par Elisabeth Bouvet
Article publié le 09/10/2009 Dernière mise à jour le 14/10/2009 à 08:41 TU
La comédienne monte L’Avare à la Comédie-Française. Des retrouvailles avec Molière, un auteur qu’elle a joué et mis en scène à maintes reprises en quarante ans de maison. Doyen du Français, Catherine Hiegel se définit avant tout comme « une travailleuse acharnée ». Voire obstinée.
Il est environ 23h30. La représentation vient de se terminer sous une pluie d’applaudissements et la place Colette se noircit de spectateurs encore émerveillés. Fendant la foule qui s’égaille tranquillement vers les bouches de métro et autres arrêts de bus, surgit soudain, semblant fuir, une petite femme à la crinière blonde, bouquet dans une main et clope dans l’autre : il faut faire vite pour reconnaître Catherine Hiegel. Les honneurs, ce n’est pas sa tasse de thé. Ne cherchez pas d’ailleurs son nom sur la liste sans fonds des « épinglés » de la République reconnaissante, vous ne l’y trouverez pas. Les arts et les lettres, elle préfère se les coltiner à bras le corps.
Elle le dit sans ambages : « Je ne fais pas ce métier pour me montrer, pour être aimée ou pour l’amour de me dédoubler, non. Je crois que ce qui me passionne le plus dans ce métier, c’est le travail et de me rapprocher le plus du corps et de l’esprit d’un personnage et ça, ça demande un travail acharné, une remise en question permanente ».
Passion, travail et, camouflé sous la permanente (remise en question), le doute : la sainte-trinité d’une comédienne aux premiers pas pourtant pas très catholiques puisque « c’est [son] père qui a choisi [sa] vocation » : « Mon père (Pierre Hiegel, ndlr) voulait lui être acteur et il était musicologue. Mais les événements de la vie l’ont obligé à travailler très vite, à la radio d’ailleurs où il est devenu producteur et quand j’ai su lire et écrire, il a commencé à me faire participer à des émissions, à des enregistrements […], et le soir, il me faisait travailler des textes en me disant ‘tu dois être comédienne’ ». C’est ainsi que Catherine Hiegel a embrassé la carrière d’actrice, « par admiration ».
Conservatoire, contrats en privé aux (bons) côtés des regrettés Jean Poiret et Michel Serrault - « meilleure école que le conservatoire, à l’époque » -, premiers contacts dès l’été 1968 (après avoir occupé le turbulent mois de mai à occuper) avec la Comédie-Française qui l’invite à venir passer une audition, en dépit de ses réserves à elle (« J’avais peur de perdre mon identité, de me faire bouffer ») qu’elle finira par vaincre. Le 1er février 1969, elle entre au Français mais à ses (farouches) conditions, au jour le jour : « Je suis restée dans la maison en pensant que j’allais m’en aller ».
Rétrospectivement, l’aveu fait forcément sourire. Il est vrai néanmoins qu’elle n’en devint sociétaire qu’en 1976 après que les statuts eurent changé, ne l’obligeant pas à s’engager pour vingt ans. Résultat, cela fait aujourd’hui quarante ans qu’elle la fréquente. Par fidélité, comme à l’égard de ce père dont la présence lui manque encore aujourd’hui ? Quoi qu’il en soit, raconte-t-elle, « ma vraie vocation s’est faite quand je suis entrée dans cette maison, en y rencontrant de grands textes et surtout de grands metteurs en scène. Grâce à eux, je connais mes vraies motivations ». Et de citer notamment Jean-Paul Roussillon qui lui a d’ailleurs fait jouer Marianne, en 1972, aux côtés de l’inoubliable Michel Aumont qui tint le rôle d’Harpagon pendant vingt ans, son premier Avare à elle, en quelque sorte.
