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Syrie / France

A Damas, Nicolas Sarkozy confirme le dégel des relations franco-syriennes

par Frédérique Misslin

Article publié le 02/09/2008 Dernière mise à jour le 03/09/2008 à 06:05 TU

Le président syrien Bachar el-Assad a été accueilli par le président français Nicolas Sarkozy avec les honneurs au palais de l'Elysée, le 12 juillet 2008.(Photo : Reuters)

Le président syrien Bachar el-Assad a été accueilli par le président français Nicolas Sarkozy avec les honneurs au palais de l'Elysée, le 12 juillet 2008.
(Photo : Reuters)

La France a choisi de tenter le dialogue avec Damas mais uniquement si cela produit des résultats. Conséquence : les relations franco-syriennes ont été marquées par des hauts et des bas ces derniers mois. C’est dans un contexte d’embellie que s’inscrit la visite en Syrie de Nicolas Sarkozy les 3 et 4 septembre 2008. Le président français, qui est aussi président en exercice de l’Union européenne, profitera de son escale damascène pour participer à un sommet quadripartite consacré aux négociations indirectes syro-israéliennes.

Paris renoue avec Damas : la patience des Syriens a payé, l’ostracisme est rompu. La visite à Damas, pour deux jours de Nicolas Sarkozy est essentiellement symbolique et très politique : c’est la première d’un chef d’Etat français depuis 2002.

Outre un entretien mercredi avec son homologue syrien, suivi d’un dîner de travail, Nicolas Sarkozy inaugurera le 4 septembre le lycée français Charles de Gaulle à Damas. En tant que président en exercice de l’Union européenne il participera jeudi à un sommet quadripartite réunissant la Syrie, la France, la Turquie et le Qatar. Cette rencontre au plus haut niveau sera l’occasion d’évoquer « les sujets régionaux » et notamment les négociations de paix indirectes entre Syriens et Israéliens sous l’égide d’Ankara. Désormais Paris privilégie le dialogue avec Damas après des années de brouille et des mois de diplomatie en zigzag.

Bachar el Assad est-il à nouveau fréquentable ?

L’ère Chirac avait été marquée par le désamour entre les deux pays, l’arrivée à l’Elysée de Nicolas Sarkozy a changé la donne vis-à-vis de Damas, le président français joue la carte du pragmatisme. Jacques Chirac était un ami personnel de Rafic Hariri, l’assassinat de l’ex-Premier ministre libanais en 2005 avait renvoyé les relations franco-syriennes à la période glaciaire. L’ancien chef de l’Etat affirmait en 2006 que le régime syrien était « difficilement compatible avec la sécurité et la paix ». Changement de ton après la présidentielle française, l’année dernière : Nicolas Sarkozy envoie à Damas deux émissaires, ses plus proches conseillers. Mais fin décembre 2007, devant le blocage de la crise politique libanaise, Nicolas Sarkozy se laisse aller à un mouvement d’humeur et exprime son mécontentement : pour lui la Syrie fait clairement obstruction à l’élection d’un président au Liban. Tour à tour courtisée, stigmatisée, la Syrie effectue finalement son grand retour sur la scène diplomatique le 13 juillet dernier, à l’occasion du sommet fondateur de l’Union pour la Méditerranée, à Paris. C’est l’élection de Michel Sleimane à la tête de l’état libanais qui a ouvert la voie de la normalisation et Bachar el Assad est invité à rester en France, à l’issue de l’UPM, à l’occasion de la fête nationale et sur fond de polémique.

Droits de l’homme et realpolitik

Les droits de l’homme ne sont en effet pas la priorité de Bachar el-Assad et le sujet pourrait être abordé au cours des entretiens que le président syrien aura avec son homologue français. Human Rights Watch souligne que « la visite de Nicolas Sarkozy intervient dans une période de répression accrue en Syrie ». L’organisation de défense des droits de l’homme demande au président français de plaider pour la libération « de militants détenus uniquement pour avoir exercé leur doit d’expression et d’association ».

Le 27 aout dernier le chef de l’Etat français précisait que son voyage en Syrie prolongera « un dialogue nécessaire », Nicolas Sarkozy se refuse à poursuivre « l’isolement » de Damas. La reprise des négociations indirectes syro-israéliennes, après un gel de huit ans, a également pesé dans la balance.

Un sommet quadripartite

Cette normalisation des relations franco-syriennes entérine également la volonté française de s’imposer sur la scène proche-orientale largement dominée jusqu’à présent par les Américains. Selon le président français, la reprise du dialogue entre Paris et Damas pourrait permettre « la décision de la Syrie de voir, le moment venu la France coparrainer avec les Etats-Unis la négociation directe syro-israélienne ». Pour l’instant, c’est la Turquie qui joue les intermédiaires dans ces pourparlers. Une rencontre au plus haut sommet entre Nicolas Sarkozy, président en exercice de l’Union européenne, Bachar el-Assad, président en exercice du Conseil de la ligue arabe, Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre turc, et l’émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, aura lieu jeudi à Damas à l’initiative des Syriens. Les dossiers régionaux y seront abordés.  

La Syrie n’a rien cédé 

Pourtant Paris n’est pas dupe. Si Bachar el-Assad affiche quelques signes de bonne volonté, il semble surtout jouer la montre en attendant notamment le résultat de l’élection présidentielle américaine en novembre prochain. Paris espérait un rapide échange d’ambassadeurs entre Beyrouth et Damas, cette promesse syrienne a été repoussée à fin 2008. Conclusion : la reprise des contacts ne peut se faire que progressivement, soulignent les diplomates français. C’est sans doute pour cette raison que le président français ne sera pas accompagné comme il en a l’habitude lors de ses déplacements à l’étranger par une grande délégation politique et économique. Deux chefs d’entreprises seulement seront du voyage et seul le ministre français des Affaires étrangères sera dans l’avion présidentiel. La France et la Syrie en sont encore à jeter les bases de leurs nouvelles relations. Il est peu probable que des contrats économiques ou des accords de coopération soient signés.

Avant de s’investir plus avant, Paris attend notamment de voir comment se dérouleront les élections législatives libanaises en 2009 car, pour l’instant, s’agissant de la délimitation des frontières libano-syriennes, les Français n’ont rien obtenu. A quoi peut donc bien mener cette reprise du dialogue ? La nouvelle posture française à, en partie, débloquer la crise libanaise devrait permettre de faire passer des messages à l’Iran. Damas de son côté semble vouloir se rapprocher de Washington via Paris. Les Etats-Unis ont inscrit la Syrie sur la liste des pays qui soutiennent le terrorisme et demandent à Damas de changer d’attitude. Dans la capitale syrienne, la visite du président français est donc perçue comme une victoire, puisque le régime de Bachar el-Assad n’a jamais fléchit : ni sur son soutien au Hezbollah, ni sur son alliance stratégique avec Téhéran. Avec ces deux cartes majeures, la Syrie reste en position de force : elle place ses pions avant l’élection présidentielle américaine prévue en novembre prochain et semble prête à négocier. Bachar el-Assad affirmait en juillet dernier lors de son passage en France : « Si l’on veut vraiment la paix dans la région, on ne peut pas m’isoler, je suis une partie de la solution globale ».

Walid Joumblatt

Chef de la communauté druze et et l’un des principaux ténors de la majorité anti-syrienne

Il faut l'appui des grandes puissances, la France, l'Amérique, pour que le Liban recouvre lentement mais sûrement son indépendance et adopte en même temps une politique de neutralité positive.

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03/09/2008 par Benchelah Mehdi