par Bartholomé Girard
Article publié le 31/03/2009 Dernière mise à jour le 01/04/2009 à 15:36 TU
« Si je voyage, c’est pour voir le monde. Et pour montrer ce que je vois ». Le propos est simple, il est pourtant signé d’un des grands photographes français de ces dernières décennies : Marc Riboud. Né en 1924, le célèbre auteur de La fille à la fleur a traversé le XXe siècle en errant de pays en continents, à l’affût de nouvelles rencontres et paysages. Alors que le Musée de la vie romantique lui consacre une rétrospective, il ouvre les portes de son appartement parisien pour évoquer son parcours, avec le sourire.
Au bout du couloir, il apparaît dos tourné, penché au-dessus de l’épaule d’une femme qui envoie un mail. « Peux-tu noter ce rendez-vous ? Et fais-moi penser, ce soir, à lui envoyer un mail », organise, annonce, demande Marc Riboud à ses assistants, Alice et Martin. 85 ans, et un sacré sens de la communication. Deux heures de discussion avec lui, c’est l’assurance d’être régulièrement interrompus par diverses obligations.
Esprit d’escalier (en colimaçon) et association d’idées sont les chefs d’orchestre d’un entretien avec celui qui, depuis plus de cinquante ans, se balade aux quatre coins du monde, un appareil entre les mains. Insatiable et exigeant, deux traits de son caractère qui l’ont amené à ne jamais céder aux sirènes de la facilité. « J’ai eu la chance de suivre Henri Cartier-Bresson, et j’ai appris qu’il n’était pas question d’être doué ou pas doué. Je ne crois pas au talent. Il n’y a que le travail acharné, et des prédispositions », assure-t-il.
Le labeur n’est pas la moindre de ses qualités. En témoignent les piles de clichés qui jonchent les fauteuils et tables des pièces de son appartement, au milieu desquelles il n’est pas facile de trouver un espace pour s’installer. « J’ai toujours eu une pauvre mémoire, et je voyais beaucoup de choses. J’écrivais peu, voire pas du tout. Les photos étaient ma mémoire ».
D’un voyage autour du monde, son père, Camille, avait rapporté un important journal intime, et son oncle, Jules, avait tout photographié. A 14 ans, son premier appareil en main, un Vest-Pocket Kodak, Marc Riboud choisit son camp. Et, 70 ans après, il accumule des tirages qu’il ne se lasse pas de regarder, comme autant de souvenirs. « Je n’ai pas retraite. Je n’ai pas de capital. Je vis exclusivement de vente de tirages ». Il faut donc en prendre soin, c’est-à-dire numéroter, trier, ranger… des dizaines de milliers de photographies. Combien exactement ? « A peu près, aujourd’hui, entre 400 000 et 450 000 prises de vue ». Son « aujourd’hui » dénote son désir intact de continuer. Encore un voyage prévu, dans les jours prochains, au Brésil. L’Amérique du Sud, l’un des rares endroits où le photoreporter qui a officié trente ans à l’agence Magnum n’est pas encore allé, y préférant l’Asie, et notamment la Chine où il s’est rendu plus de dix fois en trente ans.
Au milieu d’une phrase, il s’arrête. « Regardez cette photographie », montre-t-il du doigt. « Elle fait partie des clichés que j’ai redécouverts depuis quelques mois ». Et il raconte l’histoire de cette rencontre avec un petit garçon au Népal, en 1966, qui n’avait probablement jamais vu d’homme blanc. Son regard se porte sur un autre cadre, adossé à la cheminée, dont on n’aperçoit que la moitié supérieure. Des herbes sauvages du jardin de sa maison de campagne. « Ce qui compte, c’est le mouvement ». Toujours en marche, ce promeneur jamais fatigué qui aime se perdre dans les lieux pour les connaître, bavard généreux qui fourmille d’anecdotes. Le catalogue de la nouvelle rétrospective qui lui est consacrée au Musée de la vie romantique en main, il tourne les pages et raconte des histoires. Sur une double-page du livre s’étend un paysage afghan, où deux hommes sont allongés face à des plaines. Au loin, les montagnes rejoignent le ciel. « J’aimerais bien être enterré là », confie-t-il.
