par Myriam Berber
Article publié le 02/10/2008 Dernière mise à jour le 02/10/2008 à 17:28 TU
La crise financière a été évoquée lors d’une rencontre jeudi 2 octobre 2008 à Paris entre le Premier ministre néerlandais Jan Peter Balkenende et le président français Nicolas Sarkozy qui occupe actuellement la présidence de l’Union européenne.
(Photo : Reuters)
Le Sénat américain a finalement adopté, dans la nuit de mercredi à jeudi, le plan de sauvetage de l’économie d’Henry Paulson par 74 voix contre 25. Pour inciter les opposants républicains et démocrates à changer d’avis, le projet de loi a été légèrement révisé par rapport au texte rejeté lundi par la Chambre des représentants. Le secrétaire américain au Trésor Henry Paulson s’est réjoui du « vote pluraliste » du Sénat et appelé « la Chambre à agir rapidement pour adopter ce projet de loi ». Les députés américains doivent se prononcer vendredi pour ou contre cette nouvelle version. Le projet baptisé « Loi sur la stabilisation économique d’urgence de 2008 » donne des moyens sans précédent au secrétaire au Trésor Henry Paulson pour venir en aide au secteur bancaire.
Le texte adopté par le Sénat reprend les mesures du projet de loi initial : une dotation de 700 milliards de dollars pour les crédits « toxiques » à l'origine de la crise des crédits hypothécaires à risques (« subprimes ») et la mise en place d’un mécanisme rigoureux de contrôle du Trésor qui gérera les créances douteuses rachetées aux banques. De nouvelles mesures ont été ajoutées au projet de loi initial. Parmi celles-ci, une augmentation de la garantie de l’Etat sur les dépôts bancaires. Le plafond garanti est ainsi porté de 100 000 à 250 000 dollars par déposant. Une disposition instituant des crédits d’impôts à la classe moyenne et aux entreprises a également été introduite. En revanche, aucune mesure en faveur des propriétaires touchés par la crise ne figure dans le texte voté par les sénateurs. Sur ce point précis, le prix Nobel d'économie 2001 a comparé, ce jeudi, le plan Paulson à « une transfusion sanguine massive à une personne souffrant d'une grave hémorragie interne ». Pour l’Américain Joseph Stiglitz, « il faut trouver un moyen pour que les gens puissent rester dans leurs maisons ».
Nicolas Sarkozy dément « le montant et le principe » d'un fondsL’Europe va-t-elle, à son tour, mettre en place un plan similaire pour sauver son système bancaire ? L’idée même divise les pays membres de l’Union européenne. Ce sujet sera abordé samedi à Paris lors d’une réunion convoquée par le président Nicolas Sarkozy, à laquelle devraient participer les dirigeants des quatre pays européens du G8 (Royaume-Uni, Allemagne, Italie, France) ainsi que le président de la Commission européenne Jose-Manuel Barroso, le président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker et le président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet.
A quelques jours de cette réunion, les Européens ont laissé éclater au grand jour leurs divergences sur la façon de venir au secours des banques en difficulté. Le débat porte sur l’opportunité de créer en Europe un fonds sur le modèle du plan Paulson. Entre mercredi soir et jeudi, la France a réfuté plusieurs fois avoir avancé une telle proposition. Le président Nicolas Sarkozy lui-même a démenti ce jeudi « le montant et le principe » d'un fonds de sauvetage, alors qu'une source gouvernementale européenne avait indiqué, mercredi soir, que Paris soutenait une telle initiative, avec une dotation de 300 milliards d'euros. Selon le quotidien économique allemand Handelsblatt, la ministre française de l’Economie Christine Lagarde a bel et bien évoqué, dans une interview, la mise en place d’un tel fonds.
L’idée a été fermement rejetée par l’Allemagne. « Il faut rétablir la sécurité et la confiance sur les marchés financiers, mais cela ne doit pas passer par un fonds européen centralisé, car l'Union européenne est fondée sur la subsidiarité », indique l'entourage de la chancelière Angela Merkel. Le président de la BCE a également rejeté l’idée d’un plan sur le modèle américain. « Un plan similaire à celui décidé par le gouvernement américain ne correspond pas à la structure politique de l'Europe », a déclaré jeudi Jean-Claude Trichet, soulignant notamment que l'Union européenne n'avait pas de « budget fédéral ».
« Ce qu'il faut éviter, ce sont les prises de position purement nationales »
Même constat pour le président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker qui estime qu’un tel fonds n’est « pas nécessaire en Europe » où le secteur financier est « plus stable ». Il a appelé, ce jeudi, les Vingt-Sept à « mettre en place une stratégie de défense plus systématique » face aux risques de défaillances bancaires. Pour le président de la Commission européenne, il n’est pas question non plus de recourir à un plan de sauvetage comme aux Etats-Unis. Jose-Manuel Barroso a indiqué vouloir travailler à « la création d’un système commun pour garantir les dépôts bancaires des particuliers ». A l’issue d’une rencontre, ce jeudi, avec le président Nicolas Sarkozy, le Premier ministre néerlandais a proposé la création de fonds nationaux de sauvetage bancaire : « chaque pays pourrait investir 3 % de son produit intérieur brut (PIB) dans chaque fonds ». « Mais ce qu'il faut éviter, ce sont les prises de position purement nationales. C'est ce qui menace à l'heure actuelle. Il faut rompre cette logique et nous coordonner ensemble », a insisté Jan Peter Balkenende. Une référence directe à l'Irlande qui a annoncé qu'elle accordait une garantie illimitée sur les dépôts des épargnants des six principales banques du pays.
Cette question du fonds n’est pas le seul point de divergence entre Européens. En cette période de crise, la France pourrait aussi plaider, lors de la réunion de samedi, pour un assouplissement des règles européennes sur le déficit budgétaire. Des règles auxquelles les Allemands sont très attachés. « Ce sont des règles de temps ordinaires, pas des règles de crise », a déclaré jeudi Henri Guaino, l'un des plus proches conseillers du président Sarkozy.
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Responsable de l'Ifri, l'institut français des relations internationales à Bruxelles
« Ce qu’il faut faire surtout c’est un plan européen (…) procéder à un plan de sauvetage précis par rapport à certaines banques menacées parce qu’elles sont plus exposées, en France, ça pourrait être Natixis par exemple, définir plus clairement les cibles tout en mettant en œuvre une stratégie européenne de refonte de ce système bancaire pour le protéger à long terme des risques transatlantiques de ce genre ».
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« Ce plan, c'est une transfusion sanguine pour soigner une hémorragie. »
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