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Une passion italienne

par Elisabeth Bouvet

Article publié le 05/10/2009 Dernière mise à jour le 06/10/2009 à 07:42 TU

Hubert ROBERT (1733-1808) Ruines romaines, 1776. Huile sur toile, 49 x 74 cm© Petit Palais / Roger-Viollet

Hubert ROBERT (1733-1808) Ruines romaines, 1776. Huile sur toile, 49 x 74 cm
© Petit Palais / Roger-Viollet

Alors que Titien, Tintoret et Véronèse se disputent la première place au Louvre, alors que le musée d’Orsay nous a régalé au printemps dernier avec son exposition Voir l’Italie et mourir, le musée de la Vie Romantique, à Paris, nous invite à feuilleter quelques Souvenirs d’Italie (chefs-d’œuvre du Petit-Palais, 1600-1850). Et cela, jusqu’au 17 janvier.

Tout est dans le titre, Souvenirs d'Italie. Car si la furia francese a bel et bien irrigué le royaume dès la fin des guerres ayant opposé François Ier aux troupes suisses qui défendaient le Milanais, et si les artistes français, peintres et écrivains, ont pris le chemin de la péninsule « pour étancher une soif d’Italie qui nourrira l’art français pendant trois siècles » - peut-on lire sur un cartel -, toutes les œuvres exposées n’ont pas forcément été conçues sur place. Comme le souligne Maryline Assante di Pauzillo, l’une des commissaires de l’exposition, « c’est davantage cette imprégnation que nous avons tenu à montrer ».

Et de fait, tous les artistes exposés ne s’appellent pas Claude Gellée dit Le Lorrain (1600-1682) qui a fait le choix, dès 1612 (si l’on excepte les deux années qu’il passera en Lorraine en 1626 et 1627 pour peaufiner son apprentissage), de s’installer à Rome, laissant un témoignage assez colossal sur les paysages de la ville et de la région du Latium. Ses eaux-fortes rustiques et pastorales occupent quasiment toutes les cimaises de la première salle, hommage à la hauteur de sa passion immodérée pour l’Italie !

Camille COROT (1796 -1875) Marietta, 1843. Huile sur papier collé sur toile, 29 x 44 cm© Petit Palais / Roger-Viollet

Camille COROT (1796 -1875) Marietta, 1843. Huile sur papier collé sur toile, 29 x 44 cm
© Petit Palais / Roger-Viollet

Hormis ce cas disons extrême, la plupart des peintres présentés se sont « contentés » de faire le voyage de Florence, Rome et Naples - surtout au XIXe siècle avec la découverte notamment du site de Pompéi -, pour s’inspirer des beautés de l’Italie. De toutes les beautés de l’Italie comme en témoigne le (très beau) tableau de Camille Corot (1796-1875), Marietta ou l’Odalisque romaine (1843) à l’intitulé aussi suggestif que la toile elle-même. Toile sur laquelle on peut lire, en haut à gauche, « peint à Rome » écrit de la main du maître. Une précision capitale dans cet ensemble de tableaux conçus alternativement ici et/ou là-bas. 

Si l’on est certain que François-Marius Granet (1775-1849) était à Rome quand il a peint sa série d’aquarelles consacrées aux lieux de prières et de réclusion, loin des sujets habituellement traités par ses collègues, à l’évidence ce n’était pas le cas d’un Louis de Caullery (1581-1621) dont La place Saint-Pierre lors de l’intronisation du Pape Clément VIII à Rome en 1592 « n’est pas tout à fait cohérent », nous fait remarquer Maryline Assante di Pauzillo pointant du doigt la coupole de la basilique telle que Michel-Ange l’avait dessinée mais pas telle qu’elle fut construite.

Henri MAUPERCHE (1602-1686) Paysage, 1686. Huile sur toile, 115 x 89 cm© Petit Palais / Roger-Viollet

Henri MAUPERCHE (1602-1686) Paysage, 1686. Huile sur toile, 115 x 89 cm
© Petit Palais / Roger-Viollet

Même décalage, poursuit notre cicérone, avec le tableau d’Henri Mauperché (1602-1686) justement baptisé Paysage (1650), car s’il reprend les atours des tableaux atmosphériques à l’italienne avec colonnes antiques et ruines habitées par le petit peuple romain, le fleuve qui coule au pied de ces scènes du quotidien n’est autre que le Nil en Egypte, d’où la présence un rien énigmatique de roseaux au premier plan.

Et ainsi de suite, s’amuse la commissaire qui évoque encore les huit panneaux qu’Hubert Robert (1733-1808) - le point d’orgue de l’exposition - avait peints pour Beaumarchais et qui sont pour la première fois réunis dans un même salon. Le Laacoon, La Vénus de Médicis, Le Gladiateur, Flore, Apollon, etc, sont évidemment d’inspiration italienne avec leur lot de scènes champêtres et de ruines mais ont été réalisés à Paris, après son séjour dans la péninsule. L’exposition est ainsi truffée d’anecdotes que malheureusement seul un œil exercé voire spécialiste peut repérer, déceler, décoder.

Ainsi encore de ces trois portraits peints en 1748 et appartenant à une série intitulée Caravane du grand Mongol. A priori, rien à voir avec le propos de l’exposition si ce n’est qu’ils ont été réalisés par Joseph-Marie Vien (1716-1809), un des pensionnaires du Palais Mancini (l’ancêtre de la villa Médicis à Rome) qui a tenu à immortalisé ses camarades ainsi grimés pour le carnaval… En souvenirs - on y revient toujours - de cette Italie perçue comme une sorte d’Arcadie immuable, surtout au lendemain de la Révolution française qui devait faire entrer l’ex-royaume de France dans l’ère du progrès et de la modernité.