remporter le scrutin : «Le pays a envie que ça change, je veux incarner ce changement, lui donner de la crédibilité, de la légitimité et je crois que cette légitimité m’est offerte. J’en remercie du fond du cœur les militants socialistes».par Valérie Gas
Article publié le 17/11/2006 Dernière mise à jour le 17/11/2006 à 08:06 TU