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Birmanie

Les belles promesses ne suffisent plus

Les déclarations de bonnes intentions de la junte birmane en matière de démocratisation ne sont suivies d’aucun effet sur le terrain, comme a pu le constater une nouvelle fois l’organisation Amnesty International grâce à une mission de dix-sept jours effectuée sur place.
L’insistance de l’organisation Amnesty International, soutenue par de nombreuses associations qui défendent les droits de l’Homme dans le monde entier, avait fini par payer en février 2003. Après plusieurs années d’efforts, elle obtenait enfin le droit d’envoyer une mission dans ce pays. L’accord de la junte militaire avait alors été interprété comme un véritable signe d’ouverture, Amnesty publiant ensuite un rapport dans lequel de graves violations des droits de l’Homme étaient dénoncées. L’espoir né de cette timide ouverture n’a cependant pas duré longtemps puisque seulement trois mois plus tard, les autorités birmanes décidaient d’incarcérer à nouveau Aung San Suu Kyi, opposante emblématique du régime et lauréate du prix Nobel de la paix en 1991, ainsi que plusieurs membres de son parti, la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND). Depuis lors, le régime birman n’a plus effectué aucun geste de bonne volonté, et ce malgré la vague internationale de condamnation déclenchée par l’arrestation d’Aung San Suu Kyi. Seul le rapporteur spécial de la Commission des droits de l’Homme des Nations unies, Sergio Pinheiro, avait pu s’entretenir brièvement avec elle lors d’une visite réalisée au mois de novembre. Et elle lui avait alors dit qu’elle refuserait toute libération avant celle des autres personnes arrêtées au mois de mai.

Dans ce contexte politique pesant, Amnesty International n’avait que peu d’espoir de pouvoir effectuer, comme prévu, une deuxième mission. Elle a pourtant obtenu le feu vert de la junte birmane, deux de ses représentants effectuant une visite du 2 au 19 décembre. Et avant de rendre un rapport de mission complet, ils ont livré lundi leurs premiers commentaires lors d’une conférence de presse organisée en Thaïlande. Ils ont insisté sur le fait que la junte militaire devait désormais adopter des mesures concrètes et ne plus se contenter de promesses. «Les autorités nous ont dit qu’il fallait montrer de la patience, que des changements pourraient avoir lieu. Mais ces affirmations sonnent creux face à la poursuite de la répression. Nous jugerons les progrès des droits humains au Myanmar sur des critères concrets, observés sur le terrain. Les belles paroles et les promesses vagues pour l’avenir, sans calendrier précis, n’ont que peu de poids», a déclaré l’organisation dans un communiqué. Elle a également précisé que ses délégués s’étaient entretenus sur place avec 35 prisonniers politiques détenus dans différentes prisons mais qu’ils n’avaient pas pu rencontrer Aung San Suu Kyi.

L’inquiétude de l’ASEAN

La réponse du régime birman ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué publié mardi, «le gouvernement birman regrette le rapport négatif établi par Amnesty International qui affirme être découragé par le processus politique en Birmanie». Les autorités expliquent qu’elles ont fourni «toute l’assistance possible dans le seul but de travailler d’une manière constructive dans le domaine des droits de l’Homme». Et Rangoon de conclure, dans une phrase au ton menaçant à l’égard d’Amnesty International, «le gouvernement continuera de travailler avec les organisations qui sont honnêtes et impartiales».

Si la Birmanie peut effectivement décider d’interdire à l’avenir l’entrée de représentants de cette organisation, elle sait bien qu’une telle mesure ne contribuerait qu’à augmenter la pression internationale qui pèse sur elle depuis quelques mois. Traités de «voyous» par le secrétaire d’Etat américain Colin Powell au mois de juin, les militaires au pouvoir avaient ensuite également dû essuyer les critiques de plusieurs dirigeants de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) que la Birmanie a rejoint en juillet 1997. Certains n’avaient alors pas hésité à qualifier l’arrestation d’Aung San Suu Kyi de «pas en arrière», pour la Birmanie et l’ASEAN de façon plus globale. Ces propos trahissent l’inquiétude grandissante de différents membres de cette association qui voient se rapprocher l’année 2006, année qui verra la Birmanie assumer la présidence tournante de l’ASEAN. Un régime aussi autoritaire aurait alors bien du mal à entretenir de bonne relations avec d’autres blocs économiques tels que l’Union européenne, et ce d’autant plus que le régime birman fait déjà l’objet depuis sept ans de sanctions européennes en raison des multiples violations des droits de l’Homme perpétrées par la junte au pouvoir.

Liens :
Amnesty International



par Olivier  Bras

Article publié le 23/12/2003