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Clearstream : Rondot silencieux face aux juges

Le général Philippe Rondot a été contraint de se rendre au pôle financier du tribunal de Paris, où l'attendaient les juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons.(Photo : AFP)
Le général Philippe Rondot a été contraint de se rendre au pôle financier du tribunal de Paris, où l'attendaient les juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons.
(Photo : AFP)
Le général Philippe Rondot a été obligé de se rendre au pôle financier du tribunal de Paris pour être de nouveau auditionné par les juges en charge de l’enquête sur les «dénonciations calomnieuses» dans l’affaire Clearstream. Des policiers sont venus, lundi 22 mai, le chercher à son domicile à la demande des magistrats. Philippe Rondot n’a pas opposé de résistance mais il n’a pas répondu aux questions des juges.

Un coup de sonnette au petit matin, ça n’est jamais bon signe. Ce lundi 22 mai, le général Philippe Rondot n’a certainement pas pensé au facteur lorsqu’une sonnerie a retenti à la porte de son domicile de Meudon, en région parisienne. Il savait qu’il s’agissait des policiers envoyés par les juges Jean-Marie d’Huy et Henri Pons qui avaient délivré contre lui un mandat d’amener pour le contraindre à se rendre au pôle financier du tribunal de Paris. Le général Rondot avait, en effet, refusé de répondre à leurs dernières convocations arguant du fait qu’ils ne voulaient pas l’entendre comme témoin assisté, donc en présence de son avocat.

C’est pourtant ce qui s’est passé avec quelques jours de retard. Les magistrats ont auditionné Philippe Rondot seul, pendant environ une heure. L’avocat du général, maître Eric Morain, a déclaré à l’issue de cette entrevue que son client avait «refusé de répondre aux questions» après avoir réitéré, sans succès, sa demande d’obtenir le statut de témoin assisté. Le général est ressorti libre de cette audition. Les juges ne l’ont pas mis en examen comme il le craignait. Lui qui se déplaçait depuis plusieurs jours avec un sac de sport contenant ses affaires car il était persuadé qu’il allait être interpellé. Il est vrai que la pression était montée d’un cran encore durant le week-end lorsque des policiers étaient venus en «repérage» au domicile du général, faisant croire à son avocat qu’il allait être arrêté, puis repartant munis simplement des codes d’accès à l’immeuble.

Les épisodes rocambolesques se succèdent

Dans le feuilleton Clearstream, les épisodes rocambolesques se succèdent sans discontinuer. Jean-Louis Gergorin, qui a reconnu dans la presse avoir fait parvenir des listings falsifiés de comptes Clearstream à Renaud Van Ruymbeke et ne cesse d’affirmer qu’il a encore beaucoup de choses à dire aux juges, n’a pas été invité par ces derniers à leur rendre visite. Il est d’ailleurs parti quelques jours à Londres, pour échapper à la pression, sans que personne ne trouve à y redire pour le moment. Il est vrai qu’il a fait préciser par son avocat qu’il restait à la disposition de la justice.

Quant au troisième acteur, l’ex-informaticien d’EADS recruté par Jean-Louis Gergorin, Imad Lahoud, soupçonné d’avoir réalisé la falsification des fichiers informatiques, il continue de clamer son innocence du lit de l’hôpital où il a été transféré pour une grosse déprime. Il était le seul à n’avoir rien dit à la presse jusqu’à présent. Il a rétabli la situation en accordant un entretien au Figaro. Il y affirme n’avoir jamais trafiqué les listings de comptes de Clearstream, contrairement à ce prétend le général Rondot et à ce que suggère Jean-Louis Gergorin. Il explique aussi qu’il les a récupéré dans le cadre d’une mission confiée par le général Dominique Champtiaux de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) et qu’il a remis le cédérom et ses notes à qui de droit (sans dire son nom).

Un protagoniste devenu muet, un autre qui se dénonce puis traverse la Manche, un troisième qui craque mentalement, et toujours pas de preuve sur celui ou ceux qui sont à l’origine de la manipulation visant à discréditer des hommes d’affaires et des politiques, au premier rang desquels Nicolas Sarkozy (que l’on n’entend plus beaucoup ces derniers jours d’ailleurs). Cela n’empêche pas de nouvelles publications de documents dans la presse. Le Monde, très en pointe sur cette affaire depuis qu’elle est venue au cœur de l’actualité, vient de sortir une information selon laquelle les notes et courriers du général Rondot révèlent qu’il n’a pas donné le nom du «corbeau» [Jean-Louis Gergorin] aux juges dans le but de protéger Dominique de Villepin. Ces documents montrent, par ailleurs, que contrairement à ce que ce dernier mais aussi le chef de l’Etat ont affirmé, c’est bien à la suite d’instructions de l’Elysée que Philippe Rondot a été chargé d’enquêter sur les listings de comptes.

Les Français s’en moquent

D’autre part, la chaîne de télévision LCI a révélé que Dominique de Villepin avait demandé, en mars 2004, au général Rondot de faire libérer Imad Lahoud de la garde à vue où il se trouvait à cause d’une affaire d’escroquerie. Cette information proviendrait d’un courrier adressé au directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie [la ministre de la Défense], un document classé «opération très sensible». Si c’était vérifié, cela tendrait à montrer qu’il y avait peut-être une crainte de Dominique de Villepin vis-à-vis de ce que pouvait dévoiler l’informaticien. L’entourage du Premier ministre a très vite démenti une quelconque intervention de Dominique de Villepin en faveur d’Imad Lahoud, qu’il «ne connaît pas personnellement».

Décidément le Premier ministre, qui a adopté la stratégie du silence, a bien du mal à s’extraire de ce scandale qui semble néanmoins ne pas atteindre plus que cela les Français. Un sondage TNS Sofres/Unilog pour RTL, Le Figaro, LCI montre que 64% des personnes interrogées estiment que Dominique de Villepin doit rester à son poste. L’explication est certainement fournie par le fait que 59% d’entre eux jugent que l’affaire Clearstream n’est «pas si importante que cela».


par Valérie  Gas

Article publié le 22/05/2006 Dernière mise à jour le 22/05/2006 à 17:43 TU