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Laïcité

A texte court, grand débat

Les députés entament l’examen du projet de loi sur l’interdiction des tenues et signes religieux à l’école publique. Plus de 140 orateurs se sont inscrits pour apporter leur pierre à la controverse qui a agité l’opinion pendant des mois et se poursuit encore, à l’intérieur des différents groupes politiques et entre les organisations et mouvements de la société civile.
«Certains voulaient savoir jusqu’où ils pouvaient aller, nous leur apportons aujourd’hui une réponse» a déclaré Jean-Pierre Raffarin, à l’ouverture du débat. Le voile islamique a désormais pris, selon lui, un sens politique, or «la religion, a martelé le Premier ministre, ne doit pas être un projet politique». D’ailleurs, «toutes les grandes religions de l’histoire de France se sont adaptées et, pour la plus récemment arrivée, l’islam, la laïcité est une chance».

Afin de faire partager ses valeurs, dont l’égalité hommes-femmes, le Premier ministre a insisté sur la nécessité de les défendre fermement. C’est pourquoi des dispositions législatives viendront bientôt rappeler les principes fondamentaux de la laïcité dans les hôpitaux. Des mesures en faveur de l’égalité des chances, à l’école et dans l’accès à l’emploi, sont également à l’ordre du jour du gouvernement pour l’année 2004.

Le débat sur la laïcité fait à l'évidence recette à l’Assemblée nationale. Conscients de l’importance de la question de l’interdiction des signes religieux à l’école publique, long de trois articles seulement, plus de 140 députés se sont inscrits pour prendre la parole dans la discussion ouverte par le Premier ministre en personne. Ce nombre inhabituel d’orateurs, qui devrait représenter environ 25 heures d’interventions à la tribune, a conduit à prolonger jusqu’à vendredi l’examen de ce texte.

Des désaccords subsistent sur le bien-fondé de légiférer sur cette question et, pour ceux qui sont favorables à une loi, sur la formulation de cette interdiction des signes religieux à l’école. Autre originalité de ce débat, les clivages ne séparent pas, comme c’est de tradition, la droite et la gauche, la majorité et l’opposition. Cette fois des voix discordantes s’élèvent dans tous les groupes politiques. Sur ces questions de société il est d’usage que les députés retrouvent ouvertement leur liberté et ne soient pas tenus à une discipline de vote du groupe auquel ils appartiennent. A l’UMP, soutien parlementaire de Jacques Chirac qui, dans une allocution solennelle, s’était clairement prononcé en faveur d’une loi, l’ancien Premier ministre Edouard Balladur manifeste son hésitation et n’exclut pas de s’abstenir lors du vote final.

Le groupe UDF est, pour sa part, presque en totalité opposé au principe d’une loi et ses députés devraient pour la plupart s’abstenir ou voter contre. Les députés communistes, très partagés sur la conduite à tenir se prononceront individuellement pour ou contre le texte. Les socialistes, en revanche, devraient voter le projet de loi sur la laïcité. Il est vrai que lors de l’examen du projet de loi par la commission des lois les socialistes ont obtenu que soit retenu leur amendement imposant un dialogue avant toute prise de sanction à l’égard d’un élève qui contreviendrait à la loi. Amendement accepté par le gouvernement dans un objectif de conciliation.

Imagination féconde des adolescents

Quelques points seront fermement discutés dans l’hémicycle et, au premier chef, le terme «ostensiblement», retenu par le gouvernement pour qualifier le port de signes religieux prohibés à l’école. La mission parlementaire présidée par le président de l’Assemblée nationale Jean-Louis Debré s’était prononcée pour le terme «visible» mais elle n’a pas été suivie. Il n’en demeure pas moins que certains députés défendront le mot visible, qu’ils jugent plus objectif et juridiquement plus sûr, notamment au regard des futures contestations possibles. Les membres de la commission des lois ont rejeté cette option, estimant que cela reviendrait à exclure y compris les signes discrets et qu’une censure du Conseil constitutionnel pourrait alors se produire. De même, une telle interdiction générale pourrait mettre la France en difficulté devant la Cour européenne des droits de l’homme.

En revanche, il est bien précisé que la formulation du projet de loi interdit par «tenues», l’ensemble des vêtements et pas seulement la coiffure et par «signes», tous les accessoires. L’avis rendu par la commission des Affaires culturelles souligne que cela «permettra à l’avenir d’interdire d’autres signes que l’imagination féconde des adolescents ne manquera pas de faire apparaître pour contourner la loi».

En dépit de ce que certains députés souhaitaient, le projet de loi sur la laïcité à l’école ne concerne pas les signes d’appartenance politique. Une circulaire de 1936 interdit déjà «tout signe dont le port constitue une manifestation susceptible de provoquer une manifestation en sens contraire». A ceci près ont fait remarquer des députés le port d’un voile islamique ou d’une kippa peut répondre autant à la volonté d’affirmer une identité religieuse qu’à la volonté d’afficher des options politiques en liaison avec les événements au Proche-Orient.



par Francine  Quentin

Article publié le 03/02/2004