Bénin
Boni Thomas Yayi président
(Photo: Olivier Rogez/RFI)
Cette fois, l’heure de la retraite a sonné pour Mathieu Kérékou, rappelé par les urnes en 1996 après l’intermède Nicéphore Soglo (1991-1996). Entre-temps son étoile rouge s’était éteinte, après une transition mouvementée et 17 ans d’une dictature militaire qui se réclamait d’un marxisme fortement tropicalisé. Invalidé par son âge, lui-aussi, l’ancien président Soglo a porté son fils Léhady à la tête de la Renaissance du Bénin, considérée jusqu’à cette présidentielle comme le principal parti d’opposition. Au deuxième tour, Léhady Soglo s’est effacé avec quelques autres derrière Boni Yayi, ancien chargé de mission aux Affaires monétaires et bancaires de Soglo père. Ce dernier avait d’ailleurs appuyé en 1994 la nomination de Boni Yayi à la direction de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), dont il a démissionné pour se présenter à la présidentielle.
Un homme du Nord
Visiblement, «le Caméléon» Kérékou aurait préféré rester en terrain connu, avec par exemple pour successeur le sexagénaire Adrien Houngbédji, éminent juriste originaire du sud et candidat malheureux aux présidentielles de ces quinze dernières années. Président de l'Assemblée nationale entre 1999 et 2003, Adrien Houngbédji a également été ministre chargé de la Coordination de l'action gouvernementale et des Relations avec les institutions sous Mathieu Kérékou, en faveur duquel il s’était désisté au second tour de la présidentielle de 2001. Aujourd’hui, tous deux ont quelques raisons de ressentir comme un camouflet la victoire de Boni Yayi, leur cadet, né en 1952 à Tchaourou, un homme du Nord, comme Mathieu Kérékou.
Cette quatrième présidentielle depuis la restauration du multipartisme, en décembre 1990, aura été pour les électeurs l’occasion de se prononcer en faveur du «changement», seul véritable credo de Boni Yayi, monté au créneau présidentiel sans appareil politique. Ses ralliés du second tour ont certainement vu s’ouvrir de nouvelles perspectives de carrières dans l’avènement d’un président arrivé au pouvoir sans grand aréopage. Mais la «virginité» de Boni Yayi a sans doute aussi pesé dans l’électorat. En ces temps de marasme économique, les Béninois n’ont sûrement pas non plus été indifférents à ses compétences financières. Pour sa part, le nouveau président assure aux uns et aux autres qu’il mettra en place «un gouvernement d'hommes jeunes, propres, intègres et neufs».
Un spécialiste des questions monétaires
Fort d'une maîtrise de sciences économiques obtenue à l'Université nationale du Bénin, Boni Yayi s’était spécialisé au Centre ouest-africain de formation et d'études bancaires (COFEB), avant de partir affiner ses connaissances en France, à Orléans, où il a obtenu en 1986 un doctorat de 3ème cycle consacré aux questions monétaires. Tout en travaillant, entre 1975 et 1992, à la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO, il avait choisi de plancher sur «La monnaie, les systèmes financiers et la croissance économique dans les pays membres de l'Union monétaire ouest-africaine: la stratégie néo-libérale à l'épreuve des faits» pour son doctorat d'Etat passé en 1991 à l'Université de Paris IV Dauphine. Boni Yayi sait compter, comme l’indique son emblème de campagne, un cauri, la monnaie-coquillage pré-coloniale.
Du quartier Batito où se dresse sa villa de campagne à étage, barrée d’une pancarte «Siège national du Dr Boni: ça va changer», le futur président se fixait comme priorités «la lutte contre la corruption et la création de richesses pour éradiquer la pauvreté». Il entend tirer bénéfice d’une politique de bon voisinage économique avec le géant pétrolier nigérian et s’est lui-même engagé à déclarer ses biens, en toute «bonne gouvernance et transparence». Boni Yayi a désormais rendez-vous au palais présidentiel le 6 avril, après son investiture et l’accolade de rigueur de Mathieu Kérékou.
par Monique Mas
Article publié le 23/03/2006 Dernière mise à jour le 23/03/2006 à 08:09 TU