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Photographie

Photoquai : une fenêtre palpitante sur le monde

par Elisabeth Bouvet

Article publié le 28/09/2009 Dernière mise à jour le 07/10/2009 à 10:48 TU

@Pierrot Men

@Pierrot Men

Deuxième édition de Photoquai, la manifestation initiée en 2007 par le musée du quai Branly. Conçu comme une biennale, ce rendez-vous ne se tient donc que les années impaires. Deux ans après son lancement, l’objectif demeure inchangé : faire découvrir des photographes non européens et inconnus sous nos latitudes. Et cette année, l’invité d’honneur est l’Iran.

La Seine, rive gauche, juste en face du musée du quai Branly. Le parcours n’est pas bien long, mais en l’espace d’une centaine de mètres, ce sont des dizaines d’histoires, de récits, d’approches aussi (documentaire, conceptuelle ou « humaniste » sur le mode du Franco-Malgache Pierrot Men dont les images prises sur le vif n’en renvoient pas moins à son autre passion, la peinture) qui sont offerts au spectateur dans un parcours qui exclut d’emblée le vieux continent. Et toute signature connue car le principe de Photoquai consiste à mettre en avant des artistes non occidentaux dont les noms ne diront rien ici. Et s’il y a bien une commissaire générale, en l’occurrence Anahita Ghabaian Etehadieh, galeriste et historienne de l’art iranien, elle est aidée dans sa mission par une poignée d’observateurs basés sur les divers continents que nos regards sont donc invités à parcourir.

Caucase, Arménie, Iran, Liban, Israël, Pérou, Argentine, Brésil, Canada, Nouvelle-Zélande, Hawaï, Nigéria, Madagascar… Ce sont au total 32 pays qui sont exposés représentant 50 photographes dénichés sur le terrain. Bref que des images inédites qui racontent l’actualité d’une planète souvent écorchée, abîmée, marquée par le deuil, les guerres, les déracinements, les catastrophes écologiques ou sociales mais qui exhument aussi des mondes presque oubliés comme le fait, par exemple, Jan Becket qui s’est intéressé au drame de Makna Valley, du nom de ce bout de territoire hawaïen occupé par l’armée américaine.

L’Indien Atul Loke devant sa série de photos sur l’habitat collectif(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

L’Indien Atul Loke devant sa série de photos sur l’habitat collectif
(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)


Est-ce le choix de privilégier des artistes inconnus et d’accorder une place à des pays peu souvent représentés ? Quoi qu’il en soit, notre attention, notre empathie s’en trouvent décuplées. Ainsi devant les photographies du Brésilien Julio Bittencourt qui s’est installé dans un squat fameux de Sao Paulo, « véritable favela verticale », nous dit-on. Le photographe a demandé à chacun des habitants de se mettre à la fenêtre de leur appartement, les faisant en quelque sorte poser. En dépit des carreaux manquants et des couleurs peu engageantes, c’est tout de même une image de bonheur qu’il nous donne à voir, avant du moins que les autorités ne décident de fermer ce lieu et ne mettent fin à cette vie communautaire.

Dans un registre non moins « politique » même si les apparences sont trompeuses, la série Pique-nique du Japonais Masato Seto qui montre des couples de jeunes personnes dans un parc, revendiquant de par leur position leur droit à l’existence face à l’extérieur. On se souviendra longtemps de ce couple assis sur une bâche bleue, comme sur un radeau ou un îlot. Autre histoire de couple, celle que décline plus formellement l’Iranien Gothar Dashti. Dans un décor de guerre, entre les tanks et les tranchées, il donne à voir la vie ordinaire d’un jeune couple, comme si de rien était. Raccourci efficace qui vaut pour tous ces pays en guerre (parfois permanente) au Proche-Orient ou ailleurs. Les exemples pourraient se multiplier à l’infini tant les découvertes et les surprises ponctuent ce parcours faussement linéaire.

Les auteurs des photographies exposées, dont certains ont fait le déplacement pour le lancement de la manifestation, affichent l’œil gourmand de ceux qui misent beaucoup sur cette présentation sous le ciel parisien. L’Indien Atul Loke n’était jamais venu à Paris. Et il ne cache pas son désir d’accrocher l’œil d’un galeriste à la faveur de ce déplacement qui le mènera également à Londres. Son travail en noir et blanc sur le chawl (nom donné aux logements collectifs pour défavorisés) où il a grandi n’a même jamais été présenté dans son pays natal. C’est dire l’attente, l’espoir qu’il place dans cette 2e édition de Photoquai. Il a un mois, jusqu’au 22 novembre, pour tenter d’exaucer son vœu.

Photoquai, c’est un parcours le long de la Seine. C’est aussi une rétrospective dans l’enceinte du musée du quai Branly qui explore 165 ans de photographie en Iran, l’invité d’honneur de cette 2e édition. Ce sont enfin toute une panoplie de rendez-vous disséminés dans la capitale. Dix institutions, galeries, musées, centres culturels, s’étant associées à la biennale 2009.