Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Campagne présidentielle américaine

La Floride consacre John McCain et écrase Rudy Giuliani

par Anne Toulouse

Article publié le 30/01/2008 Dernière mise à jour le 30/01/2008 à 02:00 TU

L'ancien aviateur de la Navy qu'on considérait comme perdu il y a 6 mois a empoché mardi soir une troisième victoire aux primaires de Floride, passant en tête de la course à l'investiture chez les républicains. Après dépouillement de 94% des bulletins, McCain était crédité de 36% des voix contre 31% à Romney, et seulement 15% à Giuliani, dont le mauvais score augure mal de la suite. Chez les démocrates, même avec 50% des voix contre 33% pour Obama Barack, la victoire d'Hillary Clinton reste plus symbolique, puisque l'Etat ne devrait pas envoyer de délégués à la convention du parti. La situation reste confuse, 8 jours avant le Super Tuesday, quand une vingtaine d'Etats voteront d'un coup.
La joie de John McCain, 71 ans, sénateur de l'Arizona, ancien héros du Vietnam, et nouveau favori des républicains.( Photo : Reuters )

La joie de John McCain, 71 ans, sénateur de l'Arizona, ancien héros du Vietnam, et nouveau favori des républicains.
( Photo : Reuters )

Rudy Giuliani avait dit imprudemment : « Celui qui gagnera la Floride, gagnera l’investiture ! ». Manifestement, cela ne sera pas lui. Son score médiocre ne lui laisse d’autre choix que de se retirer de la compétition. Cela fait de John McCain un double vainqueur de la soirée, car l’ex-maire de New York va lui laisser le champ libre, et vraisemblablement lui apporter son soutien.

La course à l’investiture républicaine se trouve donc maintenant réduite, comme celle des démocrates, à un face-à-face entre deux candidats viables. Contre Mitt Romney, John McCain apparaît en position de force, et devrait s’imposer plus rapidement que l’avaient prévu les analyses politiques de ces dernières semaines. Elles présageaient une longue bataille entre quatre prétendants, John McCain, Mitt Romney, Rudy Giuliani et Mike Huckabee. Ce dernier devrait toutefois rester dans la course jusqu’à mardi prochain. Après avoir remporté les caucus de l’Iowa, il s’est maintenu dans des scores d’autant plus honorables que sa campagne est partie de rien, et a continué sans moyens financiers. Il n’a aucune chance de remporter l’investiture, mais cette aventure lui aura donné une stature politique.

La débâcle de Rudy Giuliani. 

Pour Rudy Giuliani, cela a été au contraire une débâcle, qui a commencé par une erreur de stratégie. Il a décidé d’esquiver les 5 premières étapes de la sélection, pour se concentrer sur la Floride, où il comptait faire une entrée en force, pour rebondir sur le Super Tuesday, la journée ou les républicains choisiront leurs candidats dans 21 Etats en même temps. Cela a été un mauvais calcul, car pendant qu’il faisait campagne en Floride, l’attention des médias était concentrée sur les autres Etats où ses concurrents occupaient le terrain.

Rudy Giuliani a particulièrement souffert de la résurrection de la candidature de John McCain, qui a siphonné son réservoir de voix. Le retournement de situation entre ces deux candidats est remarquable : il y a quelques mois, Rudy Giuliani apparaissait  comme le grand favori du côté des républicains, alors que la candidature de John McCain était donnée pour morte.

Mais la défaite de l’ancien maire de New York tient aussi à des éléments qui lui sont propres. Ses positions centristes sur des problèmes de société comme l’avortement, lui ont aliéné l’électorat conservateur. Sa vie privée tumultueuse a également joué contre lui, d’autant qu’il est apparu qu’il avait un peu légèrement utilisé les services de sécurité de la mairie de New York pour  faciliter ses rencontres avec la femme qu’il a depuis lors épousée en troisièmes noces. L’un de ses proches collaborateurs a été mêlé à une affaire de pots de vins. Tout cela a fait désordre, et les électeurs républicains l’ont d’autant moins laissé passer, que Rudy Giuliani n’a été brillant ni dans les débats, ni dans la campagne.

L’élection de Floride était un exercice d’autant plus difficile à gérer qu’elle est ce que l’on appelle une primaire « fermée », c'est-à-dire où seuls les électeurs affiliés au parti républicain ont le droit de voter. Cette situation donne généralement une prime aux candidats les plus conservateurs, et elle a joué à l’avantage de Mitt Romney.

Pas assez cependant pour lui assurer une victoire dont il avait besoin pour assurer sa candidature. Lui aussi a investi beaucoup en Floride, où il a dépensé en publicité électorale plus que tous les autres candidats républicains réunis. Grâce à son immense fortune personnelle, Mitt Romney pourra se maintenir dans la course aussi longtemps qu’il le jugera nécessaire. Cela peut faire traîner les choses en longueur si, comme il est prévisible, John McCain se détache.

La victoire fantôme d’Hillary Clinton.

Hillary Clinton a elle aussi déclaré victoire, après avoir battu largement Barack Obama. Le problème est que cette élection n’en est pas vraiment une, puisque le parti démocrate a dépouillé l’état de tous ses délégués à la convention, pour le punir d’avoir bouleversé le calendrier en avançant la date de ses primaires. Cela n’a pas découragé plus d’un million et demi de démocrates d’aller voter.

Hillary Clinton leur a promis de « faire entendre leurs voix », c'est-à-dire de faire réintégrer leurs délégués. Cela aurait une certaine logique, dans la mesure où la Floride est le quatrième Etat le plus peuplé du pays et compte plus de quatre millions d’électeurs démocrates. Si Hillary Clinton et Barack Obama ont du mal à se départager, les délégués fantômes de Floride pourraient être mis dans la balance !

En attendant, il est difficile de tirer des conclusions de cette élection, dans la mesure où aucun des candidats n’a fait campagne. Cela a joué à l’avantage d’Hillary Clinton, qui n’a pas besoin de se faire connaître. Barack Obama gagne des points lorsqu’il est en contact direct avec les électeurs. Dans l’élection fleuve qui aura lieu mardi prochain, les candidats n’auront fait campagne que sur une portion limitée de la vingtaine d’Etats en compétition. A cet égard, la Floride peut indiquer une tendance pour les démocrates. En tout cas, Hillary Clinton a jugé qu’une victoire, même psychologique, était toujours bonne à célébrer.