Mais pas son premier Molière. C’est même avec le « patron » de la maison que Catherine Hiégel a fait ses débuts, en jouant une soubrette dans Le dépit amoureux, mis en scène par Robert Manuel. Et en 1975, c’est avec Le Misanthrope qu’elle saute le pas, passant de la scène à la mise en scène. Elle n’a pas trente ans. Un long compagnonnage qui n’altère visiblement pas le désir. « Chaque âge de la vie permet de le revisiter », explique-t-elle avant de détailler tout le travail à la fois d’amnésie (« Il faut du temps pour enlever les différentes strates de conventions, de fausses mémoires, de fausses traditions, de fausses musiques qu’on a aussi dans l’oreille ») et d’humilité (« pour ne pas amener son propre jugement dessus ») pour « essayer d’aller vers la vérité de l’auteur ». Et ainsi de faire (re)découvrir l’auteur, fut-il de la trempe d’un Molière.
Et si elle peut se montrer obstinée dans ses choix, à commencer par celui de tirer L’Avare vers la farce (« J’ai toujours eu pas mal de caractère »), Catherine Hiégel reconnait sans coquetterie ni fausse pudeur « avoir besoin de partir du désir de l’autre ». Pas question pour elle d’exprimer un souhait, une envie : « Si je demandais un rôle ou une mise en scène, je crois que je prendrais un mauvais départ. […] Un metteur en scène qui vous choisit dans un rôle, c’est un premier spectateur idéal, lui en tout cas vous croit crédible. A partir du moment où lui pense que je peux jouer tel rôle même si cela parait absurde, j’y vais ». Comme elle y est allée pour L’Avare, sur une proposition de Muriel Mayette, l’administrateur général. Et c’est sans conteste ce désir-là, toujours vivace au sein de la troupe, qui explique « [sa] longévité dans cette maison ».
Non moins vivaces, ses peurs, ses appréhensions. A bientôt soixante trois ans (elle est née en décembre), Catherine Hiégel n’a plus le trac d’être en scène (« La peur du regard des autres m’a passé »), mais c’est désormais avec elle-même que se jouent, ou se nouent, les têtes à têtes les plus intransigeants : « Aujourd’hui la personne qui me fait le plus peur, c’est moi parce que je sais ce que j’ai à accomplir dans la représentation, la difficulté de ce que j’ai à accomplir et j’ai peur de ne pas réussir à l’accomplir ». Et d’ajouter, « plus on travaille, plus on mesure la difficulté de ce qu’on a à faire et de ce qu’il reste à accomplir ».
Et que ce soit dedans ou dehors, Madame le doyen n’a pas ménagé sa peine, rapportant de ses différentes expériences d’inoubliables pépites comme autant de signets dans une carrière bien remplie. « J’ai des souvenirs très forts avec La Serva Amorosa (pièce de Goldoni mise en scène par Jacques Lassalle, ndlr), avec Les Bonnes (de Genet, mise en scène de Philippe Adrien), avec le Georges Dandin que j’ai fait avec Jean-Paul Roussillon, comme d’avoir travaillé avec Koltès et Chéreau sur Quai Ouest, et puis tout en haut, tout en haut je mettrais la rencontre avec Strehler sur La Villégiature (de Goldoni) ».
Quant à ses propres mises en scène (neuf en tout), aucune ne trouve grâce à ses yeux, « j’ai toujours des doutes sur ce que je fais ». Pas forcément simple quand on est amené, en tant que plus ancienne sociétaire, à « être une sorte de grand médiateur » entre la troupe des comédiens et l’administration : « C’est une assez grande responsabilité morale dans la maison », explique-t-elle. Un nouveau rôle en tout cas, et pas forcément le plus aisé car, admet-elle non sans humour, « je ne suis pas la reine de la diplomatie ».
En attendant, elle se démène. « Pour l’instant, je suis très fière d’avoir fait installer un lavabo dans la loge de changements rapides et une vidéo qui manquait, donc je me dis qu’au moins, je laisserai ça, un lavabo ». Mais aussi, n’en déplaise à la « Jacob Delafon du Français » à la belle voix grave (derrière laquelle percent les accents pince-sans-rire de ses deux anciens compères, Poiret et Serrault), un nom gravé dans le marbre, le privilège des doyens...impossible à refuser celui-là.
portrait
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