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Laïcité

Dernière ligne droite avant l’application de la loi

La circulaire d'application de la loi sur la laïcité et le port de signes religieux à l'école est finalisée. 

		(Photo : AFP)
La circulaire d'application de la loi sur la laïcité et le port de signes religieux à l'école est finalisée.
(Photo : AFP)
La troisième mouture de la circulaire d’application de la loi sur la laïcité et le port des signes religieux à l’école n’interdit plus le port de tous «les couvre-chefs». Elle affirme par contre qu’un élève ne peut pas faire valoir le caractère religieux d’une «tenue» pour refuser de l’ôter à l’école, si elle n’est pas conforme au règlement de l’établissement. Dans ce nouveau texte, la motivation des élèves à porter certains «accessoires» et à en affirmer le caractère religieux, qui doit être évaluée par les chefs d’établissements, prime, du coup, sur la définition stricte de ce que sont les signes religieux ostensibles.

La troisième version de la circulaire d’application de la loi sur la laïcité et le port des signes religieux à l’école devrait être la bonne. Même si elle ne fait pas l’unanimité -les opposants à la loi (UDF, PCF, le syndicat enseignant FSU) restent sur leur position de principe et estiment qu’il ne s’agit pas de la bonne manière de gérer ce problème dans les établissements-, elle provoque moins d’oppositions farouches. Et même quelques satisfactions. Le secrétaire général du principal syndicat de chefs d’établissement (SNPDEN), Philippe Guittet, a ainsi déclaré: «Nous acceptons cette version». Côté politique, le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a estimé que la nouvelle mouture «semble donner à ce stade satisfaction à ceux qui l’ont lue et qui auront à l’appliquer». Son homologue du Parti socialiste, Jean-Marc Ayraut, s’est quant à lui «félicité» des corrections apportées au texte et du fait que les responsables d’établissements scolaires ont été associés à la rédaction de la version finalisée de la circulaire.

Le principal changement apporté par rapport à la mouture précédente proposée par le ministre de l’Education nationale, François Fillon, le 30 avril dernier, réside dans l’abandon du terme «couvre-chef» remplacé par celui de «tenue». Il est ainsi précisé dorénavant qu’un élève ne peut «se prévaloir du caractère religieux qu’il attacherait [à une tenue ou un accessoire], par exemple, pour refuser de se conformer aux règles applicables à la tenue des élèves dans l’établissement». Selon les interprétations, cette modification peut être envisagée comme un élargissement des interdictions ou comme une possibilité d’accepter certaines tenues, du moment qu’elles n’ont pas de caractère ostensiblement religieux.

Une interprétation stricte ou large?

Dans ce contexte, la principale question revient sur le port du bandana qui a fait couler beaucoup d’encre. C’est à ce niveau que les chefs d’établissement auront à trancher, en fonction du règlement de l’école, pour savoir s’il s’agit d’une coquetterie vestimentaire ou d’une volonté claire d’afficher sa religion, individuellement ou collectivement. Les responsables musulmans, comme le président du Conseil français du culte musulman, Dalil Boubakeur, voient généralement un élément positif dans le fait que le texte «n’exclut pas la possibilité de porter un foulard discret» et prônent l’interprétation la moins stricte des termes de la circulaire.

Le représentant du syndicat des chefs d’établissement n’est pas exactement sur cette ligne. Philippe Guittet a déclaré à propos du bandana: «S’il y a une volonté claire... d’afficher une religion, il est évident qu’il [l’élève] n’aura pas sa place dans l’établissement et que la loi sera avec nous... Ce nouveau texte ne veut pas dire qu’on évitera tous les recours mais cela devrait les limiter». Le ministre de l’Education nationale, François Fillon, a d’ailleurs été très clair sur le but de la circulaire. Il a affirmé qu’il n’y aura «plus de champ pour l’interprétation» et qu’un élève qui «se couvrira la tête et revendiquera cette façon de s’habiller pour des questions religieuses tombera sous le coup de la loi».

Le nouveau texte précise aussi qu’il revient aux proviseurs des lycées ou aux principaux des collèges de veiller «en concertation avec l’équipe pédagogique» aux conditions d’accueil des élèves qui refusent d’ôter leur foulard ou tout autre signe religieux dans l’enceinte d’un établissement scolaire. Ceux-ci pourront ainsi être envoyés au centre de documentation ou dans une salle de permanence pendant la phase dite «de dialogue», qui doit obligatoirement précéder les éventuelles sanctions disciplinaires. Il n’est donc plus question d’obliger les chefs d’établissement à garder l’élève concerné dans la classe, comme cela avait été envisagé précédemment. Cette mesure est destinée à éviter de créer une source supplémentaire de conflit.

D’autre part, la demande exprimée par le Conseil français du culte musulman de pouvoir envoyer des représentants jouer le rôle de médiateurs en cas de conflit dans les écoles a été entendue mais limitée. La circulaire autorise, en effet, ces «tiers intéressés» à prendre contact avec les recteurs d’académie mais en aucun cas directement avec les chefs d’établissement. Philippe Guittet estime que de cette manière, les proviseurs et principaux auront la garantie de ne pas être soumis à des tentatives d’influence directe de la part des représentants des communautés religieuses : «Nous voulons éviter que des groupes de pression essaient de s’interposer comme médiateurs avec les chefs d’établissement pour arriver à des petits arrangements locaux qui enfreindraient la loi».

Le choix de la formulation de la troisième mouture de la circulaire d’application de la loi sur la laïcité et le port de signes religieux à l’école a, semble-t-il, été arbitré par l’Elysée directement. Cette dernière version du texte, qui ne devrait plus être modifiée, doit maintenant être présentée au Conseil supérieur de l’Education, le 17 mai, avant sa publication au Bulletin officiel de l’Education nationale.



par Valérie  Gas

Article publié le 11/05/2004 Dernière mise à jour le 11/05/2004 à 14:39 TU