par RFI
Article publié le 01/05/2009 Dernière mise à jour le 11/05/2009 à 14:48 TU
Avec six romans, des récits autobiographiques, et de nombreux essais et de manifestes, le Martiniquais Patrick Chamoiseau s’est imposé comme un des écrivains majeurs de langue française. A la fois héritier de la tradition anti-colonialiste à la Aimé Césaire et proche de la pensée de la créolisation élaborée par Edouard Glissant, il a construit une oeuvre exigeante et riche. Son dernier roman Les neuf consciences du Malfini (Gallimard 2009) est une allégorie de la dialectique du dominant/dominé et de leur rapprochement dans le cadre d’une bouleversante et poétique « aventure du vivant ».
Dans Texaco, le roman le plus connu du Martiniquais Patrick Chamoiseau, l’un des personnages dit qu’il faudrait être un Cervantès pour bien parler de la Caraïbe. Mais un Cervantès qui aurait lu Joyce ! Ce portrait de l’écrivain caribéen idéal irait comme un gant à l’auteur de Texaco.
Du Don Quichotte et de l'Ulysse
Il y a en effet du Don Quichotte et de l’Ulysse, de l’errance et de l’inquiétante étrangeté de l’être moderne et urbanisé, dans l’oeuvre de Chamoiseau. On pourrait parler d’une véritable « cathédrale de prose » que l’écrivain élève patiemment depuis plus de vingt ans, aux souffrances et aux humiliations de son pays natal, né de l’esclavage et de la colonisation. C’est aussi une oeuvre originale, à la fois poétique et politique, qui part de la condition spécifique de l’homme caribéen pour déboucher sur l’universel. « Le diversel », corrige Chamoiseau, c’est-à-dire une totalité qui est la somme de toutes les différences et des identités, reliées entre elles par une poétique de la relation (« Une horizontale plénitude du vivant »).
La même logique poétique est à l’oeuvre dans le dernier roman que l’écrivain vient de faire paraître : Les neuf consciences du Malfini, un roman-fable où la rencontre d’un rapace, le Malfini, et d’un colibris sert de prétexte pour une exploration lyrique de la nature même du pouvoir, de la différence et de la beauté. « Comme tous mes récits, ce nouveau roman relève lui aussi, explique l’auteur, de ce que j’appelle l’imaginaire de la diversité, composé d’une pluralité de traces et de bribes ».
Son propre écosystème linguistique
Patrick Chamoiseau est tombé très tôt dans cet imaginaire de la diversité. Né en 1953 à Fort de France, il est le dernier-né d’une famille modeste de cinq enfants. Son père est postier, admirateur inconditionnel de la littérature française. L’homme aimait déclamer à ses enfants la poésie française, en particulier les fables de La Fontaine. La maisonnée était gérée par la mère, l’admirable Man Ninotte, femme analphabète, authentique femme du peuple. Chamoiseau a raconté dans ses récits autobiographiques comment ayant grandi dans une maison où l’univers créole de légendes et de traditions incarné par sa mère cohabitait en bonne entente avec la langue et la culture françaises, représentées par le père mulâtre, amoureux de la France, il a appris très tôt à jongler avec ces deux mondes et à élaborer un écosystème linguistique où le français et le créole se superposent dans un équilibre exemplaire.
Cela ne l’empêchera pas de prendre conscience du caractère fondamental aux Antilles de la culture créole. Aussi, toute son oeuvre s’affirme comme une défense et illustration, à la fois militante et lyrique, de cette créolité essentielle. A travers ses chroniques centrées autour de la vie tumultueuse des petites gens, c’est cette réalité mêlée qu’explore Chamoiseau depuis son tout premier roman Chronique des sept misères, paru en 1986.
Le Goncourt 1992
C’est avec son troisième roman Texaco (Gallimard, 1992) que Chamoiseau se fait connaître du grand public, quatre ans plus tard. Ce livre qui met en scène les heurs et malheurs d’une femme du peuple, en guerre contre les promoteurs qui menacent un des plus vieux quartiers de Fort-de-France, remporte le prix Goncourt 1992. Le succès d’estime et populaire que connaît ce roman bien qu’il soit difficilement accessible, il le doit en grande partie à un article de Milan Kundera paru dans la revue Infini, sous le titre de Beau comme une rencontre multiple. Kundera faisait l’éloge de la langue et du style « chamoisisés », mais aussi de la dimension multiculturelle de cette écriture, héritière de plusieurs traditions à la fois: « Une oeuvre d’art est un carrefour, a écrit l’auteur de L’Immortalité. Le nombre de rencontres qui y ont lieu me semble être en rapport étroit avec la valeur de l’oeuvre ».
Chamoiseau a depuis publié deux autres romans dont le très beau Biblique des derniers gestes (Gallimard, 2002). C’est une épopée à mi-chemin entre Les enfants de minuit de Salman Rushdie et Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez, deux écrivains auxquels l’écrivain martiniquais est souvent comparé. Ce qui rapproche Chamoiseau des grands romanciers indiens, latino-américains, c’est son inventivité linguistique et stylistique : « En littérature, il n’y a pas de langues, mais des langages », aime-t-il dire. « C’est pourquoi, bien que j’écrive en français, je me sens plus proche d’un Saint-Lucien anglophone ou d’un Cubain hispanophone. Les affinités littéraires sont avant tout celle de l’imagination et de l’espace qu’on partage ».
L'engagement au long cours
Parallèlement à sa création romanesque, l’écrivain martiniquais s’est fait connaître aussi en tant qu’essayiste. Un essayiste engagé, comme l’affirme d’emblée, son célèbre Eloge de la créolité (Gallimard, 1989) qu’il publie, en collaboration avec son confrère romancier Raphaël Confiant et le linguiste Jean Bernabé. Ce manifeste qui a été perçu comme l’expression d’une révolte de la jeune génération antillaise contre papa Césaire, père de la négritude, est avant tout un plaidoyer passionné pour la prise en compte de toutes les composantes de l’identité antillaise : « Ni Européens, ni Africains, ni Asiatiques, nous nous proclamons Créoles », écrit le trio.
Chez Chamoiseau, ce combat pour une culture mosaïque rejoint le combat qu’il mène politiquement pour une Martinique souveraine, ce qui lui vaut parfois d’être qualifié d’« anti-français ». « Je reste viscéralement indépendantiste, même si aujourd’hui il n’y a pas de majorité populaire pour une telle option », reconnaît-il. Et d’ajouter: « Je tiens à croire comme certains autres que les profonds mouvements sociaux comme ceux qui ont secoué les Antilles en début d’année sont susceptibles de nous faire accéder à la responsabilité de nous-mêmes par nous-mêmes et au pouvoir de nous-mêmes sur nous-mêmes ».
Cette dimension politique de l’écrivain a été renforcée récemment par les trois pamphlets qu’il a publiés en collaboration avec Edouard Glissant : Quand les murs tombent (Galaade, 2007) consacré à l’ampleur qu’a prise en France, au cours des dernières années, la question de l’identité nationale, L’intraitable beauté du monde - Adresse à Barack Obama (Galaade, 2009) relatif à l’élection par les Etats-Uniens de leur premier président noir, et enfin, en février dernier, un « Manifeste » de soutien aux grévistes de la Guadeloupe. Très largement diffusés, ces textes ont eu une très grande résonance et ont permis à leurs lecteurs d’explorer « poétiquement » (le mot est de Chamoiseau) une actualité en rupture de ban.
portrait
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