Chronique des matières premières
Un triplement des taxes sur les exportations de gaz bolivien. Telle sera la principale conséquence du référendum qui s’est tenu dimanche si on en croit les résultats et les analyses pour le moins confuses qui arrivent de La Paz, la capitale économique de la Bolivie un pays enclavé au cœur des Andes. Mais si les analyses sont confuses, c’est que la situation l’est. Le référendum d’avant hier est la conséquence directe des émeutes des mois de septembre et d’octobre derniers qui ont fait de 50 à 80 morts. Un peu pompeusement, on a appelé cela « la guerre du gaz ». A l’époque, les manifestants s’opposaient à un projet d’exportation du gaz bolivien, de leur gaz, via le Chili, ennemi héréditaire de la Bolivie. Les Boliviens ne pardonnent pas à leurs voisins chiliens de les avoir privé d’un accès à la mer à l’issue de la guerre du Pacifique à la fin du 19eme siècle. Face aux émeutiers de 2003, le président Gonzalo Sanchez de Losada, un libéral bon teint a été obligé de démissionner. Il a été remplacé par son vice-président. Entre-temps aussi, le débat a changé de nature. Il ne s’agit plus d’une simple pulsion anti-chilienne, mais plus profondément d’un débat sur la gestion des ressources naturelles de la Bolivie.
La question est très sensible car depuis la conquête espagnole, les Boliviens se sont toujours fait grugés. Leurs mines d’argent ont été pillées par les Espagnols. Celles d’étain confisquées par la famille Patino dès les débuts du XXème siècle, sans que le pays en profite. Et en 1952, quand les mines sont nationalisées, il ne reste plus grand chose dedans. Des milliers de mineurs, indiens, continueront pourtant à y travailler et à y mourir à petit feu, constituant le fer de lance du mouvement syndicaliste et ouvrier du pays. Dans les années 1980, les dictatures militaires puis les gouvernements libéraux fermeront les mines les unes après les autres, renvoyant les mineurs vers une autre forme de misère, celles du chômage.
Aujourd’hui, les mouvements politiques paysans et indiens reprennent ces débats à leur compte en les adaptant au problème gazier. Ces formations exacerbent le nationalisme à fleur de peau d’une population harassée par la pauvreté et réclament la nationalisation des gisements de gaz. Mais, preuve de la sagesse de l’électorat bolivien, les résultats du référendum ne semblent pas ouvrir le chemin à une telle évolution. Les quelques dizaines de compagnies étrangères implantées en Bolivie ne seront pas expropriées. Tout au plus devront-elles payer plus d’impôts et renégocier leurs contrats. Deux des voisins immédiats de la Bolivie, le Pérou et le Chili viennent d’augmenter les taxes sur la production minière pour profiter de l’envolée des cours du cuivre, de l’étain ou de l’or sur le marché mondial. Au moment où le pétrole et le gaz valent très cher sur les marchés mondiaux, pourquoi la Bolivie n’en profiterait-elle pas ?
par Jean-Pierre Boris
[20/07/2004]
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