Chronique Médias
Oui, la grande question était de savoir si la réorganisation de l’audiovisuel extérieur de la France entraînerait un bouleversement par rapport au modèle chiraquien des années antérieures. Eh bien il est au moins un point sur lequel il n’y a pas rupture, c’est sur le choix des hommes.
Alain de Pouzilhac, l’ancien président d’Havas qui avait été débarqué de son groupe au terme d’un duel épique avec Vincent Bolloré, sera donc le patron de la nouvelle holding France Monde qui va regrouper, vous le savez, RFI, TV5 et France 24. Ce publicitaire-né avait été nommé président de ce qu’on appelait avant décembre 2006 la CNN à la française grâce à son ami Bernard Brochant, un ancien publicitaire lui aussi, proche de Jacques Chirac, qui avait tracé les contours de la future France 24.
En nommant Alain de Pouzilhac à la présidence de France Monde, Nicolas Sarkozy a fait le choix non pas d’un grand commis de l’Etat mais d’un commis voyageur, une sorte de VRP de luxe de l’image de la France. Le choix de sa directrice générale, Christine Ockrent, a immédiatement provoqué la polémique au niveau des syndicats ainsi que de la Fédération européenne des journalistes, non pas bien sûr en raison de qualités professionnelles qui lui seraient niées, non pas à cause d’un machisme tranquille qui ferait que l’on ne voit dans une grande signature qu’une femme de… mais tout simplement pour une raison de bon sens.
En prenant la direction générale de la future fabrique de l’information commune à TV5, France 24 et RFI, la « reine Christine » sera amenée à gérer des conflits d’intérêt de façon permanente. Inciterait-elle par exemple à enquêter sur la disparition des trois opposants au régime du président tchadien Idriss Déby ou sur le rôle des forces françaises dans la reprise en mains du pouvoir tchadien alors même que telle ou telle information peut gêner l’action de son compagnon Bernard Koucher, ministre des Affaires étrangères ?
Le plus étonnant, c’est d’ailleurs, si l’on en croit le site du Point, que l’idée de nommer Christine Ockrent à la direction générale de France Monde soit venue du ministre Kouchner lui-même. Une telle information, si elle se confirme, ne manquera pas de rendre la tâche d’Alain de Pouzilhac encore plus compliquée lorsqu’il se rendra auprès des partenaires suisses, belges ou canadiens de TV5. Ces derniers fustigeaient déjà l’arrogance de la France dans son projet audiovisuel extérieur, lequel n’offre pas selon eux toutes les garanties d’indépendance. Ils pourraient aussi suggérer demain à Bernard Kouchner de démissionner pour ne pas gêner la carrière de sa compagne.
par Amaury de Rochegonde
[23/02/2008]
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