Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Salon du livre

Carlos Fuentes, romancier de la ville et du temps

par Tirthankar Chanda

Article publié le 13/03/2009 Dernière mise à jour le 16/03/2009 à 08:33 TU

Monstre sacré de la littérature mondiale, le romancier et intellectuel Carlos Fuentes est tout naturellement la principale star de la délégation d’écrivains mexicains invités au Salon du livre de Paris, cette année. Ses admirateurs se l’arrachent. Il fait salle comble à chacune de ses apparitions publiques. La veille de l’ouverture du Salon, le grand auditorium de la Bibliothèque François Mitterrand était pris d’assaut lorsque l’écrivain y a prononcé une conférence sur la littérature latino-américaine.

« Je ne suis pas un monument puisque je me déplace », a-t-il déclaré d’emblée, entrant en scène d’un pas alerte. Difficile de croire que l’homme a 80 ans, tant la voix est assurée et les propos ancrés dans le présent. « Les thèses de Samuel Huntington sont un peu simplettes... », « La littérature latino-américaine contemporaine se caractérise par sa grande diversité... », etc.

Carlos Fuentes© Gallimard

Carlos Fuentes
© Gallimard

La conférence a duré une petite heure. Ce fut un exposé un peu désincarné, mais jalonnée de fulgurances sur le réalisme magique, le métissage des cultures, l’imagination et le souvenir comme les deux piliers de la narration romanesque. Ce sont des thèmes que l’illustre conférencier a souvent développés à travers ses écrits théoriques sur le roman et la littérature en général. En effet, Carlos Fuentes n’est pas seulement romancier. Il est l’auteur d’une oeuvre protéïforme, composée de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre, d’ouvrages de réflexion sur la littérature et de milliers d’articles parus dans des journaux et les revues du monde entier.

La carrière littéraire de Fuentes débute véritablement dans les années 1950 lorsque celui-ci vient s’installer au Mexique, au terme d'études brillantes. Au terme surtout d’une enfance et d’une adolescence itinérantes qui l’ont conduit à travers l’Europe et l’Amérique. Fils de diplomate mexicain, il est né en 1928 à Panama (capitale du Panama) et a grandi entre Quito (Equateur), Montévidéo (Uruguay), Rio de Janeiro (Brésil), Washington (Etats-Unis), Santiago du Chili (Chili) et Buenos Aires (Argentine), villes où son père a tour à tour été affecté.

Polyglotte par son éducation, c’est au Chili et en Argentine qu’il est tombé amoureux de la langue espagnole, en lisant la poésie militante de Neruda : « J’ai compris que si je voulais devenir écrivain, a-t-il expliqué dans un entretien accordé au Monde de l’éducation, je devais choisir entre l’anglais et l’espagnol. Or, je rêvais en espagnol. Dans mes bagarres d’enfant, aux Etats-Unis, les insultes en anglais me laissaient indifférent, tandis que celles en espagnol me frappaient au coeur et aux tripes. Puis, j’ai trouvé qu’il était plus facile de charmer les filles en espagnol... Et puis, à 15 ans, j’ai découvert Borges, et je me suis rendu compte qu’en anglais presque tout était dit, tandis qu’en espagnol il y avait tout à dire. Ce sera donc ma langue, et notamment ma langue d’écriture ».   

La lecture de Cervantès, à son retour au Mexique, le confirmera dans son choix. « Don Quichotte est le livre qui m’a le plus influencé : je le relis tous les ans et toujours comme si c’était la première fois », aime-t-il répéter. Ce qui l’intéresse dans le récit des aventures picaresques de l’homme de la Mancha, c’est sa critique subtile de la langue impériale que les « Conquistadores » avaient imposée dans le Nouveau Monde. Selon Fuentes, la littérature latino-américaine s’inscrit dans cette logique de la pulvérisation du langage élitiste de l’âge d’or, en y introduisant le peuple, le rêve, le mensonge, la diversité, le foisonnement. C’est dans l’espagnol « pourri » du métèque que lui-même a bâti son oeuvre romanesque, faisant de celle-ci le témoignage vibrant de la victoire subreptice des vaincus sur les vainqueurs : « Ce sont les Indiens vaincus qui sont devenus les vrais vainqueurs - notamment au Mexique et au Pérou, a-t-il écrit. Les Indiens ont survécu dans la nuit, dans le noir, dans les souterrains. »

Les thèmes du métissage et de la métamorphose constituent la trame narrative de l’oeuvre de Fuentes, dès son premier roman La plus limpide région, paru en 1958. Ce livre marque un tournant dans la littérature mexicaine car il rompt avec la sensibilité rurale et l’optimisme enthousiaste des « romanciers de la Révolution ». Récit du désenchantement, il inaugure le cycle de la ville et de son chaos. Sa principale protagoniste est Mexico, ville gigantesque qui n’avait pas encore eu sa traduction littéraire. Le roman explore sa réalité tentaculaire, entre dans la vie de ses hommes et femmes pour raconter l’échec des idéaux révolutionnaires et l’emprise de la corruption et du cynisme. Mexico devient pour Fuentes ce que Paris fut pour Balzac, Buenos Aires pour Borges, Manhattan pour Dos Passos. C’est son « territoire » à lui, auquel Fuentes a érigé de livre en livre un monument émouvant, faits de mots et de fantasmes dignes de sa démesure urbanistique.

