Irak
Londres et Rome suspendus au sort des otages
(Photo: AFP)
(Photo: AFP)
La nouvelle a ébranlé l’Italie, fortement mobilisée depuis le 7 septembre dernier pour obtenir la libération des deux Simona, ces deux jeunes femmes installées depuis plusieurs années à Bagdad pour venir en aide aux enfants d’Irak. Et bien que le communiqué diffusé sur un site islamiste considéré comme peu fiable n’ait toujours pas été authentifié et que les autorités italiennes aient appelé à la plus grande prudence, l’émotion n’en est pas moins très grande au sein d’une population qui était descendue en masse dans la rue pour s’opposer à la guerre de George Bush contre le régime de Saddam Hussein. Se référant sans jamais les nommer à Simona Pari et Simona Torretta, le texte de l’Organisation du Jihad affirme notamment que les deux humanitaires ont été tuées «après que le gouvernement italien dirigé par l’ignoble Berlusconi n’eut pas écouté notre seule condition pour les libérer et qui était le retrait de ses troupes d’Irak».
A Bagdad, les ambassades d’Italie et des Etats-Unis, mobilisées dès l’aube, ont indiqué n’avoir aucune confirmation de l’exécution des deux jeunes femmes tandis qu’à Rome la présidence du Conseil affirmait qu’il n’y avait «aucune preuve» de ce qu’avançait le communiqué de l’Organisation du Jihad, soulignant notamment que les revendications de ce groupe s’inscrivait «dans le cadre du terrorisme médiatique». Un pont pour Bagdad, l’organisation non-gouvernementale qui emploie les deux Simona, a également émis les mêmes doutes sur son site Internet, jugeant «pas très crédible» le communiqué diffusé.
Mais une deuxième revendication, publiée en fin de matinée, a toutefois semé le trouble. Emanant d’un groupe se faisant appeler Ansar al-Zawahiri -du nom du numéro deux d’al-Qaïda- et diffusée sur un site également peu utilisé par les groupes islamistes, elle affirme que les deux Italiennes ont bien été assassinées. «Les têtes des deux criminelles italiennes, agents des renseignements italiens, Simona Torretta et Simona Pari, ont été coupées à l’aide d’un couteau sans pitié», indique notamment le nouveau communiqué qui promet de diffuser une vidéo montrant cette exécution. Le groupe Ansar al-Zawahiri avait certes revendiqué le rapt des deux jeunes femmes trois jours après leur enlèvement dans les bureaux de l’ONG qui les emploie à Bagdad mais jamais aucune photo, ni vidéo les montrant n’a été diffusée, rendant difficile la confirmation de cette revendication et de celles qui ont suivies.
Compte à rebours macabre pour l’otage britannique
La situation semble encore beaucoup plus préoccupante pour l’otage britannique Kenneth Bigley aux mains du groupe Tawhid Wal Jihad du Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui. Cet ingénieur de 62 ans a été enlevé il y a une semaine chez lui avec deux de ses collègues américains. Ces derniers, Eugene Amstrong et Jack Hensley, ont été depuis décapités à vingt-quatre heures d’intervalle et les vidéos de leur exécution diffusées sur des sites Internet islamistes. Dans les deux cas, la même mise en scène macabre a été filmée : les otages en combinaison orange -qui rappelle celle des prisonniers de Guantanamo- à genoux, mains attachées derrière le dos sont froidement égorgés aux cris d’Allah akbar avant d’être décapités. Leur tête est ensuite placée sur le dos. Les corps des deux ingénieurs américains ont été retrouvés et rapatriés aux Etats-Unis.
Les ravisseurs des trois hommes avaient donné en fin de semaine dernière vingt-quatre heures aux autorités américaines et britanniques pour qu’elles satisfassent leur revendication qui est la libération de toutes les prisonnières irakiennes détenues à Abou Ghraïb, à l’ouest de Bagdad, et Oum Qasr, dans le sud du pays. Une certaine confusion a régné autour de cette demande car selon l’armée américaine, seules deux femmes sont actuellement détenues en Irak. Il s’agit de Rihab Taha surnommée «docteur microbe» et Houda Hammach -«docteur anthrax»- soupçonnées d’avoir travaillé sur le programme d’armement biologique de l’ancien régime. Le gouvernement irakien avait dans un premier temps annoncé la libération de l’une de ces deux femmes avant de se rétracter. Un communiqué de l’ambassade américaine à Bagdad avait ensuite clairement indiqué que les deux prisonnières ne seraient pas relâchées. «Elles sont physiquement et légalement sous la garde de la Force multinationale. Il n’y a pas de libération imminente et leur cas est sous examen permanent», a notamment indiqué ce texte, fermant la porte à toute négociation avec les ravisseurs.
Dans ce contexte, le sort de l’otage britannique semble des plus désespérés. Une vidéo le montrant suppliant le Premier ministre de lui venir en aide a été diffusée dans la nuit sur un site islamiste. On y voit Kenneth Bigley à genoux et sanglotant demandant au gouvernement britannique d’intervenir pour libérer les prisonnières irakiennes. «J’ai besoin de vous maintenant monsieur Blair car vous êtes l’unique personne sur la terre de Dieu capable de m’aider. Je pense que c’est ma dernière chance de parler et je ne veux pas mourir en Irak», a notamment déclaré cet ingénieur. Mais son appel est resté sans réponse malgré la pression de ses proches qui ont multiplié les interventions auprès des autorités britanniques. Londres a en effet réaffirmé qu’il ne négociera pas avec des terroristes. «La situation est comme avant. Nous ne négocions pas avec les terroristes. Cela n'a pas changé depuis la nuit dernière et ça ne va pas changer pendant longtemps», a déclaré un porte-parole du Foreign Office. Le chef de la diplomatie britannique, Jack Straw, avait affirmé un peu plus tôt qu’il serait «mal placé de prétendre qu’il y a beaucoup d’espoir».
par Mounia Daoudi
Article publié le 23/09/2004 Dernière mise à jour le 23/09/2004 à 15:53 TU