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France

Clearstream : moins de pression sur Villepin

Le Conseil des ministres vient de donner son feu vert à l’audition de Dominique de Villepin par les juges d’Huy et Pons, en charge de l’instruction dans l’affaire Clearstream. Le Premier ministre sera entendu en tant que simple témoin, comme la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, l’avait été avant lui. Cela signifie que les magistrats n’ont pas d’éléments leur permettant de le mettre en cause. Soulagement à Matignon.

Le Premier ministre, Dominique de Villepin à la sortie du conseil des ministres. 

		(Photo : AFP)
Le Premier ministre, Dominique de Villepin, à la sortie du Conseil des ministres.
(Photo : AFP)

Les juges se sont-ils trompés de cible ? C’est que pourrait indiquer leur décision d’entendre finalement Dominique de Villepin sous le statut de simple témoin. Depuis des mois, tout laissait penser qu’ils essayaient de déterminer si le chef du gouvernement avait tenté d’utiliser l’affaire Clearstream pour nuire à son rival, Nicolas Sarkozy. Celui-ci avait, en effet, été avec d’autres personnalités du monde des affaires et de la politique, comme Dominique Strauss-Kahn ou Jean-Pierre Chevènement, visé par une tentative de dénonciation calomnieuse. Des listes falsifiées de comptes bancaires dans la société financière luxembourgeoise Clearstream avait été transmises à la justice, en 2004, pour accuser à tort ces personnalités d’avoir touché des pots-de-vin dans le cadre des ventes de frégates par la France à Taiwan, en 1991.

A priori, tout cela ne concernait pas Dominique de Villepin. Si ce n’est qu’il est très proche de l’homme identifié comme celui qui avait envoyé les fausses listes à la justice, Jean-Louis Gergorin, ancien vice-président d’EADS, aujourd’hui mis en examen. Si ce n’est aussi qu’il n’a pas informé le juge d’instruction chargé de l’affaire des frégates, Renaud Van Ruymbeke, ni les personnalités diffamées, du fait que les enquêtes qu’il avait diligentées avaient démontré la tentative de manipulation. Des points troublants qui semblent avoir incité les juges d’Huy et Pons à orienter leurs recherches sur la piste politique.

«Il n’y a pas de questions auxquelles je ne puisse répondre»

Dominique de Villepin clame depuis des mois qu’il n’a agi que dans le cadre de ses fonctions ministérielles : «Que dirait-on d’un ministre qui ne ferait pas vérifier une information touchant aux intérêts de l’Etat ?» Il a toujours nié avoir voulu exploiter l’affaire à des fins politiques et a demandé à être entendu par la justice, en affirmant : «Il n’y a pas de questions auxquelles je ne puisse répondre». Il s’est donc réjoui d’avoir finalement été convoqué par les magistrats. Cela devrait lui permettre de donner sa version des faits. Mais surtout, après des mois de spéculations sur son implication, le fait de ne pas être convoqué en tant que témoin assisté, est une très bonne nouvelle pour lui. Cela montre que les recherches menées jusqu’ici n’ont pas permis d’établir qu’il avait participé à la manipulation.

Les auditions des responsables politiques de l’époque, Jean-Pierre Raffarin ou Michèle Alliot-Marie, ont vraisemblablement participé à dissiper les doutes concernant Dominique de Villepin, qui avaient été alimentés par les notes du général Philippe Rondot. Celui-ci, conseiller de la ministre de la Défense, avait été chargé, en janvier 2004, par l’actuel Premier ministre d’enquêter sur les listings. Certains passages de ses mémos examinés par les juges indiquaient, par exemple, que Dominique de Villepin avait cité Nicolas Sarkozy. Ce qui laissait entendre que les enquêtes qu’il avait demandées pouvaient avoir pour objectif de trouver les moyens de le déstabiliser.

Qui a voulu nuire à qui et pourquoi ?

Le témoignage du général Jean-Louis Georgelin, recueilli par Jean-Marie d’Huy et Henri Pons, a aussi certainement joué un rôle dans la décision des juges de renoncer à auditionner le Premier ministre contre témoin assisté. Cet homme qui était chef d’état-major particulier du président de la République au moment des faits, a lui aussi démenti certaines informations contenues dans les notes du général Rondot. Notamment celle qui mentionne une «instruction» qui lui aurait été donnée directement par Jacques Chirac concernant l’enquête sur les fichiers. Jean-Louis Georgelin a de la même manière affirmé qu’il n’y avait pas eu de rencontre entre Philippe Rondot et le président de la République au moment de l’affaire Clearstream.

Même si rien ne permet de présumer du résultat de l’audition de Dominique de Villepin, dont la date n’est pas encore fixée, l’étau s’est desserré autour du Premier ministre. Et du coup, Clearstream apparaît beaucoup moins comme une affaire d’Etat en puissance. Reste que cela ne rend pas le dossier plus clair. S’il n’y a pas eu manipulation politique, il y a pourtant bien eu «dénonciation calomnieuse». C’est d’ailleurs pour cela que les juges ont été saisis. Et à ce jour, après plus de deux ans d’enquête, on ne sait toujours pas qui a voulu nuire à qui et pourquoi.



par Valérie  Gas

Article publié le 06/12/2006 Dernière mise à jour le 06/12/2006 à 16:46 TU