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Drogue

Le paradoxe africain

Les drogues ne se trouvent pas en quantité suffisante en Afrique, affirme l’Organe international de contrôle des stupéfiants. Alors que l’usage illicite des drogues progresse, les produits à usage médical pour réduire la douleur y sont beaucoup trop peu accessibles.
Les pays en développement qui comptent environ 80% de la population mondiale ne consomment que 6% de la morphine utilisée comme traitement de la douleur dans le monde.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère pourtant la morphine comme un médicament essentiel pour la prise en charge médicalisée de la douleur et notamment des patients atteints du sida.

Dans son dernier rapport annuel l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) rappelle que son rôle est de lutter contre l’abus des drogues mais aussi de veiller à satisfaire de manière efficace les besoins médicaux en stupéfiants à l’échelle mondiale. Et là se situe bien le paradoxe africain. Les drogues illicites se développent en Afrique tandis que les hôpitaux manquent cruellement de produits pour alléger la douleur des malades.

Le cannabis est la drogue la plus cultivée en Afrique, celle qui fait l’objet du plus grand trafic et c’est aussi la plus consommée. Le rapport 2003 de l’OICS souligne que le Maroc est l’un des principaux producteurs de cannabis et que 60% à 70% de la résine de cannabis saisie en Europe en provient. Dans certaines régions du Soudan on assiste à un abandon des cultures vivrières pour se mettre à l’exploitation du cannabis, plus rentable pour quelques uns mais aggravant les pénuries alimentaires pour la majorité.

L’abus des amphétamines est un phénomène préoccupant en Afrique australe, surtout en Afrique du sud, mais aussi désormais en Afrique de l’Est et de l’Ouest. L’Angola, le Nigeria et l’Afrique du Sud, qui se situent sur les routes de trafic des opiacés et de la cocaïne, voient également progresser l’usage de ces drogues. En revanche, la culture du pavot serait en baisse sur le continent africain. L’OICS met en garde contre l’utilisation du profit tiré du trafic de drogues à l’achat d’armes et de munitions par des groupes rebelles et des organisations criminelles dans des pays en conflits comme la République centrafricaine, la Côte d’Ivoire et le Liberia.

Pauvreté et anti-douleurs

Pendant ce temps, 32 pays africains ne consomment pratiquement pas de stupéfiants à des fins médicales. Dans les pays où on y a le plus recours (Afrique du sud, Algérie, Maroc, Maurice, Namibie, Sénégal, Zambie et Zimbabwe) la consommation par habitant ne représente que 2% de celle des Etats-unis et 7% de celle enregistrée en Europe occidentale.

De nouveaux produits à base d’opium, disponibles depuis quelques années, sont consommés presque exclusivement dans les pays industrialisés en raison de leur prix élevé. Les Etats-unis consomment à eux seuls 54% de la production mondiale de fentanyl et 88% de celle d’oxycodone. Le lien entre la pauvreté d’un pays, celle de son système de santé et l’usage des médicaments anti-douleurs est clair. Les pays d’Europe orientale en consomment 30% de moins que les pays d’Europe occidentale.

Or, la production mondiale actuelle est largement suffisante pour répondre aux besoins croissants de la demande mondiale. Selon les projections de l’OMS, 15 millions de nouveaux cas de cancer se déclareront d’ici 2015 dont les deux tiers dans les pays en développement. Pour ces malades des analgésiques à base d’opiacés à faibles coûts existent. L’OICS invite les pays producteurs et l’industrie pharmaceutique à les rendre encore plus abordables pour les pays dont les ressources financières sont limitées.



par Francine  Quentin

Article publié le 03/03/2004