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Chronique Médias

La protection des sources des journalistes

Amaury de Rochegonde
Amaury de Rochegonde

Nicolas Sarkozy l’avait promis : Rachida Dati l’a fait. Depuis plusieurs années, la profession journalistique réclame une loi pour voir graver, dans le marbre, la fameuse protection des sources qui permet aux journalistes de recueillir en toute quiétude des informations sur les milieux du banditisme, du terrorisme corse ou tout simplement des instances du cyclisme quand une affaire de dopage éclabousse le Tour de France.

Ce droit est reconnu par le Code de procédure pénale, qui précise que tout journaliste est libre de ne pas révéler l’origine d’une information, et pourtant la France est parfois sanctionnée à cause des pressions qui s’exercent parfois sur des journalistes. Perquisitions, garde à vue, chantage… Tous les moyens sont parfois bons aux yeux de juges anti-terroristes ou d’officiers de police pour remonter à la source d’une information. Et il est vrai que quand la vie des personnes est en jeu, aucun journaliste digne de ce nom n’est susceptible de masquer un élément qui permettrait d’empêcher une catastrophe. Cela, les syndicats de journalistes l’admettent bien volontiers, et pourtant ils ne se retrouvent pas dans le projet de loi Dati sur la protection des sources. Car la ministre a rejeté le simple principe préventif d’une dérogation au secret destiné à empêcher un crime ou un délit constituant une menace grave pour l’intégrité physique. Elle a refusé cette limitation restrictive et préféré une formulation beaucoup plus large selon laquelle le secret peut être levé « lorsqu’un intérêt impérieux l’impose » puis, après amendement, « lorsqu’à titre exceptionnel un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie ».

Pour les syndicats de journalistes, voilà une disposition beaucoup trop imprécise et qui est la porte ouverte à tous les abus. L’intérêt public ne peut-il pas être évoqué dans les affaires de blanchiment d’argent, de trafic de drogue, de cigarettes, voire quand les amis de José Bové fauchent un champ d’OGM ? Tout sera alors totalement dépendant de l’interprétation que fera du texte le magistrat instructeur. Certes, Rachida Dati a beau jeu de répéter après Nicolas Sarkozy que les journalistes ne sont ni au-dessous, ni au-dessus des lois et qu’il faut faire confiance à la justice. Seulement, les journalistes, eux, sont bien placés pour savoir qu’une information tient à l’assurance d’une couverture étanche. Ils regrettent donc que ce projet de loi n’atteigne pas son objectif, dans un climat tendu entre la presse et le pouvoir, après des déclarations acerbes du chef de l’Etat sur l’AFP et certains journaux.


par Amaury  de Rochegonde

[17/05/2008]