Le virage numérique de Rupert Murdoch

On connaissait Rupert Murdoch, 74 ans, le magnat des médias, propriétaire de Fox News, de BSkyB, du Sun et du Times, partisan conservateur de la guerre d’Irak et allié inconditionnel de Georges Bush. Il faudra maintenant parler de Murdoch le web surfeur, Murdoch le développeur sur Internet. Jeudi, le magnat australo-américain a annoncé l’acquisition pour 650 millions de dollars d’un site pour les passionnés de jeux vidéos et de cinéma, IGN Entertainment, qui compte 28 millions d’utilisateurs. En juillet, Rupert Murdoch avait aussi fait beaucoup parlé de lui en mettant la main sur Intermix Media, un ensemble de sites communautaires dont le fameux site de rencontre américain Myspace.com. Auparavant, c’était un site d’immobilier australien ou des sites sportifs. Au total, News Corp, le groupe de Murdoch, veut investir dans l’Internet 2 milliards d’euros et on le dit aujourd’hui très intéressé par les 52 millions d’utilisateurs de Skype, le grand spécialiste du téléphone gratuit sur Internet qui a été fondée par les créateurs de Kazaa, le site d’échange de fichiers musicaux. Il n’est certes pas le seul puisqu’on parle aussi beaucoup d’e-Bay comme acquéreur prochain de Skype. Quoiqu’il en soit, ce qui apparaît aujourd’hui nettement c’est que le groupe News Corp de Rupert Murdoch a entamé un véritable virage numérique. Et cela pour une bonne raison, Murdoch s’en était expliqué en février au cours d’un séminaire mémorable à New York, c’est parce qu’il estime que les 18-34 ans qu’il appelle la génération numérique sont en train de décrocher complètement des médias traditionnels. «Les jeunes, disait-il veulent aujourd’hui contrôler leur média au lieu d’être contrôlés par lui». «Il veulent donc des plate-formes interactives, en temps réel, et pour des groupes de médias qui n’y prendraient pas garde, c'est un risque de se retrouver complètement marginalisés par rapport à ces nouvelles générations de consommateurs.» Ce qui intéresse Murdoch, c’est donc la cible marketing que représente ces dizaines de millions d’utilisateurs et qu’on pourra demain fidéliser sur d’autres contenus.

Google fait du bruit

Google c’est un peu l’inverse de Murdoch. C’était une jeune société montante dans l’Internet, c’est aujourd’hui un acteur majeur dont on craint un peu l’hégémonie. Le moteur de recherche américain a annoncé récemment qu’il allait lever 4 milliards de dollars en Bourse pour continuer à se développer sur Internet. Et chacun se demande un peu où le groupe va aujourd’hui frapper. Il y a eu récemment le lancement de Google talk, cette messagerie qui permet d’interconnecter les amateurs de discussions en ligne. Auparavant, on a beaucoup parlé de Google Print, un projet qui est aujourd’hui suspendu mais qui devrait aboutir, sur fond de polémique et sauf si les éditeurs l’interdisent expressément, à la numérisation d’un maximum de livres sur Internet. Enfin, un dernier outil, Google Earth, fait aujourd’hui fureur car il permet de suivre les quatre coins de la planète grâce à un logiciel de photographies par satellite. A chaque fois, Google se rémunère grâce à des liens sponsorisés qui sont d’autant plus efficaces qu’on ne les associe pas à de la publicité car le moteur de recherche se fait fort de pas rendre ses liens commerciaux intrusifs. Alors, où Google va-t-il aujourd’hui se développer ? Difficile à dire. Mais on peut prendre le pari qu’il prétendra alors rendre un service universel et qu’il deviendra à l’avenir un formidable véhicule publicitaire.

En partenariat avec l'hebdomadaire Stratégies.

par Amaury  de Rochegonde

[10/09/2005]