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Clearstream : après Alliot-Marie, Villepin répondra aux juges

Les juges souhaitent entendre le Premier ministre, Dominique de Villepin, dans le cadre de l'affaire Clearstream, après la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie. 

		(Photo : AFP/montage : RFI)
Les juges souhaitent entendre le Premier ministre, Dominique de Villepin, dans le cadre de l'affaire Clearstream, après la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie.
(Photo : AFP/montage : RFI)
L’audition de Michèle Alliot-Marie, le 10 novembre, dans le cadre de l’affaire Clearstream marque une nouvelle étape dans l’instruction. La ministre de la Défense est entendue en tant que simple témoin. Ce qui signifie que les juges d’Huy et Pons, en charge du dossier, ne disposent pas d’éléments sur son implication directe dans la tentative de manipulation. Son témoignage doit néanmoins permettre de mieux comprendre, par exemple, les circonstances dans lesquelles Philippe Rondot, son conseiller technique pour les renseignements au moment des faits, a enquêté sur les faux listings. Après Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin devrait lui aussi être entendu. Mais pour le moment, les juges n’ont pas décidé sous quel statut et à quelle date.

Le parquet a demandé que Dominique de Villepin soit auditionné comme simple témoin. Dans une réquisition envoyée le 28 octobre dernier, le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, a en effet insisté auprès des juges pour qu’ils convoquent le Premier ministre sous le même statut que la ministre de la Défense. Jean-Marie d’Huy et Henri Pons ont adressé une réponse très claire à cette requête en renvoyant au parquet un «soit-transmis» dans lequel ils précisent qu’ils n’ont pas encore pris de décision sur ce point. Une manière de laisser entendre que, si des éléments le mettent en cause, l’hypothèse d’une convocation de Dominique de Villepin comme «témoin assisté» n’est pas écartée. Et cela, pas uniquement parce que le parquet le demande.

Les juges ont, en effet, tenu à rappeler leurs prérogatives dans la gestion de l’instruction. Ils écrivent d’ailleurs qu’ils convoqueront le Premier ministre «au moment qu’ils jugeront opportun». En ce qui concerne les autres requêtes du parquet, et notamment les mises en examen de certains acteurs de l’affaire -Florian Bourges, l’homme qui a copié les listes de comptes Clearstream, ou Denis Robert, le journaliste auquel il les a remis-, les magistrats estiment qu’elles sont «superfétatoires». Ils affirment que ces actes se feront «dans le cadre du déroulement normal de l’information dont la conduite relève de [leur]entière responsabilité».

Des enjeux politiques

Ces échanges révèlent à tout le moins l’existence de très fortes tensions entre le parquet, qui est placé sous la hiérarchie du ministère de la Justice, et les juges, soucieux de leur indépendance. Mais ils mettent aussi en évidence les enjeux politiques liés à cette affaire. D’un côté, le parquet est accusé de protéger Dominique de Villepin. De l’autre, les magistrats sont soupçonnés d’aller dans le sens de Nicolas Sarkozy, qui s’est porté partie civile et accuse le Premier ministre de ne pas l’avoir informé qu’il était l’objet de calomnie.

Il n’est certainement pas anodin de retrouver dans une affaire judiciaire telle que celle-ci, deux protagonistes comme Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin. Le premier en tant que cible d’une tentative de manipulation visant à l’accuser de corruption. Le second dans un rôle encore mal appréhendé mais pour le moins ambigu. Et, peut-être, central. C’est sûrement pour cette raison, au-delà du fait qu’il est chef du gouvernement, que l’audition de Dominique de Villepin interviendra en bout de chaîne. Après celle du Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, et de la ministre de la Défense, de l’époque et d’aujourd’hui, Michèle Alliot-Marie. Tout deux ayant joué des rôles plus périphériques que le sien.

Peu d’éléments matériels

Plusieurs questions se posent, en effet, concernant le niveau d’implication de Dominique de Villepin. Pourquoi a-t-il demandé deux enquêtes sur les faux listings Clearstream, la première au général Rondot, en janvier 2004, la seconde aux services secrets (DGSE), en juillet 2004 ? Pourquoi n’a-t-il pas informé le juge Van Ruymbeke des résultats de ces investigations qui ont démontré qu’il s’agissait d’une tentative de manipulation ? Pourquoi n’a-t-il pas, non plus, averti les personnes accusées à tort d’avoir détenu des comptes occultes dans la société financière Clearstream, comme Nicolas Sarkozy ? Etait-il au courant que Jean-Louis Gergorin, un de ses proches et ancien vice-président d’EADS, aujourd’hui mis en examen dans le cadre de l’affaire, était le «corbeau», celui qui a envoyé les faux listings au juge d’instruction Van Ruymbeke ? Dominique de Villepin a-t-il, comme l’aurait déclaré Pierre Bousquet de Florian, patron de la Direction de la surveillance du territoire (DST), détruit à l’automne 2004 un rapport dans lequel Jean-Louis Gergorin était identifié comme étant le «corbeau» ?

Les agendas de Dominique de Villepin lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères (2003-2004) n’aideront pas à répondre à ces interrogations. Les juges avaient demandé au Quai d’Orsay qu’ils leur soient communiqués. Pierre Vimont, actuel directeur de cabinet de Philippe Douste-Blazy qui occupait le même poste lorsque Dominique de Villepin était ministre des Affaires étrangères, a affirmé que ces documents n’avaient pas été conservés. Il semble donc qu’il y ait peu d’éléments matériels encore disponibles concernant l’emploi du temps du Premier ministre au moment des faits. Dans ces conditions, c’est vraisemblablement des témoignages des acteurs, et notamment de celui de Dominique de Villepin, que sortira la vérité. Ou pas.



par Valérie  Gas

Article publié le 09/11/2006 Dernière mise à jour le 09/11/2006 à 15:52 TU