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Clearstream : les politiques chez les juges

Michèle Alliot-Marie affirme qu’elle ne savait pas que des noms d’hommes politiques figuraient sur les listings. 

		(Photo : AFP)
Michèle Alliot-Marie affirme qu’elle ne savait pas que des noms d’hommes politiques figuraient sur les listings.
(Photo : AFP)
Le conseil des ministres a donné son accord pour que Michèle Alliot-Marie soit entendue comme témoin par les juges d’Huy et Pons en charge du dossier Clearstream. La ministre de la Défense a manifesté son désir de collaborer avec la justice «pour que la vérité soit faite le plus rapidement possible». L’ancien Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, doit quant à lui être auditionné jeudi 19 octobre. Après quelques mois d’accalmie, l’instruction s’accélère à nouveau et se concentre sur les responsables politiques aux affaires au moment des faits. La prochaine cible pourrait être le Premier ministre. Dominique de Villepin a, en effet, été cité par plusieurs acteurs de l’affaire et des interrogations demeurent sur son implication.

Se débarrasser au plus vite du boulet Clearstream : c’est certainement ce que désire Michèle Alliot-Marie. Il est vrai que cette affaire a toutes les caractéristiques d’un bourbier politique pour ceux qui y sont impliqués. Et la ministre de la Défense en fait partie. Michèle Alliot-Marie aurait été informée dès 2004 du fait que les listings de comptes occultes dans la société financière Clearstream, étaient falsifiés. C’est en tout cas ce qu’affirme le général Philippe Rondot, conseiller technique au ministère de la Défense qui avait été chargé par Dominique de Villepin d’enquêter sur ce dossier. La question est alors de savoir si Michèle Alliot-Marie avait eu connaissance à ce moment des noms de personnalités politiques qui y figuraient. Et si oui, pourquoi elle ne les a pas informées. A commencer par le ministre de l’Economie de l’époque Nicolas Sarkozy.

Le chef de cabinet de Michèle Alliot-Marie, Philippe Marland, interrogé au mois de mai dernier sur ce point, a affirmé qu’il n’était pas en mesure de répondre à cette question. Michèle Alliot-Marie affirme, quant à elle, qu’elle ne savait pas que des noms d’hommes politiques figuraient sur les faux listings Clearstream. Il faut rappeler qu’au départ cette enquête visait à établir s’il y avait eu corruption lors de la vente de frégates à Taïwan en 1991. La manipulation visant à impliquer des politiques n’est apparue que par la suite.

La ministre de la Défense, qui est convoqué en tant que simple témoin, entend donc lever toutes les interrogations sur son rôle en répondant aux questions des juges. Elle affirme être d’autant plus désireuse d’apporter sa version des faits que son compagnon, Patrick Ollier, fait partie des personnalités dont le nom est cité sur les fichiers et s’est d’ailleurs constitué partie civile, comme Nicolas Sarkozy. Ce qui incite Michèle Alliot-Marie à penser qu’elle pouvait être, elle aussi, une cible de la manipulation.

Garder une crédibilité de candidate potentielle

La ministre de la Défense estime avoir jusqu’ici collaboré autant qu’elle le pouvait  avec la justice, notamment en acceptant la perquisition menée dans son bureau en avril 2006 et en accédant à la demande des juges de déclassifier des documents. Elle entend poursuivre dans cette voie car cela correspond, affirme-t-elle, à sa conception «de la justice et de la transparence». Il est vrai qu’elle y a tout intérêt si elle veut conserver sa crédibilité de candidate potentielle à l’élection présidentielle.

Quel que soit son désir d’accélérer la procédure, l’audition de Michèle Alliot-Marie ne pourra dans tous les cas pas avoir lieu avant son retour des Etats-Unis où elle doit effectuer une visite de quatre jours. Dans l’intervalle, Jean-Pierre Raffarin, chef du gouvernement à l’époque des faits, sera le premier responsable politique aux affaires à l’époque des faits à être entendu par Jean-Marie d’Huy et Henri Pons, lui aussi comme simple témoin. L’ancien Premier ministre est moins directement concerné car il n’a été cité par aucun des acteurs de l’affaire mais les juges devraient l’interroger sur ce qu’il savait des différentes enquêtes demandées concernant les fichiers truqués.

Villepin veut témoigner

Reste le cas de Dominique de Villepin. L’actuel Premier ministre, alors en poste aux Affaires étrangères, avait demandé au général Rondot de vérifier si les listes de bénéficiaires de comptes dans la société financière Clearstream étaient falsifiées. Une demande faite lors d’une réunion organisée le 9 janvier 2004, à laquelle avait participé Jean-Louis Gergorin, alors vice-président du groupe aéronautique EADS. Celui-là même qui a été identifié comme le «corbeau», l’homme qui avait envoyé les fichiers informatiques truqués au juge Renaud Van Ruymbeke, chargé de l’enquête sur la vente des frégates à Taiwan. Jean-Louis Gergorin a d’ailleurs été mis en examen depuis. Dans ce contexte, la question est de savoir si Dominique de Villepin a évoqué le cas de Nicolas Sarkozy, son principal adversaire politique à droite, lors de cette rencontre, et s’il a délibérément omis d’informer ce dernier des résultats de l’enquête qui le disculpait. Une autre question se pose : Dominique de Villepin était-il au courant du fait que Jean-Louis Gergorin était le «corbeau» ?

Dominique de Villepin a, dès le départ, nié cette version des faits et continue de le faire. Il a même estimé avoir été victime de «calomnies». Du coup, il affirme qu’il est non seulement prêt, lui aussi, à se rendre à une convocation des juges d’Huy et Pons, mais qu’il souhaite apporter son témoignage.



par Valérie  Gas

Article publié le 18/10/2006 Dernière mise à jour le 18/10/2006 à 16:30 TU