Le lancement de la télévision numérique terrestre

C’est jeudi soir que le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a donné le coup d’envoi de la TNT, la télévision numérique pour tous, comme on dit désormais, et cette cérémonie de lancement avait le goût de la victoire pour Dominique Baudis, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel. En dépit des efforts de TF1 et M6 pour retarder ce projet, c’est en effet lui qui a porté à bout de bras cette nouvelle télévision qui donne à accès à quatorze chaînes gratuites sous réserve de disposer d’un adaptateur et d’être dans une zone couverte par les émetteurs de TNT. Pour l’instant, seulement 35% de la population est en mesure de regarder la nouvelle télévision,  notamment les gens de la région parisienne, mais ce sera la moitié en septembre et 85% d’ici à deux ans. A la fin de l’année 2007, le Premier ministre estime même que c’est 100% de la population française qui devra avoir accès à la télévision numérique terrestre mais il ne précise pas vraiment comment on fera pour financer la couverture des zones d’ombre, dans les régions montagneuses notamment. C’est important car il est prévu d’arrêter dans moins de dix ans la diffusion analogique, la télé tel qu’elle existe aujourd’hui, et il faudra bien trouver pour la remplacer un système qui assure une diffusion plus complète que la téléphonie mobile par exemple. Il existe en effet une télé de service publique qui doit être accessible par tous dans la mesure où elle est financée par la redevance. Quoi qu’il en soit, il faut le rappeler, l’arrivée de la TNT en France est une petite révolution dans l’audiovisuel qui n’a pas connu de nouvelle chaîne gratuite depuis quinze ans. Les spécialistes estiment que les grands équilibres de la télévision vont en être assez transformés. On devrait voir, non pas tout de suite mais dans dix ou douze ans, un PAF beaucoup plus morcelé qu’il ne l’est actuellement avec notamment une chaîne TF1, première chaîne de télévision d’Europe, qui récolte plus de la moitié des recettes publicitaires de la télévision.

La France en retard

En Grande Bretagne, en Italie, en Allemagne ou en Espagne, la TNT a déjà été lancée et rencontre même un certain succès. En Italie, ce sont surtout les cartes prépayées pour voir des matchs sur le numérique terrestre qui fonctionnent. En Allemagne, où le câble est très présent, elle fait une percée dans la région de Berlin et a  déjà séduit 1,7 million de foyers. En Grande-Bretagne, elle connaît une véritable renaissance depuis qu’elle concentre son offre sur les chaînes gratuites et non sur le payant. Dans tous ces pays, c’est d’ailleurs vingt à trente chaînes gratuites qui ont été proposées. En France, il faut se contenter de 14 chaînes gratuites, dont quatre sont déjà diffusées sur le câble et le satellite et seulement trois sont réellement nouvelles : Nt1, Direct 8 et NRJ 12. Il faudra attendre septembre pour voir arriver des nouvelles chaînes enfants ou d’information qui dépendent d’un second appel à candidatures lancé par le CSA. A la lumière des exemples étrangers, on voit que la TNT à la française est à la fois bien et mal partie. Bien partie, car elle a pris les grandes orientations stratégiques qui s’imposent, notamment en lançant une offre gratuite avant de démarrer en payant. Et pas très bien partie parce qu’il manque encore beaucoup de chaînes à l’appel, car il ne s’est vendu que 60 000 adaptateurs et qu’il faudra maintenant convaincre les Français de s’équiper. Mais, la bonne nouvelle, c’est que c’est maintenant une course d’endurance, ce n’est déjà plus une course d’obstacles.

par Amaury de  Rochegonde

[02/04/2005]