Politique française
Chirac ne renonce pas
(Photo : AFP)
Des vœux ou un programme ? A entendre le chef de l’Etat qui s’est livré, cette semaine, au marathon des souhaits, on n’imaginerait pas qu’il en est à sa douzième année de pouvoir et à la fin de son deuxième mandat à l’Elysée. Il s’applique à chacune de ses interventions à montrer qu’il est engagé dans l’action et même qu’il prépare l’avenir. Rien à voir avec un président qui serait sur le départ.
En s’adressant, le 4 janvier, aux forces vives de la Nation, Jacques Chirac a mis le paquet. Il a pris position en faveur d’une baisse des impôts sur les sociétés de 33 à 20% en «vingt», oups ! «cinq ans». Il a plaidé pour l’amélioration du «modèle social français» en préconisant la mise en œuvre «d’une véritable sécurité sociale professionnelle». Il a fait des étudiants une priorité à laquelle on doit attribuer une rallonge budgétaire de 30%. Il s’est de nouveau engagé en faveur du combat écologique en demandant la mise en place d’une «taxe carbone» sur les produits des pays qui n’adhèrent pas au protocole de Kyoto. En s’adressant au corps diplomatique, Jacques Chirac a aussi été particulièrement incisif. Il a dénoncé «la persistance d’une pauvreté extrême dans un monde de plus en plus riche». Il a critiqué la guerre en Irak qui a, selon lui, favorisé le terrorisme. Il a aussi mis en cause la politique du président américain George W. Bush et a dénoncé les méfaits de «l’unilatéralisme». Une manière de réaffirmer l’indépendance diplomatique de la France et de mettre en avant la justesse des choix qu’il a réalisés, notamment en refusant de s’engager dans l’offensive militaire menée par les Etats-Unis en Irak.
Chirac ne veut pas d’une ambiance de fin de règne
Jacques Chirac ne veut visiblement pas que son mandat se termine dans une ambiance de fin de règne entre flottement et attente. Qu’il choisisse ou non de se représenter à la présidentielle, une chose semble claire : il n’a pas l’intention de laisser Nicolas Sarkozy seul à la manœuvre à droite dans les mois qui viennent. Les propositions du chef de l’Etat paraissent, en effet, bien souvent destinées à couper l’herbe sous le pied du président de l’UMP (sur le droit au logement opposable, le modèle français, les relations avec les Etats-Unis) et certaines déclarations visent à l’égratigner. Certes, Jacques Chirac, du haut de sa position d’arbitre, attaque aussi la gauche. Il a ainsi mis en garde, par exemple, contre «la réduction du temps de travail comme solution au chômage, la hausse des impôts plutôt que la réforme». Mais le chef de l’Etat envoie au passage d’autres piques qui ne concernent pas l’opposition. Il a notamment affirmé : «Il faut tout autant écarter la voie d’une France convertie au tout-libéral, à la compression des salaires et au rétrécissement de la protection sociale». Le candidat concerné se reconnaîtra.
Au-delà des vieilles rancunes vis-à-vis du traître de la Chiraquie qui avait choisi le camp Balladur lors de la présidentielle de 1995, le chef de l’Etat n’apprécie vraisemblablement pas le thème moteur de la campagne de Nicolas Sarkozy : la rupture. Le président de l’UMP n’est certainement pas le dauphin dont Jacques Chirac a rêvé. Ce qui a déjà, en soi, de quoi contrarier le président de la République. Mais sa volonté de se positionner systématiquement hors des traces de son aîné amplifie l’exaspération du côté de l’Elysée. Non seulement parce que cela participe à dénigrer la méthode et le bilan du président. Mais aussi parce que cela donne à Jacques Chirac l’image d’un ancêtre de la politique, usé, fini.
Rappel à l’ordre
Récemment, les ralliements publics de cadres de l’UMP au candidat Sarkozy ont d’ailleurs accentué le sentiment que la messe était dite pour le président sortant -contrairement à ce que Bernadette Chirac avait affirmé il y a quelques semaines, lorsqu’on l’interrogeait sur les intentions présidentielles de son époux. Comment Alain Juppé, celui que Jacques Chirac a décrit comme «le meilleur d’entre nous», pourrait-il affirmer que «des ruptures sont parfois nécessaires», si le président comptait se représenter ? Au gouvernement aussi, on semble avoir décidé de tourner avec le vent avant qu’il ne soit trop tard. Plusieurs ministres se sont ralliés récemment au candidat Sarkozy qui doit être intronisé officiellement par l’UMP, le 14 janvier, après un vote des militants sans suspense puisque personne n’est venu se présenter face au président du parti. Celui-ci peut donc désormais compter notamment sur le soutien de Jean-François Copé (Budget, porte-parole), Philippe Douste-Blazy (Affaires étrangères), Thierry Breton (Economie), Pascal Clément (Justice), ou Dominique Perben (Transports). Quelles que soient les affinités, il faut préserver l’avenir.
Dans ce contexte, Jacques Chirac a choisi de saisir l’opportunité des vœux pour reprendre le collier et se rappeler au bon souvenir de ceux qui auraient envie de l’enterrer politiquement avant l’heure. A commencer par les membres du gouvernement. Lors des vœux aux ministres, le chef de l’Etat a effectué une mise au point en indiquant à chacun d’eux, et bien sûr tout d’abord à Nicolas Sarkozy, que l’engagement dans le débat électoral ne devait pas se faire «au détriment» de leur «mission». Il leur a aussi demandé «une mobilisation totale». Jacques Chirac veut faire fructifier le travail du gouvernement dans les prochains mois car il n’a visiblement pas l’intention de sortir par la petite porte. Ou peut-être de sortir tout court.
par Valérie Gas
Article publié le 05/01/2007 Dernière mise à jour le 05/01/2007 à 15:41 TU