© Gallimard

© Gallimard

Auteur aujourd’hui d’une vingtaine de romans, dont les plus connus sont La Mort d’Artemio Cruz (1962), Terra nostra (1975), Christophe et son oeuf (1987), le Mexicain est considéré comme l’un des grands maîtres de la fiction latino-américaine, au même titre que le Colombien Gabriel Garcia Marquez ou l’Argentin Julio Cortazar. Il poursuit sa grande fresque de la société mexicaine dans son dernier ouvrage paru en français Le bonheur des familles (Gallimard, 2009) qui est un recueil de seize nouvelles réunies par le thème commun de la violence. Cette violence, Carlos Fuentes l’a cotoyée de près, lorsque sa fille a perdu la vie dans un quartier pauvre de la capitale mexicaine en 2005. 

Lauréat de nombreux prix littéraires, dont le prestigieux Prix Cervantès pour l’ensemble de son oeuvre, le romancier figure dans la liste des écrivains nobélisables. Son nom est régulièrement cité. Fuentes, lui, a déclaré « ne pas pense[r] au prix Nobel ». Il se contente d’écrire des romans qui se veulent à la fois mexicains et universels, comme le suggère le titre générique de L’Age du Temps qui les rassemble.

portrait

Théâtre

(Photo : Cosimo Mirco Magliocca)

Catherine Hiegel : «J’apprivoise les planches»

La comédienne monte L’Avare à la Comédie-Française. Des retrouvailles avec Molière, un auteur qu’elle a joué et mis en scène à maintes reprises en quarante ans de maison. Doyen du Français, Catherine Hiegel se définit avant tout comme « une travailleuse acharnée ». Voire obstinée.

14/10/2009 à 08:41 TU

Rentrée littéraire

Marie NDiaye(Photo : C. Hélie/ Gallimard)

Marie Ndiaye, une écrivaine atypique

Quotidiens, magazines, critiques... Tous font du nouveau roman de la Française l'un des événements de la rentrée 2009. Trois femmes puissantes (Gallimard) est le titre de ce nouveau récit qui entrecroise trois destins de femmes entre l'Afrique et l'Europe. Rencontre avec une auteure à part.   

31/08/2009 à 08:38 TU

Cinéma

© Studio Canal

Sandrine Bonnaire, sans fard et sans reproches

Elle illumine ce début de mois d’août où on la retrouve à l’affiche de Joueuse, le premier long-métrage de Caroline Bottaro. Elle c’est Sandrine Bonnaire, la talentueuse actrice française révélé dans A nos amours de Maurice Pialat. Rencontre.

14/08/2009 à 13:22 TU

Photographie

Ferdinando Scianna.(Photo : E. Scianna)

Ferdinando Scianna : hommage à ses compagnons de voyage

Le photographe italien occupe le premier étage de la Maison européenne de la photographie, à Paris, où est présentée une rétrospective de son œuvre intitulée La géométrie et la passion. La première jamais montée en France. Quand l’image se fait histoire, rencontre avec un conteur aux accents siciliens.

31/07/2009 à 13:48 TU

Rencontres d'Arles

Robert Delpire© Sarah Moon

Robert Delpire, passeur d’images

Editeur, organisateur d’expositions, Robert Delpire est à l’honneur des 40e Rencontres photographiques d’Arles (7 juillet-30 septembre). A 83 ans, il est l’une des personnalités incontournables de l’histoire de la photographie. Retour sur soixante ans d’un album photos riche en découvertes.

13/07/2009 à 07:15 TU

Littérature

© Grasset

Michel Le Bris, l’homme aux semelles de vent

Du 30 mai au 1er juin, le festival Etonnants Voyageurs fête ses vingt ans d’existence. L’occasion de pousser sur le devant de la scène, son président et fondateur, Michel Le Bris, 65 ans, qui publie par ailleurs une autobiographie, Nous ne sommes pas d’ici. Aux éditions Grasset.

29/05/2009 à 13:17 TU

Littérature

(Photo : J. Sassier/ Gallimard)

Chamoiseau ou portrait de l’artiste en militant de la créolisation

L'écrivain martiniquais publie un nouveau roman, Les neuf consciences du Malfini. Si l'ancien Prix Goncourt - c'était en 1992 pour Texaco - poursuit son oeuvre littéraire, il n'en reste pas moins un ardent militant de la cause créole. Retour sur un parcours entre poétique et politique.  

11/05/2009 à 14:49 TU

Photographie

Marc Riboud© Martin Argyroglo

Marc Riboud : «Je n’ai pas arrêté de faire des photos»

Qu’on se le dise : Marc Riboud, 85 ans, est toujours aussi curieux. Cinquante ans à sillonner les routes du monde entier n’ont pas entamé son envie de photographier… et encore moins de parler. Le micro allumé, les anecdotes foisonnent.

01/04/2009 à 15:36 TU

Cinéma

Miou-Miou(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

Miou-Miou : la vie devant soi

L’actrice française est à l’affiche d’un premier film, Pour un fils, sur les écrans à partir de ce 4 mars. Quarante ans après ses débuts sur les planches du Café de la Gare, Miou-Miou ne cultive pas la nostalgie. A 59 ans, elle préfère parler de ses projets plutôt que d’égrener ses souvenirs.  

13/03/2009 à 08:53 TU