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Archéologie

L'Appel de Nouakchott pour le patrimoine africain

Une partie des 669 pièces archéologiques de grande valeur datant pour la plupart du Néolithique, saisies le 19 janvier 2007 à l'aéroport parisien de Roissy en provenance du Mali et destinées aux Etats-Unis. 

		(Photo AFP)
Une partie des 669 pièces archéologiques de grande valeur datant pour la plupart du Néolithique, saisies le 19 janvier 2007 à l'aéroport parisien de Roissy en provenance du Mali et destinées aux Etats-Unis.
(Photo AFP)
Convoitée par les grands consommateurs de pétrole et de minerais comme par les promoteurs de tourisme, pillée par les trafiquants d’œuvre d’art, l’Afrique de l’Ouest est victime d’exploitations anarchiques qui menacent ses vestiges archéologiques. Plusieurs dizaines d’archéologues et de chercheurs africains et européens, réunis à Nouakchott, en Mauritanie, lancent un Appel à la mobilisation internationale pour sauvegarder le patrimoine africain.

Fouilles clandestines, pillages archéologiques et destruction des vestiges : considérant que c’est le patrimoine de tout un continent qui est sacrifié, les archéologues et les chercheurs ont décidé de crier haut et fort leur indignation et d’interpeller l’opinion internationale. L’Appel de Nouakchott pourrait être, en somme, défini comme un cri au secours des archéologues et des chercheurs, réclamant la «protection et la valorisation des vestiges archéologiques qui sont enfouis (…), des vestiges dont la contribution à notre connaissance du passé africain est irremplaçable». Les signataires défendent une archéologie dite «préventive» c’est-à-dire planifiée, intégrée dans les plans d’aménagement du territoire (constructions urbaines ou voies de circulation, par exemple) et financée en partie par les aménageurs.

Cet Appel de Nouakchott fait suite au colloque international qui s’est tenu du 1er au 3 février dernier, intitulé Les perspectives de l’archéologie préventive en Afrique de l’Ouest. Ce colloque avait été organisé par l’Institut mauritanien de recherches scientifiques (IMRS) et par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), en présence d’un responsable de l’Unesco. Etaient alors réunis, autour d’une même table, des scientifiques africains et européens ainsi que des représentants d’aménagement du territoire, pour débattre des  problèmes rencontrés dans les secteurs respectifs des protagonistes.

A titre d’exemple, le gouvernement libyen, soucieux de préserver la faune, la flore et les sites archéologiques du sud du pays, avait commandé une mission d’expertise en 2005. Cette dernière avait alors révélé que de grands boulevards, créés pour la circulation des camions, avaient rendu pénétrables en 4x4 des voies jusque-là inaccessibles; en conséquence de quoi, des sites qui avaient été jusque-là naturellement protégés par leur isolement avaient aussitôt été dégradés.

«Un principe de partenariat technique et financier obligatoire»

Une réglementation internationale rigoureuse s’impose donc, selon les scientifiques, si l’on veut concilier les impératifs de conservation du patrimoine archéologique avec les différents intérêts économiques –qu’il s’agisse de ceux liés au développement et à l’aménagement du territoire, ou bien encore de ceux liés à l’exploitation des richesses pétrolières, gazières et minières. Archéologues et chercheurs demandent que, selon «un principe de partenariat technique et financier obligatoire», les aménageurs s’engagent, avant d’entreprendre tout chantier, à faire des études de terrain et des fouilles.

Exploiter les richesses pétrolières rapporte beaucoup d’argent. Prospecter l’or noir occasionne de grands dégâts. Peut-on imaginer qu'à l'avenir les industriels soient, en contrepartie, impliqués dans des programmes éducatifs auprès des populations autochtones, et qu’ils financent des campagnes locales d’«information et de sensibilisation». Eduquer pour protéger : un moyen, peut-être, d'inciter les Africains à veiller, en première ligne, à la sauvegarde de leur patrimoine au lieu de continuer à le brader contre quelques devises. Les fouilles clandestines et les trafic de vestiges constituent encore un réel fléau pour des pays en proie à la pauvreté, aux conflits et à la corruption.

Enfin, et considérant précisément que les richesses exhumées ne doivent pas quitter le continent, les signataires de l’Appel de Nouakchott demandent qu’en cas de mis au jour de sites archéologiques, les aménageurs participent également à leur protection et à leur mise en valeur.

par Dominique  Raizon

Article publié le 17/03/2007 Dernière mise à jour le 17/03/2007 à 17:28 TU