par Elisabeth Bouvet
Article publié le 22/07/2009 Dernière mise à jour le 31/07/2009 à 13:48 TU
Un étage, deux salles, c’est bien le minimum pour découvrir l’étendue du travail de Ferdinando Scianna, membre de l’agence Magnum aussi prolixe que prolifique. De ses premières images prises dans les années 1960 dans sa Sicile natale à son expérience de photographe de mode en passant par ses divers reportages qui l’on amené à sillonner la planète d’Est en Ouest et du Nord au Sud… Ce sont quelque 120 photographies toutes en noir et blanc que la MEP nous invite à découvrir, pour la plupart d’entre elles. Et avec la complicité de Ferdinando Scianna lui-même qui a enregistré un texte pour accompagner cette déambulation entre images et littérature, les deux passions de ce sexagénaire à l’énergie débordante. Rencontre.
Physique volcanique, voix magnétique, rire fort. Ferdinando Scianna est à l’image de son île natale, la Sicile où il est né à la photographie et à la littérature, l’une n’allant jamais sans l’autre, presque fortuitement. Et quasi par rejet d’un monde qui, raconte-t-il dans un français parfait, « vivait dans l’immobilité. La Sicile a fait au cours de ces cinquante dernières années un bond bien plus important qu’en deux millénaires ».
Né en 1943 à Bagheria, il garde pourtant un souvenir ébloui de son enfance « solaire et libre ». Mais c’est un appareil photographique, offert par son père au retour d’un voyage, qui va lui ouvrir les portes. « Pourquoi fait-on des photos quand on est un adolescent ? Pour se faire des copines, se souvient-t-il, séduire, faire quelque chose qui plait aux autres, entrer en relation, j’ai aussitôt annoncé à mon père que j’allais être photographe ». Ce qui a bien failli terrasser le géniteur « horrifié à l’idée que je veuille faire ‘ce qui tue les vivants et ressuscite les morts’, m’a-t-il dit assez justement, lui qui n’avait pourtant pas fait d’études. Et c’est comme cela, à partir d’une histoire paradoxale, que je me suis retrouvé à chercher un métier comme une fuite ».
Une fuite impossible ? Force est d’observer qu’il y est souvent retourné, en Sicile, y compris pour des photographies de mode commandées en l’occurrence par Dolce & Gabanna encore inconnus à l’époque, en 1987, et « qui cherchaient un photographe qui ne connaisse rien à la mode mais qui soit Sicilien ». Ce sont ces fameuses images où l’on voit le mannequin Marpessa saisie non pas dans un décor idyllique et vaguement incertain mais dans les rues des villages de son enfance ou l’art de se servir de la mode pour faire du documentaire à l’instar de cette image archi-connue sur laquelle la longiligne Marpessa s’est glissée au milieu d’un quatuor de vieilles dames toutes de noir vêtues, lunettes épaisses sur le nez et fichu noir sur la tête, en train de prendre le soleil contre le mur lépreux d’une maison. Affectueuses et ironiques, sombres et lumineuses… Les images siciliennes de Ferdinando Scianna disent bien cet attachement-détachement qui caractérise sa relation à cette île excessive.
Ce sont d’ailleurs des clichés de fêtes traditionnelles siciliennes à partir desquelles, vingt ans plus tôt, il pensait écrire une thèse d’anthropologie, qui le feront connaître et lui permettront, pour de bon cette fois, de partir. Grâce notamment à l’écrivain Leonardo Sciascia (1921-1989) qui, après avoir vu ses premiers travaux, lui laisse une lettre encourageant leur auteur à le contacter. Ce sera un vrai « coup de foudre » : « J’ai toujours été l’élève de gens extraordinaires qui ont infléchi ma vie ». Avec Sciascia, il publie, en 1964, Feste religiose in Sicilia, (« Les fêtes religieuses en Sicile »), dont l’esthétique emprunte au néo-réalisme italien et qui lui vaudront une mention au Prix Nadar, deux ans plus tard. « Ce livre a été mon passeport pour la vie », reconnait-il aujourd’hui.
Mais cette rencontre alors qu’il n’a que 21 ans avec l’auteur du Jour de la chouette l’a définitivement convaincu du rapport beaucoup plus étroit entre la photographie et la littérature qu’entre la photographie et la peinture : « En libérant la peinture du rôle de témoin, les photographes sont devenus des lecteurs du monde », défend-t-il. D’où « ces balivernes sur son rapport à la photo » qu’il a enregistrées et qui accompagnent, sous forme d’audio-guide, le visiteur à la manière de « messages dans une bouteille ». Joindre la parole à l’image, sans doute aussi parce que, observe-t-il, « la photographie, c’est un dépôt d’expériences, de temps, de vie, or c’est difficile de communiquer tout ça dans une exposition ».
Depuis 1964, il n’a donc jamais cessé de publier, accolant volontiers son nom à celui d’un écrivain. Ainsi de Sciascia qu’il retrouve régulièrement mais aussi de Jorge Luis Borges comme ce fut le cas en 1999, Milan Kundera ou encore d’André Pieyre de Mandiargues avec lequel il signe en 1984 un ouvrage sur Henri Cartier-Bresson. « Les livres d’Henri Cartier-Bresson sont conçus comme des recueils de poèmes », fait-il remarquer.
Que les hasards d’une programmation réunissent le temps d’une saison les deux hommes sous un même toit relève d’ailleurs de cet instant magique si cher à l’un comme à l’autre. De Cartier-Bresson - l’autre grande figure marquante de sa carrière puisque c’est le Français qui le fera entrer en 1982 à l’agence Magnum dont il deviendra membre à part entière sept ans plus tard -, Ferdinando Scianna a retenu, entre autres, que « le photographe doit être invisible ». Devant ses photographies prises en Inde, dans la Corne de l’Afrique ou au Pérou, on est d’ailleurs tenté de lui demander quel est son secret pour réussir à nous rendre si proches ses « modèles ». « En Inde, se souvient-il, je ne me suis jamais comporté comme un voyeur ou en exhibant une espèce de complexe de supériorité avec la culpabilité que cela implique. Je fais des photos parce qu’ils sont là, pas pour en profiter. Je regarde dans le miroir de leur existence ». La tête, l’œil et le cœur façon Cartier-Bresson : sur la même ligne de mire.
Se rendre invisible pour mieux montrer le visible, « la grâce dans le visible », commente Ferdinando Scianna en évoquant quelques-unes de ses images comme ce portrait de Sciascia pris sur le vif dans une église sicilienne ou cette femme allongée sur un banc dans un hôpital psychiatrique et dont les motifs de la robe se confondent avec les gravillons qui recouvrent le sol, donnant un effet de continuité à la fois mystérieux et d’une grande beauté. « La photo est là pour installer une énigme, la révéler ».
Et tenter également d’en résoudre une, celle du temps définitivement insaisissable. « Cette rage de retenir le temps », comme le résume l’hôte de la MEP et qui, bizarrement, le ramène une fois encore à sa Sicile natale : « Après quarante cinq ans de photographie, conclut-il, la destinée la plus ambitieuse pour une photo, c’est de finir dans un album de famille ». Ce qui n’empêche pas les détours, et les siens méritent plus que tout autre le… détour.
portrait
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