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Oléoduc Doba-Kribi

Tchad : le mirage de l'or noir

Après trente ans d'attente, le feu vert a enfin été donné pour l'exploitation du pétrole de Doba. Un an après le Soudan, le Tchad, pays pauvre et affaibli par une guerre civile qui n'en finit pas, commence à être ébloui par les mirages de l'or noir. Il lui reste à démontrer qu'il saura vraiment en tirer profit.
Le projet d'exploitation du pétrole tchadien, à Doba, et la construction d'un oléoduc de plus de 1 000 kilomètres, qui traversera le Cameroun, ont été finalement approuvés, début juin, par le conseil d'administration de la Banque mondiale, après de longues années de controverses. Pour la Banque mondiale, " il s'agit d'un cadre sans précédent pour transformer la richesse pétrolière au profit direct des pauvres, des plus démunis et de l'environnement ".

D'un coût total de 3,7 milliards de dollars, ce projet devrait rapporter quelque deux milliards de dollars de bénéfices au Tchad, et 500 millions au Cameroun, sur les 25 ans d'exploitation prévue. Mais où ira exactement tout ce pactole ? " Je puis vous affirmer, a déclaré le président tchadien Idriss Déby, que tant que je serai à la tête de l'Etat, la transparence va jouer pleinement dans la gestion des revenus du pétrole ; nous veilleront à ce que chaque centime du pétrole puisse produire un effet dans la vie de chaque famille tchadienne ".

Ce n'est pas vraiment l'avis de l'opposition tchadienne qui a aussitôt fait savoir qu'elle désapprouvait la décision de la Banque mondiale, en dénonçant pêle-mêle " les massacres de populations, la mauvaise gouvernance, la corruption, les détournements de deniers publics et le trafic de drogue " du régime Déby. Une opposition qui n'est pas hostile au projet de Doba, mais qui y voit un " encouragement à la dictature ". Elle revendique un contrôle international de l'utilisation du pactole de l'or noir, demande rejetée par Idriss Déby, qui affirme qu'il n'y a " pas de place pour les prédateurs des revenus du pétrole ".

Ce projet a suscité de nombreuses polémiques, notamment entre le Tchad et la France, comme au sein des compagnies pétrolières : pour des raisons vraisemblablement politiques Elf et Shell ont finalement renoncé à y participer. Pour Greenpeace, il s'agit d'un " exemple emblématique d'investissement non éthique que la Banque mondiale ne devrait pas faire ". Même si cette dernière continue d'afficher un grand optimisme quant aux retombées sur le milieu humain et l'environnement du pipeline qui reliera Doba à Kribi, sur la côte camerounaise.

L'exploitation du pétrole tchadien va donc commencer près de trente ans après la découverte des premiers gisements à Doba par les Américains. Elle va progressivement modifier les équilibres économiques du pays qui va moins dépendre de l'aide et de ses exportations agricoles. Les effets politiques de cette évolution vont peser sur les relations avec la France qui a décidé de miser davantage sur le Tchad pour son dispositif militaire en Afrique Centrale.

Plus largement dans la sous-région, le pétrole est en train de devenir un facteur important du jeu politique. Il y a un an, en mai 1999, le Soudan, voisin et ami du Tchad, inaugurait lui aussi la mise en service d'un pipeline de 1 600 km reliant Higleig à Port Soudan, sur la mer Rouge, et commençait en août ses premières exportations de pétrole (2 milliards de barils de réserves estimées). Après des années d'instabilité et de guerres civiles, l'irruption de l'or noir sera-t-elle un facteur de développement ou une nouvelle malédiction?.



par Hugo  Sada

Article publié le 04/07/2000