Ex-otages en Irak
Comment a-t-on libéré Florence et Hussein ?
(Photo: AFP)
Florence Aubenas et Hussein Hanoun al Saadi sont enfin libres, après cinq mois d’une détention qui semble avoir été particulièrement difficile tant physiquement que psychologiquement. Les quelques mots prononcés par la journaliste française du quotidien Libération au moment de son arrivée à Paris ont permis de se rendre compte à quel point les conditions dans lesquelles elle a été détenue avec son guide irakien étaient «sévères». Soulagée et souriante malgré la terrible épreuve qu’elle a traversée, Florence Aubenas n’a pas donné beaucoup de détails. Elle a simplement évoqué la cave dans laquelle elle est restée durant toute sa prise d’otage, les liens qui entravaient ses déplacements, le bandeau qui l’empêchait de voir, le manque de nourriture qui creusait son estomac. Elle en dira certainement plus lors du rendez-vous qu’elle a fixé à la presse le mardi 14 juin. Juste après son «debriefing» avec les services de renseignement français.
Dans l’intervalle, son quotidien Libération a décidé de publier le carnet de bord rédigé par la cellule de crise mise en place par le journal dès l’annonce de l’enlèvement de Florence et Hussein. Libération entend ainsi donner accès aux informations dont ses responsables ont pu disposer au fil des négociations et des rendez-vous avec les personnes chargées par le gouvernement français de suivre le dossier et d’essayer de faire sortir les otages.
Motifs politiques ou raisons crapuleuses ?
La lecture de ce journal permet de comprendre encore mieux à quel point cette affaire a été, dès le départ, marquée par l’incertitude. Incertitude d’abord sur le sort de Florence Aubenas et Hussein Hanoun. Pendant plusieurs jours, nul ne savait s’ils avaient été enlevés ou non, en l’absence de toute revendication. Incertitude ensuite sur les ravisseurs et sur leurs mobiles. C’est peut-être sur ces questions que les négociateurs français ont eu le plus de mal à se faire une idée. Il semble, en effet, que les intentions des preneurs d’otages aient été plus difficiles à cerner que dans le cas de Christian Chesnot et Georges Malbrunot, les deux premiers journalistes français retenus prisonniers en Irak, qui avaient été libérés peu avant la disparition de leur consoeur. Il paraît d’ailleurs quasiment certain que Florence Aubenas et Hussein Hannoun n’ont pas été retenus par le même groupe de ravisseurs.
Florence et Hussein ont-ils été enlevés pour des motifs politiques ou pour des raisons crapuleuses ? Libération n’a pas la réponse pour le moment. Le témoignage de Florence Aubenas permettra peut-être d’avoir une idée plus claire sur ce point. Si tant est qu’elle ait pu avoir des indications sur les motivations de ses ravisseurs alors qu’elle semble avoir été maintenue dans un grand isolement. Question subsidiaire : une rançon a-t-elle été versée pour obtenir la libération des deux otages ? Rien ne permet de l’affirmer mais rien ne permet de dire le contraire. Il semble néanmoins indéniable que la question d’un versement d’argent a été abordée à plusieurs reprises. Reste à savoir si ce sont des interlocuteurs dignes de foi ou des intermédiaires sans scrupules qui ont essayé d’amener les négociateurs français sur ce terrain.
De ce point de vue, le rôle et la crédibilité de deux intermédiaires, désignés par les initiales K. et J. dans le carnet de bord de Libération, font l’objet de multiples interrogations. Ces hommes sont présentés comme des proches du député UMP Didier Julia, celui-là même qui s’était illustré par une intervention particulièrement critiquée dans les négociations engagées pour libérer Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Ont-ils véritablement permis d’établir le lien entre les autorités françaises et l’Imprécateur, surnom donné à un ravisseur, censé diriger les négociations ? Ou ont-ils surtout participé à diffuser des rumeurs sur des libérations imminentes qui n’ont pas eu lieu, sur les ratés du gouvernement français accusé de ne pas accorder de crédit aux bonnes personnes en refusant de céder aux exigences exorbitantes de ce fameux Imprécateur ?
Quelle est l’implication de Didier Julia ?
Le rôle direct de Didier Julia est lui aussi difficile à évaluer. Depuis l’affaire Chesnot-Malbrunot, il affirme être disposé à mettre ses réseaux dans la région au service du gouvernement français. Mais celui-ci a refusé tout net la proposition du député, l’accusant même de brouiller les pistes et de perturber les négociations en cours en faisant intervenir des personnes peu fiables, comme Phillipe Brett, son envoyé sur place, qui avait annoncé à la presse avoir réussi à faire libérer Christian Chesnot et Georges Malbrunot alors que c’était faux.
Le voile sera vraisemblablement levé sur un certain nombres d’interrogations, maintenant ou plus tard. Mais d’autres questions resteront sans réponse. Il semble ainsi peu probable que l’on sache finalement quels ont été les accords passés entre les autorités françaises et les preneurs d’otages pour obtenir la libération de la journaliste française et de son guide irakien. Quels que soient les inconvénients de la très grande discrétion dont a fait preuve le gouvernement tout au long des tractations, c’est le résultat qui compte. Cela aura pris cinq mois, mais finalement Florence Aubenas et Hussein Hanoun sont libres et en bonne santé.par Valérie Gas
Article publié le 13/06/2005 Dernière mise à jour le 14/06/2005 à 14:13 TU