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Afghanistan

Le Nord contaminé par les violences

Les forces du mollah Omar semblent s’être réorganisées pour mieux répondre aux attaques dirigées contre leur mouvement par les troupes américaines. 

		(Photo: AFP)
Les forces du mollah Omar semblent s’être réorganisées pour mieux répondre aux attaques dirigées contre leur mouvement par les troupes américaines.
(Photo: AFP)
Plus de deux ans et demi après la chute du régime du mollah Omar, l’Afghanistan est toujours en proie au démon de l’insécurité. Le pouvoir du président Hamid Karzaï, pourtant soutenu par les forces américaines et les troupes de l’OTAN, ne contrôle guère plus de 20% du territoire afghan et cela à trois mois d’élections générales capitales pour l’avenir du pays prévues en septembre prochain. Plusieurs offensives ont été lancées ces dernières semaines contre les positions des Taliban traditionnellement cantonnées au sud et au sud-est du pays. Mais la violence semble toutefois s’étendre aux régions du Nord de l’Hindou-Kouch qui avaient été jusque-là plutôt épargnées par les actions terroristes.

L’assassinat dans la nuit de mercredi à jeudi de onze ouvriers chinois dans la région de Kunduz, au Nord-Est du pays, est le dernier acte d’une série de violences venues rappeler ces dernières semaines que, près de trois ans après avoir été libéré du joug des Taliban, l’Afghanistan n’est toujours pas pacifié. Cette attaque terroriste est la plus meurtrière qui ait été commise contre des expatriés depuis fin 2001. Les ouvriers chinois –certains étaient arrivés en Afghanistan la veille de leur assassinat– travaillaient sur un projet de reconstruction de route dans une région pourtant dirigée par l’un des plus fameux commandants de l’Alliance du Nord, Mohammad Daoud. Ses troupes avaient largement contribué à la chute du régime du mollah Omar et la zone placée sous son contrôle bénéficiait de fait, depuis la fin de la guerre, d’une relative sécurité. Cette situation n’a toutefois pas empêché l’attaque menée dans la nuit de mercredi par une vingtaine d’hommes armés contre un campement dans lequel vivaient une centaine d’employés travaillant pour une entreprise de construction chinoise. Onze d’entre eux sont morts, exécutés en plein sommeil, de même qu’un garde afghan en charge de la protection du camp.

Les autorités afghanes ont immédiatement imputé cette attaque à des activistes de la mouvance des Taliban, accusés de vouloir déstabiliser le gouvernement du président Hamid Karzaï à quelques mois des élections générales. «Il est certain qu’il s’agissait d’une action politique perpétrée par les ennemis de l’Afghanistan», a ainsi accusé le gouverneur de la province de Kunduz, Mohammad Omar, utilisant une terminologie volontairement vague mais désignant généralement des Taliban, des membres d’al-Qaïda ou encore des miliciens aux ordres du chef de guerre Gulbuddin Hekmatyar. Un porte-parole taliban a toutefois catégoriquement démenti l’implication de son mouvement ou de ses alliés dans cette attaque. «Au moindre incident, le gouvernement nous accuse», a ainsi dénoncé Abdullatif Hakimi. «Si nous faisons quelque chose, nous en endossons clairement la responsabilité comme nous l’avons déjà fait par le passé. Or dans ce cas précis, nous ne sommes pas responsables», a-t-il ajouté.

Les humanitaires et l’ONU, principales cibles

Ce responsable taliban avait ainsi récemment revendiqué auprès de la presse internationale l’attentat qui avait coûté la vie, le 2 juin dernier, à des employés de l’organisation humanitaire Médecins sans frontières. Les cinq hommes, trois expatriés et deux Afghans, avaient été tués par des hommes armés à Badghis, une autre province du nord du pays qui avait, elle aussi, jusque-là été épargnée par l'insécurité. L’attaque avaient eu pour conséquence un arrêt des opérations humanitaires dans la région. Et de nombreux observateurs avaient déjà à l’époque ouvertement évoqué la crainte que l’insurrection islamiste, active dans le sud et le sud-est du pays, ne soit en train de gagner du terrain.

La fin officielle de la guerre en Afghanistan, décrétée par le Pentagone il y a déjà plus d’un an, n’a en effet pas signé l’arrêt des combats. Bien au contraire, les forces du mollah Omar semblent s’être réorganisées pour mieux répondre aux attaques dirigées contre leur mouvement par les troupes américaines. Elles ont également redéployé leur moyens contre les  nouvelles cibles que sont désormais devenues les organisations non gouvernementales et les employés des Nations unies. «L'UNAMA, la Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan, travaille directement sous les ordres des Américains et poursuit les mêmes objectifs que les Etats-Unis», a ainsi récemment expliqué Abdullatif Hakimi, ajoutant que «d'autres organisation comme Médecins sans frontières travaillaient également dans l'intérêt des Américains». Et pour qu’aucune ambiguïté ne soit permise, il avait précisé : «A ce titre, ils sont des cibles pour nous».

A trois mois des élections générales –le scrutin prévu en juin a déjà été reporté à septembre– cette recrudescence des violences devrait contribuer à affaiblir un peu plus le gouvernement du président Hamid Karzaï, dont l’autorité s’exerce rarement au-delà de la région de Kaboul. Elle met surtout en lumière le point faible de la politique menée par l’administration Bush qui, en s’attaquant au régime de Saddam Hussein, a permis aux Taliban de demeurer un élément d’instabilité pour l’Afghanistan.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 11/06/2004 Dernière mise à jour le 11/06/2004 à 17:04 TU