Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Cyclisme

Dopage : Armstrong accusé

par Valérie Gas

Article publié le 23/08/2005 Dernière mise à jour le 23/08/2005 à 17:59 TU

Lance Armstrong en 2000, lors d'un contre-la-montre du 87e Tour de France. (Photo: AFP)

Lance Armstrong en 2000, lors d'un contre-la-montre du 87e Tour de France.
(Photo: AFP)

Le quotidien sportif français L’Equipe a publié une enquête dans laquelle il met en cause le septuple vainqueur du Tour de France cycliste, l’Américain Lance Armstrong, qu’il accuse d’avoir utilisé un produit dopant, l’EPO (érythropoïétine), lors de sa première victoire sur la Grande Boucle en 1999. L’Equipe s’appuie sur les résultats de tests réalisés en 2004 à partir des échantillons d’urine prélevés cinq ans plus tôt et conservés par le laboratoire national de dépistage du dopage de Châtenay-Malabry. Armstrong dément.

A peine retraité, le voilà déjà accusé. Un mois après sa septième et dernière victoire sur le Tour de France, Lance Armstrong est mis en cause dans une affaire de dopage. L’Equipe affirme en une de son édition du 23 août que le coureur cycliste américain a menti lorsqu’il a déclaré à plusieurs reprises au long de sa carrière n’avoir jamais utilisé aucun produit dopant, puisque des tests ont mis en évidence des traces d’EPO dans ses urines prélevées lors du Tour de 1999.

Le quotidien a mené une enquête de quatre mois pour comparer les résultats obtenus par les scientifiques du laboratoire de Châtenay-Malabry et les procès-verbaux des contrôles anti-dopages conservés par la Fédération française de cyclisme, le ministère des Sports, et l’Union cycliste internationale (UCI). Il s’agissait du seul moyen pour retrouver à qui appartenait les échantillons qui se sont révélés positifs car le laboratoire travaille toujours en aveugle, c’est-à-dire sans avoir accès à l’identité des coureurs dont il examine les prélèvements. L’Equipe a réussi à se procurer les documents sur lesquels sont inscrits les numéros des échantillons mais aussi les noms des cyclistes contrôlés, et les a comparés avec les numéros inscrits sur les flacons testés. Il s’est avéré que sur les 12 échantillons où des traces d’EPO ont été retrouvées qui ont fait l’objet d’une investigation, 6 appartenaient à Lance Armstrong.

L’EPO était indétectable en 1999

Pour L’Equipe, «les faits sont donc indiscutables». Armstrong s’est dopé à l’EPO à une époque où cette hormone de synthèse, qui peut permettre d’augmenter de 30 % les performances en favorisant l’oxygénation du sang, n’était pas encore détectable. Les tests utilisés par le laboratoire de Châtenay-Malabry n’ont, en effet, été mis au point qu’un an plus tard et leur utilisation n’a débuté qu’en 2000 pour les Jeux olympiques de Sydney. Sur le Tour de France, il a même fallu attendre 2001 pour qu’ils fassent leur apparition. Les coureurs n’avaient donc aucune raison, en 1999, d’essayer de masquer la présence d’EPO dans leur organisme.

Face à ces accusations particulièrement graves, le coureur américain n’a réagi qu’à travers son site internet en déclarant: «Je répète simplement ce que j’ai dit à de nombreuses reprises: je n’ai jamais pris de produits dopants». Mais il ajoute ensuite que «le journal [L’Equipe] admet dans son propre article que la technologie en question est défaillante» et qu’il «n’a aucun moyen de se défendre». Il est vrai, et L’Equipe le confirme, qu’il ne reste aujourd’hui que «très peu de reliquats urinaires» pour faire des contre-analyses. Le quotidien maintient néanmoins que si cela était nécessaire pour s’assurer du fait que les résultats positifs ont bien été obtenus à partir des prélèvement réalisés sur Armstrong, il serait possible de procéder notamment à des tests ADN avec ce qu’il reste d’urine.

Un champion toujours soupçonné

La publication de ces informations relance la polémique autour d’un coureur dont l’invincibilité a souvent provoqué la suspicion dans le milieu cycliste, et au-delà. Le parcours de Lance Armstrong, qui est devenu indétrônable sur l’épreuve reine du cyclisme après avoir été atteint d’un cancer, a contribué à alimenter les rumeurs. Et pourtant, dans toute sa carrière, il n’a été contrôlé positif qu’une seule fois (aux corticoïdes en 1999). Et encore, pas vraiment puisqu’il a été blanchi après avoir fourni un certificat médical lui prescrivant l’utilisation d’une pommade pour soigner une douleur à la selle. Ni ses liens avec le médecin italien Michele Ferrari, spécialiste du dopage, ni les témoignages de certains de ses proches (sa masseuse Emma O’Reilly, son assistant Mike Anderson) concernant ses pratiques, ni les contrôles sportifs n’ont permis, avant l’enquête de L’Equipe, d’apporter une véritable preuve qu’Armstrong enfreignait les lois du sport. Et le champion a toujours clamé haut et fort qu’il ne se dopait pas jusqu’au jour de sa retraite, à l’arrivée du Tour de France 2005, où il a encore déclaré: «Je voudrais adresser un message aux gens qui ne croient pas au cyclisme, aux cyniques, aux sceptiques. Je suis navré qu’ils ne croient pas au miracle, au rêve. Tant pis pour eux».

Reste à savoir maintenant quelles seront les conséquences des révélations de L’Equipe. Au-delà de l’impact inévitable sur la réputation d’un coureur qui a pourtant tout fait pour prendre sa retraite en pleine gloire après une septième victoire au Tour de France, y aura-t-il une sanction sportive ou judiciaire si les faits sont confirmés ? La question est posée mais la réponse risque d’être d’autant plus difficile à apporter que la valeur juridique des tests en question est loin d’être évidente. Et pour cause, ceux-ci ont été réalisés, cinq ans après les faits qui remontent d’ailleurs à une époque où l’Agence mondiale anti-dopage (AMA) n’existait pas, à des fins strictement scientifiques et n’avaient pas pour objectif de trouver d’éventuels tricheurs. Il sera néanmoins difficile de faire comme si de rien n’était et Hein Verbruggen, le président de l’Union cycliste internationale, le sait, même s’il veut rester prudent avant d’entériner les accusations contre Armstrong. Il a ainsi estimé: «Je pense qu’il faut attendre de voir si tout cela est vrai et alors seulement il faudra se poser la question d’une éventuelle suite judiciaire».

Pierre Ballester

Ancien journaliste à «L'Equipe»

Je ne suis pas persuadé que cela va changer grand chose.

23/08/2005 par Raphaël Ebenstein