La mélancolie ne l’emporte pas sur son entrain. Il se lève, et invite à le suivre dans une autre pièce. Sa main gauche tapote le mur, alors qu’il passe du salon au bureau où sont rangées la majeure partie de ses photographies, comme pour s’assurer que tout est bien là. Quand le téléphone sonne, il lève le sourcil, signe qu’il écoute. Attentif aux bruits de la maison, il aime être entouré. « Mais je suis aussi habitué à la solitude. On n’a pas le choix, quand on est photographe ».
Sur la table, des rangées de clichés. Sur les murs, des classeurs numérotés jusqu’à 100. « Ce matin encore, j’ai regardé les planches de contact. Je prends au hasard un classeur, et je regarde ». Sitôt dit, sitôt fait : il en ouvre un, et tourne les pages. Les photographies entourées de rouge sont les « bonnes », celles qui ont été agrandies et, éventuellement, publiées ou montrées au public. Depuis 1964, quelques soixante-dix expositions personnelles – sans compter les collectives –, de nombreuses publications dans des magazines – Life, Time, Paris Match, Stern, Geo, Sunday Times, National Geographic... – et une petite trentaine d’ouvrages sur son travail. Une œuvre colossale, distinguée à deux reprises par l’Overseas Press Club dans les années 1960, et le Lifetime Achievement en 2002. Ces prix le touchent-ils ? « Tout dépend du mood [humeur, ndlr] dans lequel je suis », dit-il en plaisantant sur sa connaissance de la langue de Shakespeare, célèbre selon la légende qui veut que, alors jeune recrue de l’agence Magnum, Robert Capa l’ait envoyé en Angleterre pour « apprendre l’anglais et voir les filles »… et qu’il serait revenu sans parler un mot de plus.
« J’aime mieux une petite commande qu’un prix. Bien que je préfère travailler sans commande car cela me fait peur ». Et n’est pas le meilleur moyen de gagner sa vie. Témoin, cette autre anecdote qu’il rapporte : le magazine Look lui avait proposé 8000 dollars pour photographier la Chine pendant un mois. « Je refuse, par peur de ne pas satisfaire la demande. Puis je reste quatre mois en Chine. Je travaille comme un dingue… et fais une première vente. J’obtiens 25000 dollars ». Pas de fierté mal placée, cependant : « Il m’est arrivé de partir quatre mois, et de ne pas réussir un seul cliché ». Il reconnaît qu’il n’y a pas que la qualité des tirages, non plus, qui joue. « Il faut savoir, aussi, se vendre, faire du charme ».
Toujours un sourire en coin, ce grand monsieur aime la nouvelle rétrospective qui lui est consacrée. Simplement parce qu’elle est « réussie » : « Quand il y a une exposition qui a une bonne retombée, c’est extraordinaire ce que cela apporte comme bien-être. Ça donne un coup de fouet à la santé, c’est la meilleure chose qui puisse m’arriver ». Il peut ainsi rencontrer des gens, parler de son travail, partager. Peu enclin à analyser son style photographique – « c’est très difficile de mettre des paroles sur des concepts visuels » –, son regard est plus vif quand lui revient une ancienne histoire, comme si l’on ne pouvait comprendre son travail qu’à partir de sa vie personnelle. « Mon plus vieux souvenir date de mes 4-5 ans, alors que ma petite sœur arrivait. J’ai regardé par le trou de la serrure alors que ma mère accouchait. Et je me suis fait engueuler! J’ai toujours été curieux. J’ai toujours eu peur de manquer, de passer à côté. Comme de louper un train ». La photographie, un moyen de se rassurer ? « Je n’ai jamais envisagé les choses sous cet angle. Mais ce n’est pas faux. »
Il attrape un quartier de pomme, et un verre de jus de fruit. Il croque dans le fruit, boit rapidement une gorgée. « Les pommes, c’est très bon pour la santé ! », lance-t-il en tendant le plat. Le secret de la longévité de Marc Riboud : la curiosité, et les pommes !
portrait
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