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Irak

Des élections coûte que coûte

A 18 jours des élections générales en Irak, le pays est toujours en guerre.(Photo : AFP)
A 18 jours des élections générales en Irak, le pays est toujours en guerre.
(Photo : AFP)
A deux semaines des élections en Irak, aucune amélioration de la sécurité n’a pu être obtenue. Au contraire, de jour en jour la situation se dégrade. A tel point que le Premier ministre Iyad Allaoui a lui-même reconnu que, dans certaines zones du pays, l’organisation du scrutin serait quasiment impossible. Si la date du 30 janvier est malgré tout maintenue pour cette première consultation électorale multipartite post-Saddam Hussein, son déroulement et son résultat font l’objet de nombreuses craintes.

Reculer n’est plus envisageable. La date des élections irakiennes restera fixée au 30 janvier 2005. Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement intérimaire irakien, Hoshyar Zebari, l’a confirmé tout en admettant que la situation était difficile et qu’il ne fallait pas attendre de ce scrutin qu’il se déroule sans problème : «Les élections ne seront pas reportées. Elles se dérouleront avec ceux qui voudront y participer. Ceux qui les boycotteront perdront leur voix», ajoutant qu’elles ne seront pas «exemplaires, ni organisées à 100 %» mais qu’elles pourront avoir lieu parce que «le peuple irakien le veut».

Le Premier ministre Iyad Allaoui a lui aussi fait le constat de l’incapacité dans laquelle son gouvernement se trouve à organiser un scrutin dans des conditions minimum de sécurité sur l’ensemble du territoire irakien. Il a ainsi déclaré : «Il y a des poches qui ne participeront pas aux élections mais elles ne sont pas larges». La province d’al-Anbar (ouest), les villes de Mossoul (nord) et de Samarra (centre), font notamment partie de ces zones hors de contrôle où la guérilla irakienne multiplie les attentats et les attaques meurtrières. La situation dans la province d’al-Anbar est tellement difficile que les membres de la commission électorale sont obligés d’y travailler dans le plus grand secret pour essayer d’échapper aux pressions, aux menaces et aux violences. Malgré les précautions prises pour essayer de les protéger, il a été récemment nécessaire de remplacer certains de ses membres par des personnels envoyés de Bagdad.

Les élections n’arrêteront pas la violence

Cette situation constitue un problème d’autant plus difficile à gérer que les régions dans lesquelles les autorités estiment être dans l’incapacité d’atténuer la violence pour le moment, sont majoritairement peuplées de sunnites. Une communauté que ses représentants politiques et religieux ont déjà appelé à boycotter des élections organisées sous l’occupation étrangère. La conjugaison des deux phénomènes risquent donc d’amener à une sous-représentation des sunnites au profit des chiites dans l’Assemblée constituante qui sortira du scrutin du 30 janvier. Et donc d’accréditer la thèse, déjà défendue par les opposants à l’organisation de ce scrutin, du manque légitimité et de représentativité d’un parlement élu dans un pays en proie à une situation de guérilla.

Tous les acteurs impliqués dans la préparation du scrutin, qu’ils soient irakiens ou internationaux, semblent persuadés qu’il ne permettra pas de résoudre les problèmes du pays et surtout de mettre un terme à la violence. Mais dans leur grande majorité, ils estiment néanmoins qu’il est indispensable de respecter les échéances électorales quelle que soit la situation, car un report semblerait aller dans le sens des revendications des rebelles irakiens qui entretiennent la terreur dans le pays. Des représentants de vingt Etats et organisations internationales présents à la réunion de Charm el-Cheikh sur l’Irak, fin novembre, ont ainsi fait part, lors d’une réunion au Caire, de leur désir de voir le scrutin se dérouler à la date prévue. Washington a, de son côté, manifesté sa volonté de ne pas changer le calendrier prévu. Le président George W. Bush s’est d’ailleurs entretenu, en début de semaine, de cette question avec le Premier ministre Allaoui. Les deux hommes ont réaffirmé conjointement leur détermination à respecter l’échéance et ont examiné, encore une fois, les mesures à prendre pour assurer le maximum de sécurité dans le pays dans la perspective de la consultation.

Cette position sans ambiguïté sur la nécessité de maintenir le scrutin n’empêche pas le débat sur la suite des événements de monter en puissance. La possibilité de voir le pays passer, après le 30 janvier, d’une situation de guérilla à un état de guerre civile est clairement envisagée, avec sa question subsidiaire concernant la durée et les conditions du maintien de la présence des forces de la coalition en Irak. L’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger a ainsi estimé que les Etats-Unis devront bientôt décider «à quel point ils veulent être impliqués dans ce qui pourrait devenir une guerre civile». Car malgré l’engagement de Iyad Allaoui de consacrer en 2005 plus de deux milliards de dollars à la constitution d’une police et d’une armée opérationnelles pour en faire «la colonne vertébrale de la sécurité dans le pays», la perspective d’une pacification de l’Irak réalisée sous la houlette des forces nationales, est pour le moins lointaine.

par Valérie  Gas

Article publié le 12/01/2005 Dernière mise à jour le 12/01/2005 à 18:04 TU

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Chercheur spécialisé sur l'Irak

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«Les insurgés maintiennent la pression en Irak.»

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