Editorial sports
Quelles sont les qualités requises pour devenir chef d’Etat ? Etrange question surtout dans ce rendez-vous hebdomadaire consacré au sport. Il y faut de l’expérience, le sens du devoir, ceux de l’honneur et de la justice, la volonté de servir. De la détermination, l’esprit de décision. On pourrait prolonger à l’envie l’énumération de ce qu’il faut être pour devenir le numéro un de son pays.
Deuxième question: pouvez-vous m’assurer que ce sont des vertus largement partagées par ceux qui gouvernent notre planète. Je vous devine plus tout à fait sûr de votre réponse, réfléchir, hésiter, additionner les exceptions à la règle commune. Pour finalement vous retrouvez dans un embarras non feint. Si je ne vous avais pas posé ces deux questions préliminaires, vous auriez très certainement pris mon propos du jour à la légère. George Weah pourrait, dans un an, se porter candidat à la présidence de la république du Liberia.
George Weah l’ancien footballeur, qui a notamment évolué à Monaco, à Paris, à Milan et à Chelsea. Qui a gagné beaucoup de trophées. Et qui, suprême distinction, a été élu meilleur joueur de la planète en 1995. Un footballeur président de la République! J’entends déjà vos sarcasmes. Pourtant, il n’y a pas de quoi rire ni sourire. Le footballeur Weah s’est toujours effacé devant l’homme. Authentiquement un humaniste. Il aurait pu se contenter de faire fructifier l’argent amassé pendant sa carrière, vivre indifférent à la misère de ses compatriotes. Il ne l’a jamais fait. Quand son pays était exsangue, il a tout fait pour que le football puisse renaître. Il a réglé les dettes internationales de sa fédération; il a acheté les tenues des joueurs; il a payé les déplacements de sa sélection. Weah, joueur d’exception, directeur technique, mécène. Il a, le premier, compris que le ballon pouvait recréer des liens dans une société meurtrie par une abominable guerre civile qui a enrôlé dans des bataillons de misère plus de vingt-mille enfants soldats, qui a coûté la vie à plus de cent-cinquante mille personnes, qui a déplacé ou contraint à l’émigration plus de la moitié de la population.
Ce sont aujourd’hui toutes ces victimes, à commencer par les plus jeunes, qui ont fait de Weah le héros de leur cause perdue. Au début de l’année il s’est battu pour eux devant les plus hautes instances internationales: «La première chose, disait-il, c’est d’assurer leur éducation. Ils ne savent pas parler, ils n’ont pas de vocabulaire. Ils veulent aller à l’école. Il faut qu’ils puissent le faire». Aujourd’hui, la jeunesse plébiscite le patriote George Weah, écoeurée par la chienlit qui sévit dans la classe politique. L'ambassadeur, bénévole bien entendu, de l’Unicef sera-t-il un jour président du Liberia ? «Mister George» deviendra-t-il «Mister President» ? Je ne le sais pas. Ce dont je suis convaincu, c’est que candidat ou non, il jouera un rôle important, voire très important dans l’avenir de son pays.
par Gérard Dreyfus
[09/10/2004]
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